J’AI EXÉCUTÉ UN CHIEN DE L’ENFER.
RAPPORT SUR L’ASSASSINAT DE SAMUEL PATY
Paris, le Cherche midi, 2021
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D’emblée, la citation du terroriste contenue dans le titre nous plonge dans l’abjection de l’assassinat de Samuel Paty. C’était le 16 octobre 2020. Conçu comme un récit chronologique, basé sur des sources avérées, le livre délie avec subtilité les méandres de ce drame. Le lecteur y explore une réalité aux accents kafkaïens, dans laquelle on entre comme dans un mauvais rêve où le détail grossit jusqu’à déterminer l’enchaînement des événements qui ont conduit à la mort du professeur. Avec une efficacité démonstrative remarquable, l’auteur fait la genèse de cette « histoire de la violence » et nous permet d’en appréhender le processus : il est à l’oeuvre de longue date.
Comment une cabale montée de toutes pièces par un parent d’élève et un activiste islamiste et dont la diffusion sur les réseaux sociaux a rendu possible le crime, a-t-elle pu un seul instant trouver un quelconque crédit auprès de l’institution ?
Les rouages de l’Ecole de la confiance, avorton des décennies d’un pédagogisme aussi erratique que délétère ayant entériné la « destitution de l’enseignant », révèlent de quelle manière la « sacralisation de l’élève » renforcée par le rôle devenu prépondérant du parent d’élève, font du professeur, au moindre conflit, « le fautif idéal ». Pour preuve, la façon implacable dont, dans le triptyque égalitariste professeur-élève-parent, le premier est systématiquement mis en cause puisque, contraint au respect face aux « usagers » de l’école, il « n’a qu’à bien se tenir ».
Derrière les discours prônant les valeurs de la République perce le réel des mécanismes institutionnels, poreux à un antiracisme dévoyé – nourri lui-même du victimisme prompt à exercer le chantage pour mieux bafouer la laïcité – à tel point qu’ils finissent par « trahir avec bienveillance » le professeur qui, seul, « les incarne ». On sera frappé par la force de l’analyse, doublée d’une qualité littéraire qui mérite d’être soulignée et qui rappelle que la laïcité, par sa dimension universaliste, va à rebours du communautarisme et du différentialisme qui mettent en péril notre société et notre École. Tout professeur se doit de lire ce livre, mais aussi tout citoyen épris de justice et de liberté.
Article paru dans la revue du SNALC Quinzaine universitaire n°1469 du 7 octobre 2022