Nous sommes nombreux à ressentir le peu de prestige associé à notre métier. Longtemps considéré comme ayant une forte valeur sociale et intellectuelle, il est aujourd’hui discrédité par la société et méprisé par l’institution.
Nous sommes systématiquement désignés à la vindicte publique lorsqu’il faut trouver des coupables à la dégringolade de l’école française. Pleuvent alors les commentaires peu respectueux sur notre prétendue paresse et nos avantages exorbitants. Nous sommes devenus les boucs-émissaires d’une société qui demande l’impossible à l’école. Les élèves français sont nuls en maths et en français ? C’est de notre faute ! Et pourtant, ce sont les mêmes réformes que l’on nous sert à chaque changement de ministre pour soigner notre système malade : réforme des programmes, de la formation, du concours – autant de preuves d’une incompétence qui n’est pas de notre fait.
A force, ces discours négatifs à notre égard ont contribué à désacraliser notre statut. Si bien qu’aujourd’hui, cette déconsidération ambiante se manifeste par des violences régulières dont nous sommes les victimes : parents et élèves n’hésitent plus à nous insulter, nous menacer, nous agresser.
Et si vous estimez être en droit d’obtenir estime et attention de la part de l’administration, vous vous trompez. Ce que vous faites, ce pour quoi vous avez été recrutés ne compte plus. Depuis des années, l’école cède à toutes les idéologies en vogue et n’hésite pas à faire appel à des intervenants extérieurs, à la légitimité toute relative, ou à imposer des projets sortis du chapeau des injonctions sociétales. Tant pis si cela rogne vos heures de cours ou si cela n’a aucune cohérence avec les programmes. Instruire est devenu une activité accessoire. Dès lors, comment s’étonner que de nombreuses réunions se tiennent désormais sur nos heures de cours ?
Les concertations proposées par le ministère pour mettre en place ses réformes ajoutent à cette gabegie. La parole de la petite poignée de professeurs, les véritables professionnels, est systématiquement noyée dans la logorrhée des multiples « acteurs » conviés par le ministère (entreprises, « personnalités », « experts » …). Notre expertise n’est plus sollicitée et notre appréciation a peu de poids. On l’a encore vu dernièrement avec la labellisation des manuels décidée par le ministre : sommes-nous à ce point crétins pour avoir besoin d’un label afin de choisir le « bon » manuel ?
Dans ce contexte, l’espoir d’une reconnaissance professionnelle est d’autant plus fort au moment du rendez-vous de carrière. Mais ce dernier est biaisé dès le départ, à cause de l’existence de quotas, attribuant un nombre limité d’avis « excellent » au sein d’une cohorte. Dès lors, comment l’inspecteur départage-t-il les collègues faisant en majorité de l’excellent travail ? Il n’est pas étonnant que certains reçoivent des items cochés dans leur grille en total décalage avec l’appréciation finale… Dans tous les cas, ce rendez-vous de carrière reste le résultat d’une équation ahurissante : pour environ 43 années de cotisation obligatoires, ce sont donc près de 28000 heures de cours pour un professeur certifié au cours de sa carrière. Avec trois rendez-vous de carrière d’environ deux heures chacun (inspection et entretien), la carrière d’un professeur se résumerait-elle à 0.0215 heure de son temps d’enseignement ? C’est donc une évaluation de carrière qui n’en a que le nom.
Selon le SNALC, il y a urgence à redorer le blason de la profession par des mesures fortes et concrètes. Valorisation et reconnaissance sont les garants de la pérennité de notre système scolaire. Nous devons être considérés comme des professionnels reconnus exerçant une profession intellectuelle, nerveusement et physiquement fatigante et désormais – hélas – à risque.