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LCP – Classement Pisa : comment relever le niveau des élèves ?

« ... Si on est mal payé, à un moment, on n'attrape pas les mouches avec du vinaigre. Et les professeurs de mathématiques, par exemple, on ne les attire pas avec les salaires auxquels on les recrute aujourd'hui....»
Jean-Rémi Girard
Président du SNALC

LCP – GRAND DÉBAT / Classement Pisa : comment relever le niveau des élèves ? – 5 décembre 2023

Depuis le rapport de 2018, le niveau général des élèves français s’est écroulé, frôlant la moyenne de l’OCDE et restant bien loin des pays asiatiques, comme Singapour ou le Japon. Point d’orgue de ce bilan négatif : les mathématiques. Suite à ces résultats, le ministre de l’Education nationale et de la Jeunesse, Gabriel Attal, a annoncé plusieurs mesures. Seront-elles suffisantes pour relever le niveau du système éducatif français qui peine toujours à recruter ?

Invités :
– Jean-Rémi Girard, Président du SNALC et professeur de français
– Isabelle Rauch, députée Horizons de Moselle, Présidente de la commission des affaires culturelles et de l’éducation,
– Annie Genevard, députée LR du Doubs,
– Michel Desmurget, directeur de recherche à l’Inserm et auteur de « Faites-les lire ! » (Seuil).

LCP – Myriam Encaoua
Bonsoir, Jean-Rémi Girard.

SNALC – Jean-Rémi Girard
Bonsoir.

LCP – Myriam Encaoua
Bienvenue. Vous présidez le SNALC, Syndicat National des Lycées, Collèges, Écoles et du Supérieur. Je crois que vous êtes vous-même professeur de français à Asnières.[…]
Jean-Rémi Girard, j’interroge les élus juste après, parce que c’est important d’entendre les paroles du terrain. Singapour, c’est systématique : inlassablement premier en maths dans le classement PISA. D’ailleurs, après, ce ne sont que des pays asiatiques. Ils ont mis en place une méthode. On va voir une petite pastille de nos confrères de France TV pour comprendre ce qu’est cette méthode précisément. Est-ce qu’il faut, comme le ministre l’a annoncé aujourd’hui, la généraliser en France?

[Passage du reportage sur une classe privée à Singapour]

Jean-Rémi Girard, on est sur du très concret : l’objet, qui se touche, ensuite on a des images, et après seulement, on passe à l’abstraction, à la modélisation. Le ministre annonce ce soir qu’elle sera généralisée. On se dit “enfin pourquoi elle n’a pas été faite avant ?”

SNALC – Jean-Rémi Girard
Oui, la question, par exemple, de concrétiser les quatre opérations au CP, c’est quelque chose qui, globalement, marche très bien. C’est quelque chose que nous, au SNALC, disons depuis assez longtemps : pas de poser une division en CP, non, on ne va pas poser une division en CP avec la potence, mais en revanche comprendre qu’il y a des partages, que les parts de gâteau, etc., sont des choses qu’on peut faire dès le CP, et en partant de choses très concrètes.
Maintenant, ça m’intéresserait quand même de savoir combien ils étaient dans cette classe, dans le reportage. Ils n’avaient pas l’air très nombreux, et je pense que beaucoup de professeurs des écoles en France aimeraient avoir la même qualité de matériel qu’avait cette professeure de Singapour. Beaucoup de nos collègues sont en train de ramasser tout ce qu’ils peuvent à droite, à gauche, de le fabriquer eux-mêmes, et n’ont pas de fourniture de matériel.

LCP – Myriam Encaoua
La priorité, c’est le nombre d’élèves et ce sont les professeurs en face des petites classes. Après, viendra peut-être la question de la méthode, de l’enseignement…

SNALC – Jean-Rémi Girard
Les deux vont ensemble, mais la meilleure méthode, avec des classes de 30 élèves, ultra-hétérogènes, à un moment, elle va elle-même avoir des limites.[…]

LCP – Myriam Encaoua
[à propos des groupes de niveaux]Quand on a les moyens aussi de recruter des professeurs pour des classes de 15, je suis sûr que les syndicats ne sont pas forcément d’accord. Comment vous défendez ça ? 

SNALC – Jean-Rémi Girard
[La modularité] C’est un projet qu’on porte depuis 10 ans au SNALC.

LCP – Myriam Encaoua
Groupes de niveau aussi ?

SNALC – Jean-Rémi Girard
C’est un projet qu’on a conçu en 2013 [le collège modulaire]. Cette idée de groupe de niveau en français et en mathématiques.[…]

LCP – Myriam Encaoua
Un enseignant, à quel moment rentre-t-il dans le métier ? Est-ce qu’on peut en sortir à un autre moment et revenir ? Tout cela va aussi favoriser la mobilité, et ce n’est pas uniquement une mobilité géographique. D’accord avec cela, cette approche de la mobilité avec plus de flexibilité ?

SNALC – Jean-Rémi Girard
Il y a quand même un point qui n’a pas été abordé, c’est le salaire. Parce qu’on peut toujours dire, ‘On est mobile’, c’est joli, etc. mais si on est mal payé, à un moment, on n’attrape pas les mouches avec du vinaigre. Et les professeurs de mathématiques, par exemple, on ne les attire pas avec les salaires auxquels on les recrute aujourd’hui.” […] On est la 7e puissance mondiale ; la moyenne de l’OCDE, ce n’est pas l’objectif.

