Le numérique, c’est bien. C’est même magique pour tout : communiquer avec les parents, avec d’autres classes dans le monde, différencier… Le développement durable, c’est bien aussi. C’est même essentiel pour l’avenir. Et le ministère nous le rappelle régulièrement.
D’ailleurs, sous le regard bienveillant de l’ONU, nos programmes évoluent avec pour objectif de prendre le sujet du développement durable à bras le corps, pour ne pas dire à bras le texte. Notre « boussole » Eduscol nous propose d’ailleurs déjà un Vademecum de 72 pages. En parallèle, parmi les compétences des PE évaluées par la hiérarchie figure celle d’« intégrer les éléments de la culture numérique nécessaires à l’exercice de son métier ».
Cependant, le développement du numérique s’oppose au développement durable. Aurore Stéphant, spécialiste de l’industrie minière, ainsi que les acteurs de l’industrie du pétrole, sont d’accord sur un point important : les matières premières seront de plus en plus polluantes et énergivores à extraire, et elles décroîtront en quantité totale disponible à l’extraction d’ici vingt-cinq ans. Il n’y a qu’à voir des photographies de mines de cuivre ou de cobalt pour comprendre que l’on ne parle pas de petits effets à la marge. Plus de monde sur Terre, plus de concurrence mondiale entre nations pour moins de ressources ; il va y avoir des arbitrages à réaliser !
Pour mettre ceci en perspective, une classe avec 15 tablettes, c’est 75 kg de terre fouillée avec du cyanure et du mercure, ne serait-ce que pour extraire l’or, sachant qu’il faut 30 minerais pour fabriquer une tablette. Par ailleurs, une tablette, c’est 113 kg de CO2 dépensé, pour les moins polluantes.
Bref, on ne peut pas se déclarer à la fois pour le développement durable et pour le tout numérique. C’est tout simplement incompatible.
Une véritable formation continue de qualité a bien plus d’effet sur l’efficacité de l’enseignement qu’une classe numérisée. Le SNALC souhaite donc que cesse cette numérisation à marche forcée ; elle n’est qu’un outil parmi d’autres à la disposition du professeur et non le Graal palliant toutes les difficultés pédagogiques.
Article paru dans la revue du SNALC Quinzaine universitaire n°1484 école du 5 janvier 2023