Ou comment légitimer un management « froid », injuste et inefficace.
« L’État est le plus froid des monstres froids : il ment froidement », écrivait Nietzsche. Si la formule ne manque pas de radicalité, elle correspond trop souvent à une réalité quand il s’agit de la gestion des personnels de l’Éducation nationale. Le recours systématique à l’expression « dans l’intérêt du service » est devenu l’illustration caricaturale de cette « froideur » administrative.
La formule est quasi magique dans la bouche des gestionnaires des rectorats : « dans l’intérêt du service » met fin à toute argumentation, « dans l’intérêt du service » clôt toute discussion ; c’est le « sésame, ferme-toi » de l’institution, qui en use et en abuse.
C’est ainsi que lorsqu’il est question pour elle de traiter de situations de tensions personnelles ou de harcèlement moral entre agents, celle-ci trouve le plus souvent leur résolution dans le déplacement… de la victime ! « Dans l’intérêt du service. » Et lorsqu’il est question de justifier un refus de mutation ou, au contraire, d’imposer une mutation-sanction, ce sont encore « l’intérêt du service » ou sa « continuité » qui sont convoqués.
En sorte que confronté à cette formule définitive dans son action d’accompagnement, le représentant du SNALC ne peut que relever la souffrance des personnels, du chef d’établissement à l’AED, en passant par l’enseignant ou la secrétaire de direction, lesquels ont l’impression de n’être pour leur employeur qu’une croix dans une case et déplorent cette inhumanité institutionnelle. C’est peu dire que ce management désincarné, mécanique et « froid », est inefficace et démoralisant. Sans doute n’est-il pas pour rien dans la crise de recrutement.
Précisons : il ne s’agit pas ici de blâmer tous les responsables des DRH et autres directions académiques du personnel qui font – plus ou moins froidement – leur métier, tel qu’on leur a appris et tel que les textes et procédures leur commandent de le faire. Faute de moyens suffisants et face à la masse des dossiers à traiter, des situations particulières à gérer, certains sont souvent contraints d’agir ainsi ; mais d’autres le font malheureusement par facilité : « l’intérêt du service » se résume alors à sa tranquillité, et à la leur.
Le SNALC estime que le bien-être des personnels est justement dans l’intérêt du service.
Attaché à la qualité et à l’efficacité des services de l’État, le SNALC l’est autant à la justice et à l’humanité : dans l’accompagnement et la défense des agents de l’Éducation nationale, il continuera à défendre les unes tout en réclamant les autres.
Article publié dans la revue Quinzaine universitaire n°1493 du 4 octobre 2024