Dossier du mois de la revue du SNALC Quinzaine universitaire n°1487 du 15 mars 2024.
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Carrière : un sujet épineux
Avancement et promotions forment un vaste sujet qui a pris une importance renouvelée du fait de la stagnation des rémunérations. Le seul moyen de maintenir à court terme et d’accroître son pouvoir d’achat réside en effet dans l’évolution de la carrière beaucoup plus que dans une revalorisation partielle et toujours reportée pour l’ensemble des personnels enseignants, d’éducation et d’orientation.
Se mélangent ainsi reconnaissance professionnelle et pouvoir d’achat au sein d’une institution pour le moins en crise.
Ainsi, que peut signifier la « valeur professionnelle » à l’heure où notre ministre, comme ses prédécesseurs, ne sait pas définir des objectifs clairs pour l’école ?
À force de ne pas choisir de règles claires de promotion et de mélanger les genres, le ministère suscite des réactions pour le moins crispées lors des publications des tableaux d’avancement et des discussions sur les modalités de promotion.
Ce dossier ne prétend pas à l’exhaustivité, mais fait un point sur les nouveautés de nos
carrières et en rappelle les principes essentiels. Vous pouvez aussi consulter nos articles récents sur le sujet.
Les textes en vigueur, mais aussi et peut-être surtout l’expérience du SNALC sont au cœur de ces pages pour expliciter ce qui reste confus pour la majorité des personnels de l’aveu même de l’IGESR dans son rapport 1 de juillet 2023.
Le cadre pour les carrières : la source des problèmes
Les décrets statutaires correspondant à chaque corps définissent les missions, les modes de recrutement, les grades et échelons. Ils s’articulent avec le protocole PPCR et depuis 2019 avec les lignes directrices de gestion (LDG) ministérielles déclinées académiquement.
Citons l’extrait essentiel du protocole PPCR : « les signataires du présent accord affirment leur volonté d’orienter la politique de rémunération prioritairement sur le traitement indiciaire (…). Ils conviennent de procéder régulièrement à des négociations salariales en matière d’évolution des rémunérations des fonctionnaires. »
Ceux qui ont signé le protocole ont donc accepté que l’augmentation des rémunérations porte essentiellement sur le point d’indice. Le problème, c’est que le RIFSEEP a été mis en place pour la plus grande partie des fonctionnaires, excepté les personnels enseignants, d’éducation et d’orientation. La plupart des autres fonctionnaires bénéficient donc de nouvelles indemnités, régulièrement réévaluées. Ce qui explique la perte de rémunérations de nos professions : une progression du revenu indiciaire longtemps gelée puis anecdotique par rapport à l’inflation et une rémunération indemnitaire demeurée très accessoire.
Il est vrai que, contrairement à ce qui s’était toujours fait, seules les organisations signataires auraient dû participer aux concertations donnant lieu à des augmentations du point d’indice. Ont-elles vu là le moyen de pouvoir annoncer les augmentations avant le ministère et surtout avant les organisations non signataires ? Bel objectif ! Et d’autant plus dérisoire qu’il n’y a jamais eu aucune négociation.
En échange, le protocole PPCR, rejeté par le SNALC, a établi une cadence unique d’avancement d’échelon mettant fin aux avancements à l’ancienneté, au choix et au grand choix pour chaque échelon de la classe normale.
Le protocole PPCR et dans sa continuité les LDG depuis la loi de 2019 ont limité les avancements d’échelon tout en réduisant le dialogue social qui s’exerçait au sein des commissions paritaires. Malgré cela, le SNALC n’a eu de cesse lors des bilans annuels et des discussions des LDG de faire des propositions argumentées.
Classe normale : des accélérations sans turbo
La classe normale compte 11 échelons. Tous les personnels ne commencent pas à l’échelon 1. Il existe un classement à l’entrée dans le corps prenant en compte des services de fonctionnaire, de contractuel et depuis cette année, le temps passé comme salarié dans le privé avant le recrutement.
