Analyses des annonces du ministre de l’Éducation nationale, Gabriel ATTAL suite aux résultats du classement PISA de la France.
Jean-Rémi Girard, président du SNALC, est l’invité, mardi 05 décembre, du 18/20 sur France Info.
Fabienne Sintes – franceinter
Vous êtes le président du syndicat national des lycées, collèges, écoles et du supérieur. Est-ce que ce que vous avez entendu de la part de Gabriel Attal est, selon vous, la bonne réponse à ces résultats décevants ?
Jean-Rémi Girard – SNALC
Ça fait partie des réponses intéressantes. Il y a plusieurs points que le ministre aborde et qui sont en fait soutenus par une grande majorité des collègues, comme le montre l’enquête que le SNALC, mon syndicat, a menée auprès des collègues ce dernier mois, avec plus de 10 000 réponses. Les groupes de niveau étaient très majoritairement demandés. Le fait qu’on reconnaisse notre autorité et également notre expertise professionnelle sur le passage dans la classe supérieure, c’est quelque chose qui est majoritairement soutenu par les collègues en réalité. Il y a parfois une déformation entre ce qu’on peut entendre, et finalement, ce que les collègues sur le terrain, qui ont les mains dans le cambouis et qui essaient de faire ce qu’ils peuvent, attendent réellement.
Fabienne Sintes – franceinter
Et en même temps, vous avez entendu ce qu’on nous expliquait sur le redoublement, effectivement, ça a été un peu une spécialité française. On y est revenu. Et puis, finalement, on s’est rendu compte que les redoublants n’étaient pas forcément les plus performants. Et c’est d’ailleurs même ce qui ressort de cette étude PISA. Les élèves qui sont en redoublement ne sont pas forcément plus performants que ceux qui ne le sont pas. Donc, à quoi ça sert vraiment ?
Jean-Rémi Girard – SNALC
Le redoublement, ça peut avoir un effet sur des élèves qui veulent éviter de redoubler. C’est quelque chose qui a très peu été étudié par la recherche. Nous sommes tout à fait d’accord que beaucoup de redoublements ne sont pas d’une grande utilité sur le niveau réel de l’élève. Il y a peut-être quand même un effet structurel du redoublement. Mais nous, nous ne pensons pas que la mesure annoncée par le ministre va faire bondir les taux de redoublement. C’est simplement qu’on inverse le fonctionnement de la décision. Et pour nous, cela paraît important que la décision revienne aux équipes enseignantes, et nous faisons confiance aussi aux équipes enseignantes pour ne pas faire n’importe quoi. Ensuite, le ministre propose une alternative. Là, ce qui est annoncé après la troisième, la classe prépa lycée, c’est une alternative au redoublement. Plutôt que de faire redoubler la troisième, on propose une classe de mise à niveau pour l’entrée au lycée. Ça, c’est beaucoup mieux que le redoublement. Nous, au SNALC, si on nous demande de choisir entre redoublement et la prépa-lycée, on prend la prépa-lycée, clairement.
Fabienne Sintes – franceinter
Ce que je trouve assez frappant, c’est qu’on parle de redoublements qui n’existent plus, qui existaient il y a longtemps. On parle du brevet des collèges qui serait devenu une épreuve butoir. Et ça aussi, ça n’existe plus, ça existait il y a longtemps. On parle même, alors ce n’est pas dans l’enquête PISA, mais c’est aussi dans ce que dit le ministre d’un retour à ce qu’on appelait l’école normale, autrefois, dans la formation. Moi, j’ai l’impression que ce qu’on veut, c’est l’école d’il y a 30 ans, en fait, non ?
Jean-Rémi Girard – SNALC
Alors, déjà, l’école d’il y a 30 ans fonctionnait beaucoup mieux que l’école d’aujourd’hui. C’est triste, mais cela se montre par les études même du ministère.
Fabienne Sintes – franceinter
On était meilleur il y a 30 ans qu’on ne l’est aujourd’hui ?
Jean-Rémi Girard – SNALC
Oui, très objectivement. Pour le coup, on a au ministère, le département d’études du ministère, qui fait passer à un panel d’élèves en fin de CM2, un texte qui a même été dicté depuis 1987, et les résultats sont en chute libre. C’est absolument monstrueux. Il ne s’agit pas de revenir à l’école de grand-papa – et de toute façon, on n’y reviendra pas, très clairement, et on ne va pas remettre en place le certificat d’études ou ce genre de choses. Mais des groupes de niveau, ce n’est pas une mesure stupide, bien au contraire, et ça correspond, il faut le souligner encore, à la demande des enseignants d’aujourd’hui.
Fabienne Sintes – franceinter
Ce qui frappe aussi, si on regarde les élèves des sections généralistes, c’est qu’ils dépassent les meilleurs, en fait. On voit qu’il y a une différence de niveau, enfin une inégalité à l’intérieur de ces résultats qui saute aux yeux. Est-ce que le problème ne serait pas plutôt là, en fait ? Il est dans le fait de régler cette inégalité entre les élèves.
Jean-Rémi Girard – SNALC
Aucun pays n’arrive à régler les inégalités ; celles en France sont plus importantes. Nous, c’est pour ça qu’on pense qu’il faut mettre le paquet sur l’école primaire et le collège, parce que c’est là qu’on renforce, ou qu’on n’arrive pas à résorber les inégalités. Un élève qui a des difficultés en lecture à l’entrée en sixième est un élève qui rate son collège, pour lui c’est fini, quasiment. Donc, nous pensons que la mise en œuvre de ce qu’annonce le ministre va être un point très important ; mais si on n’a pas les postes de professeurs qui vont avec pour faire des classes prépa métiers ou des groupes de niveau avec les 15 élèves annoncés, ça ira dans le mur. Donc, on va être très vigilant, au SNALC, sur la mise en œuvre de ces mesures qui, une fois encore, globalement correspondent plutôt aux attentes des collègues.
Fabienne Sintes – franceinter
Jean-Rémi Girard, je vous remercie beaucoup. Vous êtes le président du syndicat national des lycées, collèges, écoles et du supérieur.