Les concepteurs de Parcoursup avaient-ils anticipé la pression que l’algorithme allait placer sur les épaules des lycéens et des enseignants ? Conçu pour mieux gérer les arrivées de bacheliers toujours plus nombreux dans un enseignement supérieur débordé, le système s’est révélé une machine à sélectionner redoutée.
En instituant une sélection basée, dès la classe de 1ère, sur les notes et les appréciations, Parcoursup a nettement accru l’importance du contrôle continu. Cette pression, supportée par les élèves et leurs familles, s’est alors reportée sur les professeurs. En effet, «devant le poids grandissant du contrôle continu (…), de plus en plus de familles n’hésitent plus à contester les notations »1. Le stress endossé par les formateurs évaluateurs peut aller jusqu’à la judiciarisation2 et ce, dans toutes les disciplines.
Néanmoins, les spécificités de leur matière font des professeurs d’EPS des cibles particulièrement exposées. Autrefois, souvent jugés non-essentiels, les résultats dans cette discipline sont désormais scrutés par certaines familles. On pourrait se réjouir de ce regain d’intérêt s’il ne se bornait pas à la recherche du moindre « gain marginal » susceptible d’avoir un effet significatif sur l’obtention des vœux espérés.
En outre, l’évaluation en EPS prête facilement le flanc à contestation. Même si la discipline s’est efforcée d’objectiver par divers moyens la notation, les évaluateurs « mobilisent leurs propres référents y compris quand ils disposent de grilles d’évaluation » 3. Cette dimension subjective irréductible, n’échappe pas aux lycéens prêts à débattre de leur notation dès qu’ils l’estiment insuffisante sinon injuste.
Aussi, pour le SNALC, dans cette «ambiance dégradée où le consumérisme parental s’est accentué » 4, il est plus que jamais indispensable de faire syndicalement corps et d’exiger que l’institution réaffirme l’autorité de l’enseignant d’EPS en matière d’évaluation.
(1) et (4) A. Raybaud, Le Monde Campus, 17/01/2024.
(2) A. Allouch, « Contester Parcoursup, sociologie d’une plainte », Presses de Sciences Po, 2024.
(3) S. Brau-Antony et S. Grosstephan, « Évaluation certificative en EPS et épistémologie de l’évaluateur », Contextes et didactiques, 2020.
Article paru dans la revue du SNALC Quinzaine universitaire n°1490 du 7 juin 2024