Edito de la revue Quinzaine universitaire n°1464 du 15 avril 2022
Cet éditorial est garanti sans élections présidentielles. Alors que nous sommes gavés d’analyses, de prises de positions et d’injonctions qui nous sautent à la figure dès que nous ouvrons un journal ou un écran, voire dès que nous adressons la parole à un ami ou un collègue, il me semble nécessaire de vous proposer un espace qui soit autre chose que pure immédiateté.
Si un syndicat professionnel et représentatif comme le SNALC ne pose pas les constats et ne tente pas l’expression objective de l’état de notre système éducatif, qui le fera ? Nous avons toujours eu comme principe fondateur notre indépendance, et partons du principe que les personnels de l’Éducation nationale et du Supérieur, qui ont charge d’âmes, n’ont pas besoin de directeurs de conscience pour glisser — ou ne pas glisser — un bulletin dans une urne.
Laissez-moi donc plutôt vous parler des mathématiques, qu’on tente in extremis de réintroduire en catastrophe après la saignée opérée lors de la réforme du lycée. Ou des colloques que le SNALC organise dans de nombreuses académies sur la souffrance au travail et les possibilités d’aller voir ailleurs, et qui font hélas salle comble. Je dis « hélas » car j’aimerais nous voir échanger, entre professionnels reconnus et respectés, sur les modalités de la transmission des savoirs, les techniques pédagogiques, les cultures professionnelles du premier et du second degré, la richesse de la voie professionnelle, plutôt que sur la désaffection des concours, la précarité des contractuels et le meilleur moyen de monter son auto-entreprise pour quitter au plus vite le navire.
Mais pour avoir pu enfin retrouver, après deux années de visio-conférences, le contact direct avec nos adhérents, j’ai constaté, sans surprise, que l’heure était plutôt au questionnement, à la colère, à la fatigue. À savoir si l’on peut porter plainte dans telle ou telle situation. S’il est plus sûr d’être accompagné d’un représentant syndical à cet « entretien professionnel » auquel on vous invite (la réponse est oui). S’il faut culpabiliser de ne pas parvenir à gérer les 5 élèves en inclusion dans sa classe de CE2, et qui ont un morceau d’AESH mutualisé et sous-payé pour tout accompagnement (la réponse est non). Car notre réalité, c’est celle-là, loin des marqueurs politiques de tel ou tel camp, des jolies annonces sur le français et les maths, des mots d’amour contredits le lendemain par des propos fabuleusement déconnectés de notre expérience professionnelle quotidienne.
Pour le SNALC, la représentativité syndicale que vous nous avez octroyée est là pour dire le vrai, et si nous portons votre parole, nous la portons de façon sincère et respectueuse, sans la déformer, sans la confisquer, sans la remplacer par une idéologie qui ne vous a pas demandé votre avis. J’espère n’avoir pas failli à cette mission en écrivant cet éditorial.