de Jean-Pierre Obin, L’Observatoire, 2023.
Ancien inspecteur général, Jean-Pierre Obin est connu pour son rapport éponyme de 2004 qui établit un constat préoccupant des atteintes à la laïcité en milieu scolaire.
Son dernier livre, au titre lapidaire, expose la situation actuelle des professeurs ainsi que les répercussions sur leur enseignement d’un phénomène à l’ampleur désormais considérable. Depuis l’assassinat de Samuel Paty, ils vivent en permanence avec ce « traumatisme ». Conscients que le cours le plus anodin peut à tout moment dégénérer, ils se sentent à la portée du pire.
L’autocensure est le premier corollaire de cette peur. Elle touche un enseignant sur deux. Devant la virulence des provocations de certains élèves et parents, devant la multiplication des contestations d’enseignement, un certain nombre recule. Ainsi, des pans entiers de programmes nationaux, tels la Shoah, ne sont plus enseignés. Port de tenues manifestant une appartenance religieuse et revendications communautaires bénéficient d’une relative impunité.
Parmi les facteurs déterminants dans ce renoncement à un enseignement laïque, le fameux « pas de vagues » de l’Institution sape la confiance envers la hiérarchie et accentue le sentiment de solitude.
Dans ce contexte viennent s’allier l’islamisme et le wokisme qui font des adeptes au sein même des personnels. Par « leur rejet commun de l’universalisme des Lumières », ces « deux idéologies réactionnaires » forment un couple improbable en s’accordant sur les points suivants : « refus du débat, appel à la censure, mépris du droit, appel à la violence ». Dans le supérieur, le militantisme prend parfois le pas sur l’éthique académique…
Cette minorité agissante mène une lutte frontale contre la laïcité en semant la terreur intellectuelle : nombre de professeurs finiraient par ne plus oser pratiquer la déontologie laïque, pourtant inhérente à leur fonction.
Étoffé d’enquêtes et de témoignages de terrain, le livre exhorte la hiérarchie à se départir de sa calamiteuse idéologie managériale pour, enfin, protéger et soutenir les enseignants. Une condition majeure pour qu’ils puissent « poursuivre le combat des Lumières ».
Le SNALC se fait l’écho de cet appel. Pour la défense de l’école laïque.
Article paru dans la revue du SNALC Quinzaine universitaire n°1490 du 7 juin 2024