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Franceinfo : quelles annonces pour l’école ?

«...C'est du bullshit complet, Madame. Ce que vous êtes en train de raconter, c'est du bullshit complet. Je représente mes collègues, et je vous assure que mes collègues peuvent avoir des mots beaucoup plus forts que ça, car à un moment, ils sont au bout du rouleau.....»
Jean-Rémi GIRARD
Président du SNALC

Jean-Rémi Girard est invité sur le plateau de Le fil info pour commenter les annonces pour l’école du gouvernement.

Jean-Rémi GIRARD, président du SNALC répond aux questions sur  franceinfo le jeudi 20 avril 2023.

Journaliste :

Emmanuel Macron continue de se déplacer, on en parle évidemment sur Franceinfo. Le thème de la journée est l’éducation. Jean-Rémi, Gérard est avec nous pour parler des annonces attendues d’Emmanuel Macron. Pour l’heure, on ne sait pas exactement ce qui va être dit dans les chiffres. Nous avons déjà une première idée puisque le ministre de l’Éducation nationale, Pap Ndiaye, avait livré quelques mesures. D’ores et déjà, qu’attendez-vous du président aujourd’hui ?

Jean-Rémi Girard :

Nous n’attendons rien d’Emmanuel Macron, soyons bien d’accord, le divorce est consommé. Au-delà de cela, nous savons à un poil de chiffre près ce qu’il va annoncer sur les questions de “revalorisation”, c’est-à-dire la partie qu’on appelle la revalorisation socle, celle où il nous a promis une augmentation de 10 %, qui ne sera pas de 10 % finalement. La partie “pacte”, c’est-à-dire la partie travailler plus pour gagner plus, en sera également une composante. On essaie de nous faire croire que demander de faire des heures supplémentaires est une revalorisation, mais c’est cela, globalement, dont il va être question aujourd’hui. 

[…]

 Journaliste :

Ce genre de discours, est-il inaudible pour vous ? 

Jean-Rémi Girard :

C’est du bullshit complet, Madame. Ce que vous êtes en train de raconter, c’est du bullshit complet. Je représente mes collègues, et je vous assure que mes collègues peuvent avoir des mots beaucoup plus forts que ça, car à un moment, ils sont au bout du rouleau.

Les problèmes principaux en termes de remplacement, c’est que l’on n’arrive pas à assurer l’ensemble des remplacements de longue durée, c’est-à-dire lorsque qu’un professeur est absent pour trois mois, quatre mois, une année entière, ou lors d’un congé maternité ou d’une maladie grave. Ce que va annoncer le président de la République n’a rien à voir avec cela. Il faut que nous soyons bien d’accord. Il ne parle que des remplacements de courte durée. Pour l’instant, il y a six ans qu’Emmanuel Macron a supprimé des postes en collège et en lycée, alors même que le nombre d’élèves a augmenté, ce qui a rendu plus difficile la réalisation des remplacements.

Daic Audouit, journaliste Franceinfo :

Alors justement, Monsieur, ce qu’il propose pour ces remplacements de courte durée, c’est de conditionner une partie de la revalorisation salariale des professeurs au fait que vous, les professeurs d’une matière, remplacez les professeurs absents. Non pas pour enseigner la matière du professeur absent, mais pour enseigner votre matière afin de rattraper le temps perdu. Par exemple, si vous êtes professeur d’histoire-géographie et qu’il y a un professeur de mathématiques absent, vous le remplacez et vous donnez une heure supplémentaire d’histoire-géographie, c’est ça ?

Jean-Rémi Girard :

Donc, déjà nous sommes bien d’accord que le mot “revalorisation” n’est pas adapté ici puisqu’il s’agit simplement de faire une heure supplémentaire, qui est d’ailleurs déjà payée actuellement.

Shannon Seban, présidente Renaissance en Seine-Saint-Denis :

C’est une revalorisation qui pourra aller jusqu’à 10%, donc n’essayons pas d’éluder également une partie des annonces qui pourront être faites par le président de la République.

