L’IA a un coût élevé dans plusieurs domaines.
Même si le ministère ne fournit guère de montants dépensés pour développer l’IA dans l’Éducation nationale, on peut se donner une idée de l’investissement considérable que cela va représenter grâce à quelques exemples.
Pour déployer l’application Mia Seconde dans certaines académies « pilotes » en 2023, le ministère a signé un contrat avec Evidence B, une entreprise fondée par un ancien de Microsoft, pour un coût d’environ 3 millions d’euros sur trois ans. Cette application fournit des exercices en mathématiques et en français aux élèves de seconde, en se basant sur leur niveau décelé via des tests de positionnement. Et comme souvent dans l’Education nationale, on généralise les dispositifs qui n’ont fait l’objet d’aucune évaluation. En effet, Mia Seconde sera diffusée dans tous les lycées du pays. A quel prix ? Mystère….
Madame Borne a récemment annoncé le lancement d’un appel à projet pour l’été 2025 à hauteur de 20 millions d’euros. Sa généreuse idée est de doter dès 2026-27 les enseignants d’un outil d’assistance dans le travail de correction des devoirs, préparation des cours etc.
On s’aperçoit donc que pour s’attaquer à l’échec que produit notre système scolaire, le ministère investit des sommes considérables dans des expérimentations qu’il étend alors même que les résultats n’ont pas été concluants. Certaines vont même à l’encontre de conclusions institutionnelles on ne peut plus limpides. Dès 2015, le rapport PISA admettait que « les pays les plus performants sont les pays qui intègrent le moins les technologies numériques en classe : ceux dont les élèves sont les plus nombreux à ne jamais aller sur internet à l’école ou dont le temps passé chaque jour sur internet à l’école est le plus faible »[1]. Plus récemment, en 2022, le Conseil supérieur des programmes indiquait que « les résultats des enquêtes nationales et internationales démontrent que les élèves qui utilisent de manière très importante les appareils numériques à l’école présentent généralement de moins bons résultats par rapport aux élèves qui utilisent le numérique de manière moins intensive »[2].
Le SNALC réitère sa confiance aux acteurs du terrain, c’est-à-dire les professeurs, qui, par leurs innombrables heures passées face aux élèves, ont une expertise indéniable et que l’on pourrait intelligemment valoriser. C’est surtout en eux qu’il faut investir afin d’avoir un vivier de recrutement de qualité et dispenser tout au long de la carrière des formations de qualité. C’est le prix d’un système scolaire qui se prétend moderne et émancipateur.
Avec le déploiement de l’IA, le coût environnemental des usages de technologies numériques change de dimension. Là encore le ministère est incapable de donner plus de précisions. Il est pourtant reconnu que l’empreinte écologique de l’IA est importante : de sa fabrication à sa distribution, en passant par son utilisation, sa maintenance et la gestion de la fin de vie de ses terminaux. Pour fonctionner, elle nécessite de grandes quantités de minerais, de métaux rares, d’hydrocarbures qui sont se trouvent parfois dans des Etats dont les valeurs et principes sont à l’opposé des fondations de l’école républicaine française. Leur extraction repose sur des procédés polluants. Les centres de données, ces piliers de l’IA qui stockent les données et fournissent les capacités de calcul considérables de l’IA, sont extrêmement énergivores et gourmands en électricité et en eau. L’agence internationale de l’énergie a calculé que chaque requête sur ChatGPT consomme actuellement environ 3Wh d’électricité, ce qui est dix fois plus qu’une recherche sur Google. Or, il y aurait actuellement un milliard de requêtes envoyées chaque jour. L’IA génère enfin des milliers de tonnes de déchets électroniques.
Le SNALC s’interroge aussi sur le coût géopolitique du déploiement de tels outils dans tout le système scolaire. La France abandonne à des entreprises, généralement étrangères, des infrastructures critiques : des pans entiers de sa pédagogie, comme les méthodes d’apprentissage, et surtout les apprentissages en eux-mêmes, avec le risque d’erreurs que l’on connaît. Comment faire confiance à des entreprises, même tricolores, dont l’objectif premier est de vendre leurs produits ?
[1] « Students, computers and learning: making the connection”, PISA, OCDE, 2015
[2] “Avis sur la contribution du numérique à la transmission des savoirs et à l’amélioration des pratiques pédagogiques », CSP, 2022