LCP – Myriam Encaoua

[…]Jean-Rémi Girard, il y a l’histoire des groupes de niveau, et il y a aussi l’idée des savoirs fondamentaux. On met le paquet, s’il faut plus d’heures pour les maths et le français, et moins d’heures pour les autres disciplines. C’est ainsi qu’il esquisse quelque chose de beaucoup plus souple, beaucoup plus flexible.

SNALC – Jean-Rémi Girard
Nous, on est pour les groupes de niveau, à partir du moment où les élèves en difficulté peuvent être dans un groupe à effectifs vraiment réduits. Il va falloir des professeurs. Parce que moi, avec 3 classes de 25, je peux vous faire deux groupes de 30 et un de 15, si mes mathématiques sont bonnes. Avec 3 classes de 30, je vous fais 3 groupes de 30, en revanche, je n’arrive pas à vous faire mieux. Donc ça, c’est très important. Mais ces groupes de niveau, ça peut être une utilité. Et attention, ce ne sont pas des classes de niveau. C’est limité à 2 disciplines. Nous, dans notre projet, on avait bien fait attention à ne pas créer des classes de niveau et à bien préciser que l’objectif était aussi de pouvoir changer de groupe à la hausse, parfois aussi à la baisse. On peut en avoir besoin, à un moment où ça peut aller moins bien dans sa scolarité, et c’est important qu’on puisse trouver de la motivation, faire des choses peut-être un peu plus simples, et retrouver le goût de la réussite.

LCP – Myriam Encaoua
Mettre l’accent sur les savoirs fondamentaux, ça vous va avec un peu plus d’heures, s’il le faut. J’ai vu qu’il y avait une nouvelle épreuve au bac en première, en maths, et au brevet aussi

SNALC – Jean-Rémi Girard
En revanche, prendre des heures aux autres disciplines ponctuellement comme ça, je demande à voir comment ça s’organise dans un collège lambda. Je ne vois pas ce point-là précisément. Je ne vois pas, d’une part, comment il fonctionne, et d’autre part, je ne suis pas certain que ce soit très sain. Va-t-on supprimer l’art plastique pour que les élèves fassent du français? Cela pose un problème d’éducation humaniste.

LCP – Myriam Encaoua
Il a dit “temporairement”.

SNALC – Jean-Rémi Girard

Oui, mais les collègues ont des progressions annuelles. Si à un moment on vous supprime trois semaines d’anglais pour que vous fassiez du français, quand vous allez retourner en anglais, vous n’allez pas être très en forme. Surtout qu’a priori, vous êtes déjà en difficulté. Donc, ce point-là, nous, on attend de voir à quoi il ressemble sur un papier et dans une salle de classe. C’est beaucoup de travail, il faut beaucoup d’enseignants. Il faut recruter des enseignants au lieu de supprimer des postes, ce qu’on a fait depuis un certain nombre d’années[…]

SNALC – Jean-Rémi Girard
[…]On est un syndicat. Effectivement, on porte des positions syndicales. Et je crois qu’aujourd’hui, c’est déjà ça. Tout le monde reconnaît que les enseignants sont mal payés. Il y a 10 ans, nous, on disait ça au SNALC, les gens se marraient : “les vacances”, “la sécurité de l’emploi”, “les fonctionnaires”, etc. Aujourd’hui, c’est reconnu que le métier d’enseignant n’est pas un métier attractif. Et dans toutes les idées et propositions du ministre, il y en a beaucoup qui sont très bien. On n’a pas parlé de la classe de préparation au lycée si on n’a pas eu le brevet. C’est une super idée, bien mieux que le redoublement.

LCP – Myriam Encaoua
Le brevet : indispensable ?

SNALC – Jean-Rémi Girard
Si vous ne l’avez pas, vous avez une classe de prépa-lycée avant d’entrer en seconde, c’est mieux que le redoublement.

LCP – Myriam Encaoua
Il fait quasiment l’unanimité, ce Gabriel Attal !

SNALC – Jean-Rémi Girard
Ce point est vraiment très intéressant, c’est ce qu’on appelle les propédeutiques en éducation. Ce sont des choses que nous, on soutient depuis longtemps. Ça fonctionne très bien. Il faut les personnels, les fonctionnaires qui vont avec. Là, on est à 8 % de contractuels, 10 % de contractuels dans l’académie de Créteil. Il y a un prof sur dix qui n’a pas le concours. Nous, on voudrait que les contractuels aient envie de passer le concours.

LCP – Myriam Encaoua
Et pourtant, le budget de l’éducation est en hausse : +6 %, mais ça ne suffit pas.

SNALC – Jean-Rémi Girard
C’est même pas l’inflation.

« ... C'est beaucoup de travail, il faut beaucoup d'enseignants, il faut recruter des enseignants au lieu de supprimer des postes, ce qu'on a fait depuis un certain nombre d'années...»
Jean-Rémi Girard
Président du SNALC