École et savoir semblent aller naturellement de pair. Comment l’école pourrait-elle en effet se dissocier du savoir qui en constitue un fondement majeur ? 

C’est pourtant ce que révèle l’analyse implacable de Nicolas Gliere et Arnaud Fabre : professeurs expérimentés, issus des enseignements public et privé, ils démontrent de quelle manière le système éducatif a cessé peu à peu de promouvoir les finalités de l’École républicaine. Au commencement était le pédagogisme. « Les pédagos, véritables jésuites ou ayatollahs » aux postes-clés de la hiérarchie, instaurent une forme de censure de la liberté pédagogique des enseignants. Le carcan ainsi imposé permet à l’Institution de dénier à ceux-ci la qualité d’experts de leur métier. Donc de dénigrer le savoir en diminuant les exigences de l’école. 

« Réponse déguisée à la baisse de moyens dans l’éducation », la pédagogie différenciée produit « des diplômes sans valeurs », conférant aux « apprenants » un simple « brushing culturel ». Reflet de la société libérale, l’école, subordonnée à l’entreprise, formate de futurs « citoyens » malléables et corvéables à merci. Une « maltraitance organisée » par une hiérarchie aux pratiques managériales qui procèdent par « la peur et la culpabilisation ». 

Le style, vif et limpide, accompagne une parole marquée par son authenticité. Avec une grande liberté de ton, les auteurs, en vulgarisateurs efficaces, émaillent leur propos d’exemples saillants puisés dans un riche vivier de sources. Exposé très complet où un humour caustique des plus délectables verse une lumière crue sur les carences et errances de l’EN. 

Au fil des chapitres, les collègues identifieront immanquablement une, voire plusieurs situations faisant écho à leur propre expérience. Mais ils ne refermeront pas le livre sans se sentir confortés dans leur mission puisque c’est précisément à rebours de ce bilan accablant que découlent des propositions « simples et rationnelles » visant à redoter l’école de sa finalité émancipatrice. Voilà pourquoi l’ouvrage s’avère porteur d’un véritable espoir. 

Un livre militant qui encourage les professeurs à enseigner pour résister. Mais également à résister pour enseigner. Un souffle de liberté.