Ce dernier point a été proposé par le SNALC avec succès. Les personnels déjà hors classe ou classe exceptionnelle sont parfois surpris d’être intégrés en classe normale dans leur nouveau corps après un concours ou la liste d’aptitude des agrégés. Il est en effet impossible d’entrer dans un grade d’avancement, c’est-à-dire hors classe ou classe exceptionnelle. Chacun conserve à titre personnel le bénéfice de sa rémunération antérieure si le reclassement est fait à un indice inférieur à ce qu’il était auparavant.
Le temps passé dans la classe normale dépend pour une très petite partie des « avancements accélérés » aux 7e et 9e échelons. À la suite des rendez-vous de carrière (RDVC), l’avancement accéléré permet de gagner une année pour chacun des deux échelons. Il ne concerne cependant que 30 % des promouvables. Nous avons souvent vu les évaluateurs changer les avis entre le premier et le deuxième RDVC pour varier les promus. À égalité d’avis, qui plus est, le départage se fait à l’ancienneté dans le corps, privilégiant donc ceux qui n’ont pas été « boostés » pour le premier avancement. C’est pourquoi, nous conseillons le plus souvent aux intéressés de préparer au mieux leur RDVC, mais sans surestimer non plus son importance. Le gain financier est en effet réduit et les promotions ultérieures peuvent être ralenties d’un an en raison du critère de l’ancienneté dans le corps, faisant ainsi perdre ce qui avait été acquis de haute lutte. Les évaluateurs ne disent finalement pas le contraire louant souvent les qualités des non promus d’une façon qui peut apparaître comme cynique aux personnels concernés.
Le SNALC a toujours conseillé et accompagné les personnels désireux de faire un recours contre l’appréciation émise à l’issue du RDVC. Ces recours aboutissent de plus en plus et c’est une des raisons pour lesquelles la DGRH a demandé de ne plus utiliser de quota pour attribuer les appréciations. La nécessité de respecter l’égale répartition entre les femmes et les hommes au sein des promouvables a joué aussi dans la suppression de ce quota. Les critères de départage comme l’ancienneté dans le corps interviennent alors.
Hors classe : vers un grade de transition ?
Le grade est accessible à partir de 2 années dans le 9e échelon de la classe normale. Le temps pour y accéder dépend principalement de l’appréciation émise lors du 3e rendez-vous de carrière (RDVC).
Pour le changement de grade, 50 points séparent l’appréciation « excellent » de celle « à consolider » dans le second degré, soit 5 années d’ancienneté à 10 points par an. D’où l’importance de former un recours avec l’aide du SNALC pour avoir la meilleure appréciation possible.
Le taux de promotion augmente chaque année d’un point passant de 17 à 23 % des promouvables en 2025. La part des personnels au 11e échelon diminue, d’autant qu’ils sont de moins en moins nombreux. Depuis 2022, ce sont les personnels au 10e échelon qui sont majoritairement promus chez les agrégés. Pour l’ensemble des autres corps du second degré, 62.3 % des promus sont au 10e échelon en 2022, avec des disparités selon les corps et académies. Idem chez les professeurs des écoles avec 57 % des promus au 10e échelon. Dans l’ensemble des corps, les rares promus au 9e échelon le sont souvent parce que proches de la retraite afin de garantir l’accès au deuxième grade, sans toujours prendre en compte la notion de carrière complète. Il est vrai qu’avec l’âge repoussé de départ à la retraite, il devenait rare de finir sa carrière au premier grade. Ce n’est donc nullement un progrès dû au protocole PPCR pour les corps enseignants, mais simplement une donnée démographique : l’âge moyen des agrégés promus baisse légèrement (50,9 ans en 2022, 51,7 ans en 2021). Il diminue également pour les autres corps du 2d degré (50,4 ans au lieu de 51 ans) et pour les professeurs des écoles (48,83 ans en 2020 à 48,35 ans en 2021 et 48,08 ans en 2022).
Rappelons que lors de sa création, le grade hors classe était contingenté. Le passage à un rapport « pro/pro », c’est à dire à une part fixée à l’avance de promouvables ayant vocation à être promus, garantit des promotions chaque année. Ainsi les agrégés hors classe sont aujourd’hui 28 % du corps. Chacun comprend l’importance de ce système pour l’accès au dernier grade qu’est la classe exceptionnelle. Ainsi, le grade hors classe est atteint de plus en plus tôt par des personnels ayant une carrière de plus en plus longue. Ce grade n’est plus considéré par ceux qui s’y trouvent comme la fin de leur carrière, mais comme un grade intermédiaire, et non plus comme un grade de débouché tel qu’il est encore défini.