Jean-Rémi Girard :

Elle n’ira pas jusqu’à 10%, Madame. Le chiffre de 10% est faux, et le ministre nous l’a dit en réunion. Le chiffre de 10%, ce n’est pas la réalité. Ça fait un an qu’on nous vend 10%, et ce n’est pas 10%, Madame. La moitié des collègues, sachez-le, cette valorisation sans contrepartie, la moitié des collègues va toucher 53 € par mois, 53 € par mois pour tous les collègues en 2e partie de carrière. Les documents du ministère sont sur notre site si vous voulez les regarder, c’est très facile à voir. Moi, je ne crois pas que les enseignants sont payés 530,00€ par mois. Du coup, on est bien d’accord, 53 € par mois ce n’est pas 10%.

Shannon Seban, présidente Renaissance en Seine-Saint-Denis :

Je vous rejoins tout à fait sur ce que vous dites.

Jean-Rémi Girard :

Je vous remercie. 

Journaliste :

C’est travailler plus pour gagner plus ? 

Jean-Rémi Girard :

Travailler plus pour gagner plus et la partie sans contrepartie qui existe, d’accord, ce qui s’appelle le socle, est répartie de manière très inégale suivant l’ancienneté des collègues. Donc pour tous les collègues en 2ème partie de carrière, c’est 53€ par mois. Le dernier projet du ministère que nous avons eu sous les yeux et qui est disponible sur notre site est très clair. Le calcul des 10% ne correspond pas à une mesure unique, le ministre nous a indiqué en réunion qu’il incluait également le dégel du point d’indice de l’été dernier et les mesures de revalorisation du premier quinquennat pour arriver au chiffre de 10%. Cela signifie que ces mesures nous sont vendues pour la 2ème fois.

Shannon Seban, présidente Renaissance en Seine-Saint-denis :

Si je peux me permettre une petite remarque ici, je comprends vos revendications. J’ai régulièrement des rencontres avec des professeurs en Seine-Saint-Denis, l’un des départements les plus jeunes de France métropolitaine avec une population où près de 36% des habitants ont moins de 25 ans.

Journaliste :

Qu’est-ce qu’ils vous disent les enseignants ?

Shannon Seban, présidente Renaissance en Seine-Saint-denis :

Ce que me disent les enseignants, c’est qu’il y a plusieurs sujets autour de la profession d’enseignant. Il y a effectivement un problème de salaire qui est une réalité, je crois que nous devons prendre le sujet à bras-le-corps et ne pas essayer d’éluder la réalité et la souffrance qui est celle des enseignants avec de grandes paroles. Il y a par ailleurs, aussi, et je crois que vous ne pourrez pas dire le contraire monsieur, une question de respect envers les enseignants. Je suis frappée de voir à quel point aujourd’hui nos enseignants sont systématiquement insultés, menacés avec des couteaux comme on a pu le voir hier. Et très sincèrement, si on n’arrive pas à avoir un corps enseignant suffisamment fourni, si on n’arrive pas à remplacer suffisamment rapidement des enseignants sur notre territoire, c’est parce que les enseignants aujourd’hui ne se sentent plus suffisamment considérés et respectés.

Journaliste :

Il y a un manque de reconnaissance ? 

Jean-Rémi Girard :

Un manque de reconnaissance, on est d’accord. Mais justement, quand Emmanuel Macron dit devant la France entière qu’un enseignant absent sera, je cite ces mots, “systématiquement remplacé” et que tout le monde sait dans l’Éducation nationale que ce ne sera pas le cas, parce que ça ne pourra pas être le cas. Ce n’est pas possible matériellement !

Shannon Seban, présidente Renaissance en Seine-Saint-denis :

Et pourquoi cela ne le serait pas ?

