Dossier du mois de la revue du SNALC Quinzaine universitaire n°1462 du 18 février 2022
Dossier rédigé par Sébastien VIEILLE, secrétaire national du SNALC chargé de la pédagogie.
Avec la contribution de Sylvie CHIARIGLIONE, membre du Bureau national ; Guillaume LEFÈVRE, secrétaire national chargé de l’enseignement professionnel
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28 JANVIER : JOUR DES CHANGEMENTS
La réunion sur les adaptations du baccalauréat 2022 s’est tenue le 28 janvier. Marquée par des aménagements concernant l’examen, elle a été aussi l’occasion d’un changement de méthode que le SNALC salue.
Les dates des épreuves de spécialités ont été adaptées pour cette année. Le SNALC approuve mais reste demandeur de modifications durables.
L’entrée en vigueur de l’attestation en langues vivantes est elle aussi repoussée pour le baccalauréat général. En revanche, L’épreuve d’enseignement technologique en langue vivante (ETLV) aura bien lieu.
Les épreuves anticipées de français évoluent aussi, même si d’autres aménagements eussent été possibles.
Dans la voie professionnelle, les changements concernant l’épreuve de langue sont aussi reportés et les PFMP sont raccourcies de deux semaines. Ce changement est pertinent pour cette année vu les conditions, mais ne saurait devenir pérenne.
Toutes ces modifications sont accueillies positivement par le SNALC qui veillera à ce que les détails de mise en oeuvre soient cadrés et se fassent dans l’intérêt des élèves et des enseignants sans désarmer sur d’autres demandes importantes, notamment concernant la correction des copies.
Mais un autre changement, plus profond, mérite d’être noté : ce jour-là, : le ministre a écouté les organisations représentatives et leur a parlé avant de s’adresser à la presse. Cette fois, il ne s’est pas appuyé sur les désidérata d’un CNVL dont la représentativité peut être questionnée. Cette fois, les professeurs n’auront pas dû compter sur les médias pour être informés des prises de décisions.
Le SNALC accueille positivement ce changement- là aussi et ose espérer qu’il s’inscrira dans le temps long. Le retour d’un vrai dialogue social serait en effet la meilleure des nouvelles.
SPÉCIALITÉS : ON DESSERRE L’ÉTREINTE, ET APRÈS ?
Dans un contexte de crise sanitaire qui engendre un fort taux d’absences chez les élèves et les enseignants, les épreuves de spécialité du baccalauréat général et technologique, prévues les 14, 15 et 16 mars 2022, sont reportées aux 11, 12 et 13 mai.
Le programme demeure le même que celui qui fut arrêté pour le mois de mars afin que les lycéens puissent réviser, approfondir ou simplement terminer ce programme dans des conditions sereines. Des aménagements d’épreuves seront effectués pour qu’aucun élève ne soit pris au dépourvu, que tous aient le choix d’un sujet, de questions ou d’exercices.
Le SNALC accueille la nouvelle favorablement mais se demande si toutes les bonnes questions ont été posées.
Le Ministre, contraint et forcé, a accepté d’assouplir les échéances pour cette année ce qui donne, en effet, ce qui donne un peu de mou aux acteurs sur le terrain et permet à chaque enseignement de s’affranchir de la pression imposée par le calendrier initial serré du mois de mars.
Cela dit, pour le SNALC, il ne s’agit pas d’oublier la raison première de notre mission : garantir à nos élèves un enseignement de qualité et nous assurer de leur compréhension et de leur bonne progression.
Il est peut-être possible – pour qui considère que rien n’est impossible – de terminer un programme ou d’en faire la majeure partie à mi-année afin d’honorer des échéances d’examen que l’on souhaite en haut lieu maintenir précoces sans en éclaircir le bien-fondé pédagogique. Mais il demeurera très difficile – voire totalement chimérique – de penser que les élèves peuvent assimiler comme il se doit le flot de connaissances que comportent nos programmes de spécialités tels qu’ils furent conçus, si ces spécialités demeurent évaluées en mars à l’avenir !
C’est une douce mélodie que le ministère nous chante actuellement: celle de la soudaine « prise-de-conscience-deces- situations-qui-suscitent-de-l’inquiétude » eu égard au variant Omicron et à ses possibles successeurs. Le SNALC considère cependant qu’il faut cesser de se voiler la face et dire les choses avec franchise : arrêtons de prendre les élèves et leurs professeurs pour des imbéciles ! Desserrer l’étreinte oui, mais lâcher la bride serait encore mieux !
ATTESTATION EN LANGUE, UNE ADAPTATION LOGIQUE
Le SNALC n’était de prime abord pas demandeur du report des épreuves de langues vivantes. En effet, il était possible de baser l’intégralité de la moyenne sur les notes obtenues à cet « examen » et donc de consacrer du temps à enseigner.
Par ailleurs, si cette attestation venait à s’installer réellement et à se standardiser par un cadrage national, elle pourrait remplacer avantageusement les certifications payées à prix d’or à des entreprises privées. Cela ne déplairait nullement à notre syndicat.
Mais il convenait de prendre en compte le report des épreuves de spécialités et de ne pas alourdir le calendrier avant les épreuves maintenues en juin. Le SNALC ne s’y est donc pas opposé. En effet, des professeurs de langues seront nécessairement sur le pont pour faire passer les oraux de spécialités, pour corriger les copies de LLCER et pour figurer dans les jurys de grand oral. Leur demander, en plus, de s’atteler à préparer des sujets pour l’attestation puis de corriger compréhensions orales et écrites et expressions écrites avant de passer des journées entières à interroger des candidats à l’oral, aurait été un peu too much. Peutêtre en serait-il résulté quelque agacement et fatigue inutiles.
