Article paru dans la Quinzaine universitaire n°1368 – septembre 2013
Quelle charte ?
Le texte s’inscrit dans la lignée de la loi de 2004 qui interdit les signes religieux à l’école (il le rappelle d’ailleurs dans un de ses articles). Il développe une vision de la laïcité qui est celle que nous avons toujours partagée en tant que syndicat neutre, apolitique et défenseur des valeurs de la République : un cadre qui permet la transmission des savoirs dans les meilleures conditions possibles, loin de toute pression, de tout prosélytisme, de toute idéologie, de tout scientisme et de tout embrigadement.
Plus particulièrement, il est un outil pratique, qui rappelle par exemple que ce que dit le professeur ne peut être remis en cause au nom d’une conviction religieuse ou politique, et que tout un chacun doit se conformer aux règles applicables dans notre École. Les collègues d’EPS, de SVT, d’Histoire ou de Français, souvent en première ligne quand il s’agit de défendre la mixité, d’enseigner la reproduction, les débuts de l’islam ou les textes bibliques(1), ont ainsi à disposition un outil pratique dont ils peuvent se servir afin de dépersonnaliser le conflit, et d’asseoir leur autorité sur celle de l’institution. En tant que fonctionnaires, nous représentons l’État et ses valeurs, et cette charte ne contient pas autre chose.
Est-ce suffisant ?
Bien entendu, un bout de papier ne va pas résoudre du jour au lendemain tous les problèmes de l’École. C’est pourquoi le SNALC a, dans un premier temps, demandé à ce que cette charte soit affichée dans toutes les salles de classes, et non simplement à l’entrée des établissements. Le professeur doit pouvoir s’y référer immédiatement, car certaines situations d’urgence doivent être traitées sans délai. Si ce n’est pas mis en œuvre dans votre établissement, nous vous invitons à placer vous-même le document dans les salles dans lesquelles vous enseignez.
La laïcité, d’autre part, ne se limite pas à l’école publique. Les écoles privées sous contrat avec l’État exercent elles aussi une mission de service public, et les valeurs contenues dans cette charte doivent s’appliquer partout. Même si, légalement, la charte n’a pas à être affichée dans ces établissements, rien n’empêche les collègues de le faire, et il paraît inconcevable de s’opposer à ce que contient ce document au nom de « valeurs » propres à l’établissement d’enseignement.
Enfin, le contenu de cette charte doit servir de référence à tous, et tous doivent la respecter et la faire respecter. Il n’est plus question de tolérer les remises en cause de l’autorité des professeurs, les sanctions à deux vitesses, les pressions hiérarchiques elles-mêmes souvent issues de pressions parentales et portées par la peur du scandale et par la crainte de n’être pas bien vu de ses supérieurs. Le carriérisme n’a pas sa place quand la laïcité est en jeu, quand il s’agit de défendre la valeur qui a fondé notre institution et qui lui permet de continuer à remplir ses missions, bien que les conditions pour le faire soient de plus en plus difficiles.
Et après ?
Après, c’est au ministère de mettre en œuvre les moyens suffisants, tant sur le plan des personnels (il faut suffisamment d’adultes dans l’établissement pour en faire respecter les règles) que des enseignements (à ce sujet, nous attendons toujours de voir ce que donnera l’enseignement moral et civique qu’on nous a promis). Mais au-delà de la question des moyens, il ne faut pas faire croire que la solution n’est que dans le tout éducatif. Bien entendu qu’il faut expliquer et faire comprendre la notion de laïcité. Bien entendu qu’il y a un travail de transmission à accomplir. Mais il y a également des règles à poser et à faire appliquer coûte que coûte. Certains élèves, certains parents jouent avec ces règles, profitent des zones de flou, tentent de grignoter petit à petit des avantages, des passe-droit. La réponse doit être claire, ferme et sans appel : cette réponse est « non ». Tout élève qui franchit le seuil de l’école doit respecter les valeurs de l’École. Tout parent qui accompagne une sortie scolaire doit se conformer aux règles de l’École. Tout élève qui mange à la cantine doit faire avec ce qui lui est proposé.
C’est pourquoi il revient à chacun d’entre nous de porter la laïcité, et de la défendre contre ceux qui nous accusent d’être des agents d’une « stigmatisation » de telle ou telle catégorie de personnes. Au mot « stigmatisation », qui vise à faire pleurer dans les chaumières tout en défendant l’indéfendable, nous opposerons toujours le mot « neutralité ». Traiter les élèves hors de tout déterminisme, croire en la possibilité que chaque être humain possède en lui-même la capacité de s’élever par la connaissance au-delà de ses appartenances et de ses convictions propres, c’est la raison d’être de notre École. Oui, « l’École est laïque ». Et elle doit le rester.
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(1) Mais toutes les matières peuvent être concernées…