Classe exceptionnelle : pas pour tous, pas encore
La classe exceptionnelle reste un grade sommital. Il n’existe donc pas de barème lié à l’ancienneté contrairement au grade hors classe.
Le SNALC a rappelé plusieurs fois que l’allongement des carrières et la démographie finiraient par faire de ce grade sommital un grade de débouché, que ce soit dans la forme ou dans l’usage. Nous n’avons jamais été démentis sur ce constat par le ministère. La grande nouveauté pour les promotions 2024 est la fin des viviers. Nous avons déjà tout écrit à ce sujet. Retenons qu’il ne suffisait pas d’être promouvable au titre du vivier 1 pour être promu ! Par exemple, pour l’année 2022, 25,5 % des professeurs des écoles promouvables au vivier 1 ont été promus, 16.6 % des agrégés, 37.3 % des PLP, 29 % des certifiés, 17.6 % des P-EPS.
La deuxième nouveauté est la fin d’une appréciation émise par celui qui attribue la promotion. Ce n’est pas ce que souhaitait le SNALC, même si ce qui était prévu était encore pire. Désormais, les évaluateurs, inspecteurs et chefs d’établissement, émettront un avis qui sera très favorable, favorable ou défavorable.
L’avis favorable ne devra pas être justifié. Gageons qu’il sera le plus attribué. L’avis très favorable sera pérenne. Les autres avis nécessiteront une nouvelle évaluation l’année suivante. Cela ne garantit pas l’amélioration d’un avis au bout de plusieurs années. Seront promus prioritairement, dans le premier degré, les agents qui auront un avis très favorable et, dans le second degré, ceux qui auront deux avis très favorables. S’il reste des promotions à attribuer, les agents ayant un avis très favorable et un avis favorable, seront départagés à l’ancienneté, ce qui devrait être rare. En effet, aucun quota ne sera utilisé pour l’attribution des avis, ce qui donne toute son importance à la pérennité de l’avis très favorable. En cas d’égalité, le premier critère de départage sera l’ancienneté dans le corps, puis dans le grade, ce qui devrait permettre à un non promu de l’être au cours des années suivantes.
La quantité de promotions attribuée en 2024 sera équivalente à celle de 2023. Le grade n’est donc pas plus ouvert que précédemment, mais il ne l’est pas moins non plus contrairement à ce qui devait se produire dès cette année. C’est l’acquis du rapport pro/pro.
À l’exception des agrégés qui ne sont pas concernés, tous les corps trouveront un intérêt à la linéarisation de l’échelon spécial. L’échelon 4 de la classe exceptionnelle était en effet souvent le dernier échelon atteint, avec peu d’intérêt financier par rapport à l’échelon 7 de la hors classe. Seul le passage, très restreint, à l’échelon spécial avait un intérêt. Sa transformation en un cinquième échelon comportant trois chevrons ouvre de nouvelles perspectives aux collègues ayant encore plusieurs années d’exercice avant leur retraite.
Et le mérite dans tout ça ?
Les textes utilisés pour gérer nos carrières évoquent la valeur professionnelle, sans la définir. Le terme même de mérite, parfois employé par le ministère, suscite un fort rejet de la plupart des organisations syndicales. Ce n’est pas un gros mot pour le SNALC, pour qui la vraie question porte sur sa définition.
L’ancienneté est un fait ; est-ce une qualité en soi ? C’est au fond le sujet car, si aucune valeur ou mérite ne vient à un moment reconnaître des qualités et une façon de servir, il ne reste que l’ancienneté et un rythme unique du début à la fin de la carrière, tranchant par là même toute question sur des tableaux d’avancement.
