LE EPS 31 – Janvier 2021
L’EPS a subi diverses mutations et connu plusieurs formes depuis le mois de Mars 2020. Cela pourrait sembler anodin ou normal. C’est au contraire révélateur des prouesses et des défis quotidiens que réalise la profession depuis bientôt un an. Un bref rappel de ces évolutions sera l’occasion de rendre hommage aux collègues et de dénoncer la forme très sévère d’exercice qui frappe maintenant notre discipline.
1ᵉʳ variant : Lors du premier confinement de, Mars à Mai derniers, l’EPS a pris une forme totalement inédite. Tous ses contenus, ses méthodes et ses finalités ont été transformés. Il s’est agit, par l’utilisation d’outils numériques, de mobiliser individuellement chaque élève dans son environnement familial. Des activités de fitness, cross fitt, streching, musculation, danse…totalement inédites ont été proposées aux élèves. Des circuits, des challenges, des formes ludiques ont été inventées. Cette première adaptation, spontanée, sans aucune formation, dématérialisée, historique, a montré toute la détermination et l’ingéniosité de la profession pour lutter contre la sédentarité et l’ennui des élèves confinés.
2ᵉ variant : Lors de la reprise scolaire le 11 mai, les conditions de pratique ont considérablement évoluées. Précisées par un premier protocole il s’agissait de faire pratiquer les élèves en cours d’EPS avec un masque et une distanciation physique importante, très variable selon l’intensité des activités, allant de 2 à 10 mètres. Il fallait aussi privilégier les activités extérieures et les parcours sportifs individuels. Les jeux de ballon, les sports collectifs et de contact étaient proscrits tout comme l’utilisation de matériel partagé entre les élèves. Autant dire que les activités restantes étaient bien pauvres, très limitées et combien il a fallu redoubler d’imagination pour captiver les élèves. Cette forme s’est maintenue jusqu’aux vacances d’été.
3ᵉ variant : A la rentrée de Septembre un nouveau protocole et des repères contradictoires encadraient l’EPS l’amenant à prendre des formes différentes selon les interprétations. Le non port du masque est devenu la règle. La distanciation a été ramenée à 2 mètres pour toutes les activités «sauf lorsque la nature de la pratique ne le permet(tait) pas» ! Cette formulation floue et ambiguë a permis la pratique sans masque et sans distanciation d’activités antérieurement proscrites. Sans aucune logique, pour les autres activités, le maintien d’un espace d’au moins 2 mètres entre les élèves restait imposé. Le partage de matériel devenait autorisé mais seulement au sein d’une même classe et soumis à une désinfection systématique. Ce variant offrait alors un assouplissement important et des possibilités d’enseignement pour certains très proches de l’EPS habituelle. Il s’avérait aussi plus propice aux propagations.
4ᵉ variant : Un troisième protocole paru le 2 novembre est venu resserrer les conditions de pratique. Il imposait «le strict respect de la distanciation physique». Variant plus sécuritaire et restrictif il interdisait « les activités, les formes de pratique ou les organisations qui impliquent des contacts directs entre les élèves». Les sports collectifs, de combat mais aussi l’acrosport, les parades en gymnastique, des pratiques collectives en cirque, en danse ont été supprimés ou considérablement transformés pour éviter tout contact. Cette exigence a donné lieu à de nombreuses innovations. En plus des activités traditionnelles modifiées, des activités plus marginales comme le yoga, la relaxation, la musculation au poids du corps se sont développées. Enfin de nouvelles pratiques, totalement inédites, sans contacts, ont aussi fait leur apparition: activités collectives de ballon (spike ball), de frisbee (Double Disc Court), de cordes à sauter (Double dutch) ou de parcours (Discgolf).
5ᵉ variant : Le dernier protocole du 18 janvier accroît drastiquement les contraintes puisque dorénavant «les activités physiques et sportives sont interdites en intérieur » alors que nous sommes en pleine période hivernale.
Cette décision, sans concertation, ruine du jour au lendemain les efforts considérables d’adaptation entrepris jusque là. Elle fait table rase des organisations réadaptées et des cycles en cours. Elle fait fi des possibilités de pratique extérieure propres à chaque établissement, des conditions climatiques, des activités restant à proposer ainsi que des capacités des enseignants et des élèves à subir une telle situation.
À ce stade, une autre forme d’EPS aurait pu être envisagée par des pratiques avec masque, peu intense et en intérieur, comme dans toute autre salle de classe. La relaxation, le yoga, le tir, des activités d’adresse, d’expression corporelle, de coordination… auraient permis d’apporter un peu de chaleur à cet enseignement, à toute une profession et aux élèves qui vont cruellement en manquer.