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Les Misérables 2.0

© istockphoto_mikkelwilliam-482784497

En 2024, même si la communication autour de l’informatique à l’école sous-entend le contraire, cette dernière est encore imperméable à l’ère numérique. Trop d’enseignants sont toujours démunis, tant sur le plan du matériel que de la formation. Pour le SNALC, les professeurs des écoles sont sinistrés numériquement. Les formations insuffisantes et les dotations quasi inexistantes les laissent dans le marasme du passéisme contraint. 

Les professeurs des écoles mendient pour un écran ou une unité centrale depuis des décennies. Il n’est pas rare de les voir travailler dans les classes sur des postes fonctionnant sous Windows Millenium (qui ne fonctionnait déjà pas à l’époque). La connexion internet des écoles est souvent déplorable : la fracture numérique y est une réalité. 

Or, malgré cette misère numérique, on demande aux PE d’être productifs. Lors du confinement, la continuité pédagogique avait d’ailleurs été de mise, et que diable : marche ou crève ! Padlet et classe virtuelle, point d’excuse pour ne pas être au rendez-vous. Dans les faits, les enseignants ont ressenti le manque concret d’équipement informatique ou sa vétusté. 

En 2021, la nouvelle prime d’équipement informatique devait permettre aux PE de financer un équipement digne ; On leur promettait la Silicon Valley. Ils ont connu la traversée du désert sans aucune oasis… mais beaucoup de mirages en réalité augmentée. En effet, cette « prime », déjà insuffisante, n’a jamais été réévaluée. Soyons honnêtes, avec 150 € en 2024, que peut-on espérer de mieux qu’un minitel vintage sur eBay ? Impossible de se procurer un ordinateur de qualité, à moins d’économiser la « prime » sur plusieurs années. 

N’oublions pas que le référentiel des compétences professionnelles précise que les PE doivent « intégrer les éléments de la culture numérique nécessaires à l’exercice du métier ». Or, la formation initiale et continue sur ce sujet est inexistante pour beaucoup. Le SNALC demande donc que les PE soient formés et équipés pour pouvoir accomplir leurs missions sans devoir s’endetter personnellement ou « mendier » du matériel à la mairie. 


Article paru dans la revue du SNALC Quinzaine universitaire n°1489 école

DU NUMÉRIQUE DUREMENT ACQUIS, MAL UTILISÉ

Si le SNALC n’est pas en faveur d’une numérisation à marche forcée, des notions informatiques restent au programme. Cependant, dans le domaine du numérique comme ailleurs, n’oublions pas que devoir n’est pas pouvoir. Comment faire appréhender les bases aux élèves quand ils ne disposent que d’un matériel obsolète, défectueux ou inadapté, voire en sont totalement dépourvus ? 

Pour atténuer la fracture numérique, certaines régions font bénéficier les élèves de dotations, dans le secondaire. Dès lors, comment prétendre faire entrer les élèves du primaire dans le troisième millénaire ? 

Pire : dans les foyers, les outils disponibles sont souvent utilisés pour jouer à Minecraft, Brawl Stars et Fortnite plutôt que pour apprendre. Force est de constater que les enfants qui ont grandi à l’ère du numérique – ou plutôt des smartphones et des tablettes que leurs parents leur ont mis entre les mains pour acheter paix et silence – ont des difficultés à appréhender l’outil à la hauteur de sa pleine potentialité éducative. Il sera trop souvent détourné à des usages aussi stériles qu’inappropriés à l’âge et au développement psychique et cognitif. 

Quant aux ENT, on aurait pu penser qu’ils allaient amener du positif. C’était sans compter sur les parents, consommateurs plutôt qu’adjuvants éducatifs, dont les exigences les mènent à demander via cet outil, par exemple, que le travail intégral de la journée de classe soit envoyé à leur enfant absent pour cause de grippe : double journée pour l’enseignant. Et quand ce sont les élèves qui détournent le système, les conséquences peuvent être graves (harcèlement numérique entre pairs etc.). L’extrême vigilance est donc de mise. Enfin, les ENT, les TBI et les dotations massives de tablettes sont souvent imposés par des municipalités qui dépensent sans compter, parfois à l’encontre des besoins réels, quand d’autres écoles sont sous-dotées. 

Le SNALC dénonce donc l’absence de réelle politique de dotation et de réflexion sur l’usage du numérique qui reste une source d’inégalité aussi bien pour les professeurs des écoles que pour leurs élèves.