Jean-Rémi Girard :

Il n’y a pas assez d’enseignants, il n’y a pas forcément assez d’enseignants qui vont signer ce fameux pacte, donc ce ne sera pas le cas. Donc le président dit aux parents qui regardent : les enseignants seront systématiquement remplacés. Le jour qui va se produire dans à peu près tous les établissements de France où un enseignant ne sera pas remplacé, le parent à qui on aura dit que ce serait systématiquement remplacé, ce n’est pas Emmanuel Macron qui, dans le collège ou dans le lycée ou dans l’école primaire, va dire : “Ah bah non, désolé là on peut pas !”. Non, c’est nous qui allons nous prendre les parents dans la figure, en nous disant : “Mais pourquoi vous les remplacez pas ? Emmanuel Macron nous avait promis que l’enseignant serait remplacé”.

Shannon Seban, présidente Renaissance en Seine-Saint-Denis :

Ce que vous dites est très intéressant, et je crois que vous pointez ici du doigt une phrase qui était celle d’Emmanuel Macron. Effectivement, il a dit que tout enseignant absent sera systématiquement remplacé.

Jean-Rémi Girard :

C’est un mensonge.

Shannon Seban, présidente Renaissance en Seine-Saint-Denis :

Et je crois que c’est un objectif qui est très ambitieux, et on ne peut pas niveler vers le bas notre éducation. Qu’est-ce que vous auriez préféré ? Qu’il vous dise que dès lors qu’on aura un professeur ou un enseignant qui sera absent, on veillera à ce qu’il soit remplacé ?

Jean-Rémi Girard :

J’aurais préféré qu’on ne supprime pas 8000 postes d’enseignants, de collèges et de lycées pendant les 6 dernières années, par exemple.

Shannon Seban, présidente Renaissance en Seine-Saint-Denis :

On a un président de la République qui assume, et je le reconnais bien volontiers, de fixer un objectif qui est très ambitieux, mais qui assume également de se dire que derrière tout cela, il y a du boulot, il y a du travail et que ce travail-là effectivement ne pourra être fait que en totale concertation avec les syndicats.

Jean-Rémi Girard :

Ils sont tous partis, les syndicats de la réunion.

Shannon Seban, présidente Renaissance en Seine-Saint-denis :

Comme vous l’avez souligné, lorsqu’il y a un manque d’enseignants sur le sol français, il faut pouvoir identifier la cause profonde, qui est, comme je vous l’ai dit précédemment, de meilleures conditions de travail et une revalorisation salariale. Il est important de faire en sorte que nos enseignants soient mieux protégés, reconnus et accompagnés. Si nous parvenons à nous asseoir autour de la table et à discuter de manière claire et posée, nous pourrons avancer.

Journaliste :

Concrètement, la question du salaire ne suit pas l’inflation. Il n’y a pas d’augmentation de moyens ni d’ouverture de postes, donc comment faire ?

Shannon Seban, présidente Renaissance en Seine-Saint-denis :

Mais il y a une enveloppe qui a été débloquée, une enveloppe supplémentaire qui permettra effectivement de poser la question de cette revalorisation des salaires. Ce matin, je ne saurais pas vous dire précisément quelles seront les mesures du président de la République en matière de revalorisation.

Daic Audouit, journaliste Franceinfo :

Alors, j’ai des chiffres fournis par l’Élysée, qui ne sont pas tout à fait les mêmes que ceux que vous avez. Je précise que ce sera le socle, c’est-à-dire ce que toucheront à la base tous les professeurs, peu importe leur volontariat. Il s’agira d’une augmentation qui variera entre 1 100 € et plus de 2 100 € nets par an en fonction de l’ancienneté, sachant que les nouveaux professeurs seront les plus avantagés pour que leur salaire soit forcément au-dessus de 2 000 € nets par mois. Cela représente entre 100 et 200 € nets de plus  par mois. 

Jean-Rémi Girard :

Avec l’enveloppe du projet de loi, ça ne suffit pas, il faut faire une division.

