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L’obligation de réserve

© istockphoto_Dobrila-Vignjevic-1329102180

L’obligation de réserve est un principe fondamental en droit de la fonction publique. Il peut également être source d’abus de la hiérarchie. Le SNALC fait le point.

Principe général et jurisprudence de référence

Le principe est simple : les agents publics sont tenus à une obligation de réserve qui impose, dans l’expression de leurs opinions, de faire preuve de modération, sous peine de sanctions.

Pourtant, cette obligation n’est pas présente dans le statut général de la fonction publique. Celui-ci reconnaît la liberté d’opinion des fonctionnaires. Il semble donc y avoir une contradiction. C’est la jurisprudence qui a progressivement construit cette obligation en la nommant « réserve » à partir de 1935. En fait, le juge administratif cherche à concilier plusieurs principes : la liberté d’opinion reconnue par le statut, la nécessité de servir avec loyauté et discrétion en respectant le principe hiérarchique, mais également les obligations déontologiques à l’égard des usagers du service public.

La jurisprudence de référence est celle du Conseil d’État, datant du 11 janvier 1935, Bouzanquet, n° 40842. Elle est complétée par celle plus récente du 12 janvier 2011, toujours du Conseil d’État, M. Jean-Hughes A…, n° 338461.

Concrètement

Cela signifie que, bien évidemment, les PE sont libres de leurs opinions mais doivent les exprimer avec retenue et faire attention dans leur expression et dans leur comportement. En effet, d’autres obligations fortes s’imposent aux agents publics : le principe de neutralité de l’administration et l’exigence de loyauté. On ajoutera également que les professeurs des écoles doivent traiter tous les usagers avec impartialité. Dès lors, l’expression trop virulente de positions ou remettant en cause l’impartialité du service pose problème.

Comme pour le principe d’obéissance, l’obligation de réserve dépend de la place occupée dans la hiérarchie, du contexte ainsi que de la portée des propos tenus. Le champ d’application est large puisque le discours et le comportement de l’agent en question concernent l’exercice des fonctions et les activités personnelles. Il s’agit aussi bien de sujets politiques, religieux que philosophiques.

Un enseignant peut parfaitement adhérer à un parti politique et « tracter » le dimanche par exemple. Il peut discuter politique à la récréation avec ses collègues. Et bien sûr, ceci n’interdit ni le droit de se syndiquer (surtout au SNALC), ni de faire grève ou de s’exprimer. Encore une fois, il s’agit de la manière de le faire. Militer sur son temps libre ne pose pas de problème. Prendre la parole en public lors d’un meeting non plus. En revanche, dans le même contexte, se revendiquer enseignant dans telle école pour agonir d’injures ou de propos très excessifs le Ministre sera considéré comme inacceptable. La « modération » est le mot clef en l’espèce.

Les conseils du SNALC

En aucun cas, on ne doit laisser passer des atteintes au statut, aux droits et garanties. On a vu en période pré-électorale (encore en 2022) la diffusion de notes prétendant interdire aux fonctionnaires de militer, « tracter » ou s’exprimer. Il s’agit d’un abus grossier, qu’il émane d’un préfet, d’un recteur ou d’un DASEN. En revanche, on restera prudent dans son expression, y compris sur les réseaux sociaux, sur son temps libre. La liberté d’opinion est un droit. Néanmoins, les insultes, la diffamation ou l’outrage, au-delà des qualifications pénales correspondantes, sont sanctionnables disciplinairement.

Voici un exemple, volontairement excessif : un enseignant qui insulterait le Ministre publiquement un dimanche – ou sur un réseau social – s’exposerait à une poursuite pénale si le Ministre portait plainte à titre personnel, mais également à une sanction par le DASEN pour manquement au devoir de réserve, les deux procédures étant distinctes.

Le SNALC vous incite donc à la retenue. On peut exprimer vigoureusement ses idées sans tomber dans l’excès. « Tout ce qui est excessif est insignifiant » écrivait Talleyrand : un adage que nous pouvons reprendre à notre compte.


Article paru dans la revue du SNALC Quinzaine universitaire n°1488 école