D’innombrables acteurs – dirigeants politiques et économiques, médias, institutions – ont un discours technophile assenant l’idée que l’IA est synonyme de modernité et de progrès. Aussi séduisantes soient-elles de prime abord, ces affirmations nécessitent d’être questionnées. En premier lieu parce que souvent elles s’appuient sur les seules conclusions des Edtech – ces entreprises qui ont intérêt à vendre ces produits. Et surtout parce que le SNALC les a déjà entendues pour justifier le déploiement massif du numérique éducatif dans tout le système scolaire – dont il attend encore les preuves de bienfaits pédagogiques irréfutables.
Pour faire la promotion de l’IA dans les classes, on recycle les mêmes expressions et adjectifs mélioratifs. L’IA apporterait une motivation supplémentaire aux élèves pour travailler, argument qui n’est rien d’autre qu’une confusion entre motivation durable et plaisir instantané. On nous dit aussi que les outils comme l’IA sont émancipateurs, justes et solidaires. Pour le SNALC, il n’y a aucun rapport entre la justice, la solidarité et l’IA. La vraie justice est plutôt celle liée à un système scolaire qui garantirait l’autonomie de la pensée à chacun de ses élèves grâce à des méthodes qui ont fait leurs preuves.
Parfois, ces acteurs « éclairés » n’hésitent pas à remettre en cause l’école pour promouvoir l’ère nécessairement heureuse qu’amènera l’IA. L’école est ennuyeuse disent-ils. Mais si l’ennui développé dans les classes était dû au fait que l’école exige une attention que justement l’environnement numérique quotidien des élèves contribue à affaiblir tous les jours ? En plus n’existe-t-il pas de multiples façons d’intéresser les élèves sans recourir aux technologies ? Le SNALC en est persuadé.
Certains arguments sont vagues voire mensongers :
« S’opposer à l’IA à l’école, c’est être obscurantiste » : oser émettre une pensée critique, c’est-à-dire exercer ce que l’on nous demande d’apprendre aux élèves à l’école, relèverait d’une sombre ignorance.
« La France est en retard » : quelle formule bien vague ! En essayant de la comprendre, par rapport à quoi serions-nous en retard ? Une fréquence d’usage ? Un taux d’équipement ? Un seuil minimum à atteindre ? Si c’est le cas, quel est-il pour qu’on ne soit plus considérés comme « en retard » ? Et avec quel équipement ? Et surtout avec quelle IA ?
« L’IA c’est la modernité » : le SNALC défend la vraie modernité, celle qui permet, en dépit de l’évolution de notre société vers le tout numérique, de continuer à former correctement de futurs adultes capables de penser.
« L’IA c’est innovant » : encore une formule qui veut tout et ne rien dire en même temps et très à la mode dans l’Education nationale. Nous innovons tous les jours avec nos élèves « dys », les perturbateurs, la mise au travail de nos classes, les parents inquisiteurs, la gestion des conflits, les heures de cours régulièrement sacrifiés par moults dispositifs imposés. Comme s’il fallait être dans une course permanente de changement dans nos pratiques pédagogiques, comme si choisir la stabilité était une forme de régression.
Le SNALC dénonce les discours marketing et les arguties culpabilisatrices usités pour faire pression sur nous les professeurs et systématiquement décrédibiliser toute critique de ces outils. Le but est de nous amener subtilement à renoncer à des pratiques pédagogiques jugées démodées. Le SNALC vous invite donc à les mettre à distance afin d’éviter les mêmes erreurs avec l’IA qu’avec le numérique éducatif hier : l’achat effréné de produits sur la base des seules affirmations des industriels, l’ignorance volontaire des preuves scientifiques sur les risques et l’inefficacité de ces produits sur bon nombre d’élèves.