Daic Audouit, journaliste Franceinfo :

Et deuxième élément sur la revalorisation, c’est le volontariat pour remplacer les professeurs absents.

Jean-Rémi Girard :

Dans ce cas-là, ce n’est pas une revalorisation.

Daic Audouit, journaliste Franceinfo :

Mais l’Élysée présente cette mesure comme une revalorisation.

Jean-Rémi Girard :

Mais les mots ont un sens. En tant que professeur de lettres, je sais que revalorisation signifie donner plus de valeur à la même chose.

Daic Audouit, journaliste Franceinfo :

Je n’ai pas fait d’études de maths, mais le chiffre avancé est de 3 750 € par an au maximum sur cette base du volontariat.

Jean-Rémi Girard :

Avec le super pacte, le bonus de luxe consiste à faire 24h de remplacement de courte durée, 24h de devoirs faits et 24h de découverte des métiers. Qui va faire ça ? Probablement personne, on est bien d’accord, mais on peut toujours annoncer 3 750 €, ça fait toujours joli comme effet d’annonce, mais en fait ce sera peanuts. Et avec des inégalités très fortes parce qu’on sait que ces mesures de travailler plus pour gagner plus touchent un métier extrêmement féminisé, c’est-à-dire que ce sont surtout les femmes qui prennent ces mesures beaucoup plus que les hommes. Ce sont des gens à temps plein, beaucoup plus qu’à temps partiel. Donc on sait très bien que ce sont des mesures qui créent une inégalité fulgurante.

Journaliste :

Et cela augmente les inégalités. Puis cela pose aussi la question du remplacement, notamment pour le soutien en 6e par des enseignants de primaires qui ne sont pas forcément qualifiés pour ce genre de public.

Jean-Rémi Girard :

Les professeurs des écoles sont des enseignants extrêmement qualifiés, nous les défendons également, puisque le syndicat SNALC syndique également des professeurs des écoles.

Journaliste :

Mais sont-ils armés pour enseigner en 6e ? Ce n’est pas le même programme.

Jean-Rémi Girard :

C’est surtout qu’ils n’ont pas envie, les professeurs des écoles. Ils sont déjà surchargés, ils travaillent déjà très fort avec leurs élèves du lundi matin au vendredi soir. Aller se balader au collège d’à côté, qui est parfois à 20, 30 ou 40 km dans un certain nombre de cas, pour aller faire quelques heures de soutien avec des élèves qu’ils ne connaissent pas, qui vont demander un nombre de réunions incalculables pour arriver à organiser cela, où il faudra même regrouper les élèves de classes différentes obligatoirement. On ne peut même pas faire du soutien aux élèves de la 6e A, c’est marqué dans le texte réglementaire qu’il faut mélanger la 6e A et la 6e B. Cela devient une usine à gaz monstrueuse et qui a causé, on va quand même le rappeler, comme vous l’avez d’ailleurs très bien rappelé, la suppression de la technologie en 6e. Pour faire ce joli plan de communication pour que les professeurs des écoles puissent prendre le pacte, on a supprimé une matière qui était là en 6e depuis très longtemps, qui est extrêmement utile à l’heure du numérique. Supprimer la technologie, c’est quand même un choix. On va le dire, et tous les professeurs de technologie nous ont écrit au SNALC pour nous dire l’écœurement qu’ils ont éprouvé face à cette mesure, comme si leur discipline était un truc dont on pouvait se débarrasser comme ça, parce que finalement, on avait besoin d’un petit peu de place pour faire 1h de soutien.

Journaliste :

On continue d’en parler notamment avec vous, Jean-Rémi Girard, évidemment.

[…]

 Journaliste :

On continue de parler de ces mesures, notamment. Quelles solutions alors ? Le dédoublement des classes, par exemple, c’est quelque chose qui fonctionne.

