Très tendance en 2023, les enseignants se voient notés par des parents qui n’acceptent, pour autant, plus depuis bien longtemps que leur douce progéniture soit elle-même notée « à l’ancienne » par la maîtresse ou le maître. Le SNALC, s’il n’espère plus, douce utopie, que les parents d’élèves reviennent à la raison, souhaite en revanche plus que jamais que l’institution puisse les y contraindre.
Notés au stylo rouge, marqués au fer rouge
Les temps changent et sans verser dans la nostalgie du désuet idyllique, force est de reconnaître que l’époque est porteuse de paradoxes dont on ne saurait s’accommoder. Osez noter en primaire un élève, d’une note factuelle et indiscutable, basée sur une grille clairement établie et ce ne seront pas les parents qui vous tomberont dessus dans un premier temps, mais l’IEN. Tout simplement pour lui éviter d’être à son tour importuné par les parents d’élèves dont il convient de ménager la susceptibilité, leur descendance étant exempte de tout défaut. Et ainsi, pas de vague. Le prétexte affiché est une bienveillance qui se veut en réalité le fard des lacunes qu’on ne nommera pas comme telles.
En revanche, cette bienveillance n’est pas dévolue aux professeurs des écoles : diatribes et prose dépréciative à leur égard et encontre peuvent se lire sur la toile sans chercher trop longtemps. Ces commentaires ouvertement malveillants et sans le moindre détour foisonnent dans les avis Google relatifs aux établissements scolaires : les restaurants y ont droit depuis longtemps, plus récemment les médecins et d’autres corps de métier. Il ne manquait plus que les professeurs des écoles. C’est chose faite.
Mesquinerie 2.0
La tendance n’est pas nouvelle. En 2008, on relevait une première pierre à ce genre d’édifice avec la création de Note2be.com, site web permettant aux élèves français de noter leurs professeurs. Délicieuse idée : merci ! De plus, le site ne contrôlait aucune des déclarations faites. C’est bien arrangeant. Après quelques démêlés avec la justice, le site a décidé de se domicilier au Brésil pour agir en toute impunité. Depuis, d’autres tentatives ont vu le jour, comme NoteTonProf.com, toutes plus consternantes les unes que les autres.
Il faut dire que le sentiment d’impunité des usagers de l’école est allé crescendo dernièrement et tout particulièrement pendant la pandémie. En effet, pour renforcer le lien entre les familles et les professeurs des écoles en ces temps de distanciation sociale, les communications par mail sont allées bon train et n’ont pas toujours été des plus courtoises. Nombre d’enseignants ont fait remonter les dérives dont ils étaient victimes de la part de parents pour le moins indélicats et revanchards. L’institution s’est, hélas, souvent montrée dépassée dans le meilleur des cas et indigne dans le pire, laissant les professeurs des écoles se débrouiller sans jamais procéder à la mise au clair, rappel des textes à l’appui, à l’intention des parents fauteurs de troubles.
L’institution comme bouclier ?
Dans la presse, rectrices et recteurs ne manquent pas d’afficher aujourd’hui un soutien indéfectible à la profession. Certains vont même jusqu’à dire qu’ils sont « en veille ». Attention, par veille, il ne faut pas s’attendre à ce qu’ils montent la garde, d’une vigilance constante et assidue, à l’encontre de qui voudrait nuire aux professeurs des écoles. Non. Il faut plutôt l’entendre comme la veille électronique d’un appareil toujours sous tension et qui fonctionnerait dès qu’on le rallumerait. Et parfois, il faut appuyer fort sur le bouton. Il reviendra donc aux enseignant d’être vigilants et de signaler au SNALC ce genre de situation pour que nous puissions les aider à bénéficier de la part de la hiérarchie d’une protection fonctionnelle théoriquement acquise mais étrangement difficile à obtenir lorsque le besoin s’en fait sentir. Notez que l’avis sur Google est marqué dans le marbre : il est particulièrement difficile, voire impossible, de le faire modifier, aussi péjoratif soit-il.