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Y a-t-il un pilote dans le ministère ?

Mot du président

 

Jean-Rémi GIRARD

Edito de la revue Quinzaine universitaire n°1489 du 14 mai 2024

Alors qu’il n’a généralement que les mots « gouvernance » et « pilotage » à la bouche, le ministère est dans un état de désordre rarement atteint. Et la politique menée s’en ressent.

Côté syndical, ce sont les réunions planifiées, reportées, annulées qui s’accumulent. Ce sont les ordres et les contre-ordres, comme dernièrement sur les heures supplémentaires. Ce sont les dossiers laissés en jachère, et soudain rouverts avec un calendrier intenable. Prenez la réforme du concours et de la formation initiale. Depuis novembre dernier, il ne s’est rien passé. Aucun retour sur les remontées faites par le SNALC. Et là, en 15 jours, sans documents, en n’ayant comme base de travail que la prise de notes que l’on fait à la volée de ce que dit la ministre, il faut conclure. Créer une nouvelle licence, un nouveau master, de nouvelles maquettes de concours, des parcours dérogatoires, des « ENSP » tout en maintenant les « INSPE » durant la transition… Tout ça pour (seulement en partie) défaire ce qui a été fait par Jean-Michel Blanquer cinq ans plus tôt, contre l’avis et les analyses du SNALC, d’ailleurs.

Certes, le sens de formule est là. « Choc des savoirs », « acte II de l’école inclusive » : tout ça est très joli. Mais le temps politique a complètement éclipsé le temps de l’École. Il faut réformer en huit semaines, généraliser ce qui n’a même pas été évalué, quitte à laisser les collègues face à des mises en œuvre qui font passer Kafka pour un pro de l’efficacité administrative. Les groupes en collège ? Les IPR viennent expliquer, la main sur le cœur, qu’il va falloir faire des progressions communes et des réunions à n’en plus finir ; et les chefs d’établissement, que les vœux sur l’emploi du temps, c’est terminé. Rien de tel pour améliorer l’attractivité du métier, alors que les concours ne remplissent toujours pas, et que désormais, quand on les aura passés, on sera payé 900 € l’année suivante. Côté salaire, il ne se passe rien. Côté budget, on fait des coupes, car c’est bien connu que lorsqu’un ministère est en crise, il faut lui enlever de l’argent pour le soigner. On dirait un médecin de Molière pratiquant la saignée pour achever son malade.

Dans ce non-sens politique et scolaire, le SNALC demeure un repère stable, qui indique la bonne direction. Et qui sait qu’être fonctionnaire et se comporter en petit soldat sont deux choses différentes. Quand il n’y a plus de pilote, nous prenons les commandes, par exemple avec notre fascicule « Pour que les groupes aient la classe », qui permet de neutraliser tous les effets néfastes des fameux groupes au collège. Loin des débats idéologiques stériles, nous faisons passer l’intérêt et les conditions de travail des personnels au premier plan. Quand on nous demande d’appliquer l’impossible et d’entrer volontairement dans la zone de turbulence, on ne se torture pas à essayer : on change tout simplement de cap.