Jean-Rémi Girard :

C’est quelque chose que nous, au SNALC, avons soutenu. Une fois encore, nous sommes un syndicat extrêmement pragmatique et professionnel. Donc le dédoublement des classes en CP et CE1 en éducation prioritaire, nous pensons que c’est une bonne mesure. Ce qu’on indique aussi, c’est qu’on a quand même des classes en CM1 et CM2 qui sont à 28-30 élèves et qui sont très compliquées à gérer également. De manière générale, la réduction de la taille des classes – la France est l’un des pays où la taille des classes est la plus importante – est quelque chose de bien. Je suis dans un lycée où nos premières technologiques STMG, que certains connaissent et qui ne sont pas forcément les plus faciles à gérer, sont à 35 élèves. 35 élèves en première STMG aujourd’hui, dans beaucoup de lycées de France, il y a peut-être quelque chose à faire. Ce n’est pas en supprimant des postes et ce n’est pas en créant et aggravant une crise des recrutements, qui a été aggravée sous le quinquennat précédent et qui est aujourd’hui pire qu’elle n’a jamais été, qu’on va améliorer quoi que ce soit sur la taille des classes, au contraire.

Daic Audouit, journaliste Franceinfo :

L’attractivité du métier de professeur, si on enlève en effet les données salariales, est en baisse indépendamment du gouvernement. C’est un métier que les jeunes ne veulent plus faire.

Jean-Rémi Girard :

Ça n’a jamais été aussi bas aujourd’hui.

Daic Audouit, journaliste Franceinfo :

Oui, mais comment lutter contre cette crise de vocation ? Au-delà de la revalorisation salariale, il y a l’impression que ce n’est pas en adéquation avec ce que les jeunes souhaitent, avec l’esprit du temps.

Jean-Rémi Girard :

Je vous assure que ce n’est pas le cas. Beaucoup de gens souhaiteraient être enseignants et trouvent que c’est un très beau métier. J’ai moi-même choisi ce métier-là, alors que j’aurais pu faire beaucoup d’autres choses dans ma vie. C’est parce que j’étais très attaché à ce métier et que je trouve que c’est formidable de transmettre des connaissances aux élèves. Je crois que ce n’est pas du tout quelque chose qui est “has been” de transmettre des connaissances à nos jeunes. Je crois qu’aujourd’hui, on ne peut pas s’abstraire de la question salariale. Nous sommes payés 900 € de moins par mois que les fonctionnaires qui sont à notre niveau dans la fonction publique d’État.

Daic Audouit, journaliste Franceinfo :

Oui, parce que c’est des études assez poussées.

Jean-Rémi Girard :

Effectivement, nous faisons des études qui sont plus longues. Vous avez bien raison. Donc, forcément, à un moment, il y a un écart qui va falloir réduire. Mais beaucoup plus fortement et au-delà de ça, oui il faut baisser la taille des classes. Il faut, on est d’accord, soutenir systématiquement les personnels de l’Éducation nationale quand ils sont agressés ou attaqués. Nous avons fait des propositions au SNALC à ce sujet et certaines ont pu être entendues. Par exemple, la protection fonctionnelle est plus facilement accordée aujourd’hui que dans le passé, mais nous avons beaucoup lutté. Aujourd’hui, beaucoup de collègues nous disent qu’ils sont fatigués, épuisés, et ce n’est pas en leur disant d’aller travailler plus pour gagner plus, ou en leur demandant d’aller travailler plus longtemps pour obtenir une retraite à taux plein, qu’on va améliorer leur situation. Aujourd’hui, les fins de carrière dans l’Éducation nationale, c’est une catastrophe. C’est une bombe humaine monstrueuse. Les collègues n’en peuvent plus à 64 ans, 65 ans, 66 ans, devant les élèves. On va les ramasser à la petite cuillère.

[…]

 Journaliste :

Vous nous disiez ne rien attendre précisément de cette visite d’Emmanuel Macron qui va rencontrer les élèves, les parents d’élèves, les professeurs. Vous n’y croyez plus parce que vous, les chiffres contredisent en fait les annonces d’Emmanuel Macron, c’est cela ?