À l’occasion des rendez-vous de carrière (RDVC), les évaluateurs émettent des avis utilisés pour établir une appréciation finale qu’il est possible de contester gracieusement auprès du DASEN, du recteur ou du ministre avant, en cas de réponse négative, de pouvoir demander la saisine de la CAP compétente. Le SNALC a toujours accompagné, non sans succès, les collègues qui jugeaient insuffisante leur évaluation. Ce droit est important pour obtenir une appréciation excellente lors des deux premiers RDVC et pour améliorer toute appréciation dans le cadre du 3e RDVC. Pour ce dernier, c’est l’aspect définitif de l’avis qui est le plus problématique. Depuis la première année d’évaluation dans le cadre du PPCR, les modes d’attribution des avis et appréciations ont changé. Sont ainsi en concurrence des collègues évalués selon des critères différents. Les avis satisfaisants des premières années ont pesé lourd sur le déroulé de carrière. Le ministère a décidé de ne plus utiliser de quota pour l’établissement des appréciations.
Pour l’accès à la classe exceptionnelle, les LDG et le ministère ne donnent pas d’élément probant pour évaluer la valeur professionnelle. Comme l’indiquait le rapport de l’IGESR de juillet 2023 portant sur les RDVC depuis leur mise en place, « malgré des documents d’appui, des guides méthodologiques, et des sessions de formation, la mission a pu mesurer la différence d’approche des nombreux évaluateurs, tant en ce qui concerne les chefs d’établissement que les inspecteurs. » En venant à conclure que « ce processus, source d’incompréhension, voire d’un sentiment d’injustice et de démotivation, affaiblit la démarche d’évaluation professionnelle en tant que telle ». Explicite ! C’est parce que la valeur professionnelle n’est jamais définie que tout le processus de promotion n’est jamais clairement perçu, d’abord par les évaluateurs, ensuite par les évalués.
Le SNALC défend des carrières attractives et clairement définies
Pour rendre nos métiers attractifs, le SNALC agit pour une revalorisation enfin historique ainsi que pour un déroulé compréhensible des carrières.
Le SNALC intervient par exemple au CSA ministériel, en proposant des amendements, en votant et dans tous les travaux préparatoires. Ainsi, a-t-il empêché récemment l’établissement des tableaux d’avancement à la classe exceptionnelle par les seuls primo-évaluateurs (inspecteurs et chefs d’établissement).
Il défend aussi énergiquement ceux qui sont lésés par chaque changement de règle :
- Les avis satisfaisants des premières campagnes d’évaluation, établis en grande quantité et pénalisant pendant des années les professeurs concernés pour l’accès à la hors classe. Ce sont eux qui aujourd’hui, pas encore tous promouvables, sont doublés par les nouveaux promus. Ces personnels subissent clairement ce que serait une carrière à l’ancienneté.
- Les anciens promouvables au vivier 1 qui ne sont plus promouvables et ceux qui le sont encore, qui pendant une phase « transitoire » verront « une attention particulière » portée à leur situation. Aucune consigne claire n’est donnée à leur sujet.
LES PROPOSITIONS DU SNALC :
- Les deux premiers RDVC sont trop proches et trop tardif pour le premier. Le SNALC demande à revoir leur position dans la carrière. Leur contenu peut être allégé sans nuire à la valeur de l’évaluation.
- Le 3e RDVC ne donne pas satisfaction par son aspect définitif. Le problème est la trop longue durée séparant l’évaluation de la promotion en résultant. La grille d’évaluation pourrait rester la même avec un réexamen annuel pouvant donner lieu à une nouvelle appréciation tenant compte des changements continus de règles.
- La hors classe, en tant que grade intermédiaire doit pouvoir être accessible plus tôt, par exemple à partir du 8e échelon, afin d’ouvrir des perspectives pour une carrière menant plus massivement au dernier grade et à son sommet indiciaire, autrement que de façon anecdotique comme aujourd’hui.
- Tous les avis doivent être motivés. Grâce à un amendement du SNALC concernant les LDG, cette proposition a été retenue pour les avis très favorables et défavorables.
- « L’ensemble de la carrière » doit être explicitement le sujet de l’évaluation pour la classe exceptionnelle.
- L’appréciation pour l’accès à la classe exceptionnelle devrait être susceptible de recours, ne serait-ce que pour avoir une explication, faute d’avis motivés.
- Il faut réviser les grilles de rémunération afin de redonner de l’attractivité à des personnels s’engageant dans une carrière sur le long terme.