Jean-Rémi Girard :

Un certain nombre de chiffres sont intangibles, ils figurent dans le projet de loi de finances, donc il ne va pas pouvoir, d’un seul coup, créer une revalorisation plus forte que celle qui est programmée par le 49.3 dans le projet de loi de finances. Donc nous, nous savons à peu près, au SNALC, qu’il y aura peut-être des petites variations par rapport à ce qu’on a eu comme échange au ministère, ce qu’il en est de la revalorisation socle et du “travailler plus pour gagner plus” avec le pacte. Nous savons très bien que l’on ne fera pas des miracles non plus, même si l’enveloppe n’est pas complètement ridicule sur le socle, néanmoins, à moins de faire le choix, au moins, de la répartir équitablement entre tous les collègues, ce qui serait déjà peut-être un peu mieux que de vouloir encore dire que les plus jeunes, on en met un peu plus, mais alors, à partir du moment où vous avez 15 ans d’ancienneté, on vous la redescend et de toute façon, quand vous êtes en 2ème partie de carrière, on s’en fiche de vous. Cela pourrait être au moins un petit signal disant, “Oui, on a un petit peu entendu”. Nous, je vous le dis, les échanges qu’on a avec les ministères n’allaient pas du tout vers ça.

[…]

 Journaliste :

Avec la colère des cheminots, y a-t-il une convergence des luttes en ce moment ? On a l’impression que ça ressemble évidemment à ce qui s’était passé pendant le mouvement des gilets jaunes et d’ailleurs, Emmanuel Macron lui-même a fait une allusion aux gilets jaunes hier.

Jean-Rémi Girard :

Je ne vais pas faire une sorte de grande analyse politique de grande ampleur, je suis un représentant syndical de l’Éducation nationale des écoles, des collèges, des lycées. Néanmoins, je crois que oui, on voit quand même qu’il y a une tension très forte et quelque chose qui monte. Et ce que nous constatons dans l’Éducation nationale, je dirais, c’est qu’il y a une forme de ras-le-bol. Dans l’Éducation nationale, on ne peut pas forcément toujours l’exprimer comme le font, par exemple, les cheminots. Ce sont des journées de grève très ponctuelles, c’est compliqué, on a les élèves, ils ont des examens. Donc, à un moment, les collègues sont toujours tiraillés entre le bien-être de l’élève et leur propre bien-être, et c’est quelque chose qui est souvent très difficile d’ailleurs à vivre pour les collègues. Mais effectivement, je dirais qu’on risque plutôt de tomber dans une forme, à un moment, de désespérance s’il n’y a pas quelque chose de très fort qui se passe et qui nous dise, oui, là nous sommes compris, ce n’est pas du blabla, ce n’est pas de la COM. Par exemple, on va prendre les députés Renaissance et les députés des autres partis politiques, on va essayer de faire un consensus en disant : “Puisqu’on parlait des salaires, voilà les salaires des enseignants, on est d’accord, ils ne sont pas bons. On fait une loi de programmation sur 5 ans, sur 10 ans, on fixe le point de départ, on fixe le point d’arrivée, on met les échelons, on met les marches de l’escalier et là on aura peut-être une perspective.” Aujourd’hui, on n’a pas de perspective. Nos conditions de travail se dégradent, notre pouvoir d’achat diminue même avec ces mesures dites de revalorisation. Il y a une désespérance et je crois qu’elle n’est vraiment pas entendue et ça c’est terrible parce que sans éducation, sans hôpital, sans transport pour le pays, où va-t-on, que fait-on ?

[…]

Journaliste :

Vous nous avez dit ne rien attendre de cette visite du président, pour autant, il va proposer une sorte de pacte. Clairement, les enseignants ne vont pas signer ?

Jean-Rémi Girard :

Chaque enseignant sera volontaire ou non pour signer ce qu’il veut ou non. La position du SNALC, qui représente des professeurs des collèges, des lycées, des écoles et tous les personnels de l’Éducation nationale, est effectivement de dire que ce pacte est une mauvaise chose et que nous invitons les collègues à ne pas le signer. Je m’applique avant de demander aux autres de l’appliquer, je ne signerais pas ce pacte.

Journaliste :

Les revalorisations salariales dont on parle depuis tout à l’heure, elles ne sont pas suffisantes, elles ne suivent pas l’inflation, elles concernent finalement qu’une minorité d’enseignants ?

Jean-Rémi Girard :

En fait, ces revalorisations ne suivent pas l’inflation, sont différenciées selon l’ancienneté et c’est toujours un petit peu les mêmes qui ratent en plus toutes les mesures.

[…]

 Journaliste :

Pour vous, professeurs, ce n’est pas suffisant ce qu’on vous propose ?

Jean-Rémi Girard :

Non, il faudrait faire 7 ou 8 fois cela, et en les répartissant équitablement pour arriver à quelque chose où on serait à peu près à la moyenne des fonctionnaires et même un petit peu en dessous. Il y a en plus l’inflation, on est dans un métier qui était déjà paupérisé et qui s’est paupérisé depuis plusieurs dizaines d’années, au SNALC, nous avons tous les chiffres là-dessus. Effectivement, il ne s’agit pas de dire qu’Emmanuel Macron est responsable de la paupérisation des enseignants depuis 30 ans, nous sommes bien d’accord, il est responsable de la paupérisation des enseignants depuis 6 ans.

[…]

Jean-Rémi Girard :

Nous n’avons aucun critère de pénibilité pour le calcul de la retraite. Les enseignants, on n’a jamais eu, on a essayé de montrer que notre travail était pénible. Je crois que c’est reconnu, il y a d’autres pays comme en Belgique effectivement, ce sont des critères qui sont reconnus, il ne s’est strictement rien passé.

Journaliste :

Être devant une classe jusqu’à 62 ou 64 ans ?

Jean-Rémi Girard :

Enfin, à 62 ou 64 ans, moi il faut que j’aille à 67 pour avoir le taux, du coup et alors imaginez si je voulais une surcote. Donc effectivement, à un moment il faudrait reconnaître la pénibilité, ça n’a pas été fait, on aurait pu dire qu’on va faire une réforme des retraites et on va en même temps faire d’autres choses. On n’a rien fait pour les enseignants d’éducation.

Shannon Seban, présidente Renaissance en Seine-Saint-denis :

Dans cette réforme des retraites, nous avions justement une mesure qui visait à créer un fonds d’un milliard d’euros pour mieux prévenir la pénibilité. Vous convenez, Monsieur, que effectivement on a aujourd’hui un bon nombre de professions qui sont justement impactées par la pénibilité.

Jean-Rémi Girard :

Visiblement pas la mienne puisque nous ne sommes pas dans la pénibilité.

Shannon Seban, présidente Renaissance en Seine-Saint-denis:

Mais avant les 62 ans, il est important justement de prévenir les métiers pénibles tout au long de la vie.

Jean-Rémi Girard :

Est-ce que vous vous engagez à faire rentrer les métiers de l’Éducation nationale dans les critères de pénibilité ?

Shannon Seban, présidente Renaissance en Seine-Saint-denis :

Je ne m’engage à rien. En revanche, je m’engage à écouter et à entendre vos revendications.

 

«...Avec le super pacte, le bonus de luxe consiste à faire 24h de remplacement de courte durée, 24h de devoirs faits et 24h de découverte des métiers. Qui va faire ça ? Probablement personne, on est bien d'accord, mais on peut toujours annoncer 3 750 €, ça fait toujours joli comme effet d'annonce, mais en fait ce sera peanuts. »
Jean-Rémi GIRARD
Président du SNALC