Au final, le SNALC n’aura qu’un regret. Le ministère, malgré l’abandon temporaire de l’attestation en langues vivantes, a fait le choix de conserver l’épreuve d’Enseignement Technologique en Langue Vivante. La logique qui sous-tend ce choix est que l’ETLV est un enseignement qui fait partie du contrôle continu.
Le SNALC entend l’argument. Cependant, cette épreuve va mobiliser les collègues de langues vivantes et des disciplines technologiques concernées, sur des oraux qui sont chronophages dans une période où ils auront, pour la plupart, des copies de spécialités à corriger. Par ailleurs, il est regrettable qu’une épreuve soit réservée aux élèves de la voie technologique qui ont besoin de temps – au moins autant que leurs camarades de la voie générale –pour se préparer ; or, ils sont loin d’avoir été les plus épargnés par les absences.
EAF, UN PEU COURT JEUNE HOMME ?
Pour les épreuves anticipées de Français (EAF), comme pour les épreuves de spécialités, le ministère a souhaité tenir compte des conditions difficiles de cette année scolaire où les perturbations furent légion.
Ainsi a-t-il décidé que les élèves de la voie générale n’auraient que seize textes à préparer pour l’oral. Pour les élèves de la voie technologique, le nombre est porté à neuf. Conscient des perturbations que nous avons tous connues, le SNALC ne saurait évidemment s’opposer à toute décision permettant de faire baisser la pression mise sur les collègues par la course contre le temps. Nous sommes plutôt enclins à saluer la volonté du ministère.
Cependant, pour un certain nombre de collègues, la solution choisie aurait pu, voire aurait dû, être différente. L’allègement aurait pu passer par les objets d’étude et, par conséquent, par les notions à maîtriser. En effet, il semble que beaucoup aient « cravaché » pour atteindre le quota de textes fixés mais n’aient pu approfondir les notions comme ils l’auraient souhaité, pour le bien de leurs élèves.
Ainsi, l’étude des textes est une chose. Elle demande, bien évidemment, du temps pour être capable de présenter une étude intéressante au jour de l’examen.
Cependant, ce qui préside à l’acte d’enseigner demeure la volonté que les élèves ressortent de l’année scolaire, voire du système scolaire, en ayant acquis une maîtrise suffisante des notions étudiées. Concernant le français, diminuer la quantité et, par voie de conséquence, permettre de passer plus de temps et de viser la qualité aurait permis d’atteindre cet objectif de maîtrise suffisante.
Le programme est intéressant mais chargé, comme beaucoup de programmes depuis la réforme du lycée. La course contre la montre, qui plus est dans le contexte de la COVID-19, ne peut pas favoriser une bonne acquisition par des élèves dont les acquis ont déjà été fragilisés sur les deux années antérieures. Dans ce contexte, faire primer l’exigence de la qualité sur celle de la quantité eût pu être une piste des plus pertinentes.
UN BAC MOINS PROFESSIONNEL
Pour la session 2022, première session des épreuves de terminale, formule réforme TVP, l’évaluation en Tale BAC Pro se composera d’une note de CCF (2 notes comptant pour 40%) et d’une note ponctuelle finale pour les disciplines soumises au CCF.
Cependant, les exigences annoncées pour viser l’excellence, seront allégées pour cause de crise COVID. Outre que certaines notions théoriques n’ont pas pu être abordées suite aux absences des élèves et à la fermeture de nombreuses classes, le savoir-faire professionnel sera tronqué : cette année, les élèves auront deux semaines de stage de moins. Avec la réforme Blanquer, les semaines de PFMP avaient déjà été réduites passant de 4 à 6 semaines. Cet allégement décidé par le MEN pour cette session 2022 porte atteinte à la valeur du BAC PRO.
Pour éviter que les élèves ne soient pénalisés dans l’évaluation du stage, le SNALC ne s’oppose pas à cette adaptation conjoncturelle, mais rappelle qu’il a toujours défendu un diplôme national appuyé sur des épreuves ponctuelles finales. Diminuer le nombre de semaines de PFMP risque en outre d’entraîner une réforme des ORS mettant le statut des PLP en danger.
Les tuteurs en entreprise se plaignaient déjà du manque de connaissances professionnelles des élèves lors des évaluations des semaines de stage. Avec la diminution des heures de TP, des compétences théoriques dispensées en LP et la réduction des PFMP, la réforme de la TVP a largement contribué au manque de savoir-faire et à la non-maîtrise du geste professionnel par les élèves.
On ne peut qu’être très inquiet sur le niveau réel des candidats au BAC PRO et on comprend aisément alors la raison de cette adaptation à la baisse des semaines de PFMP pour 2022.
Par ailleurs, la mise en place de l’épreuve de contrôle des matières générales uniquement pour des élèves ayant obtenu 8 de moyenne accentue toutes les craintes du SNALC sur la valeur du BAC PRO qui ne doit plus être davantage vidé de son caractère professionnel.
NE PAS NÉGLIGER LES CORRECTIONS
Au nombre des annonces faites par le ministre concernant les épreuves de spécialités, la question de la correction des copies ne saurait être oubliée. Ainsi les professeurs auront-ils jusqu’au 7 juin pour faire la remontée des notes de leurs paquets de copies.
Le temps laissé par l’institution à ces correcteurs est donc plus long que celui qui était prévu dans le cadre d’un maintien des épreuves en mars et plus long que si ces épreuves avaient été reportées au mois de juin. C’est pour cette raison que le SNALC est favorable aux dates retenues.
Cependant, la question des conditions de correction subsiste. Tout d’abord – et le SNALC ne s’est pas privé de mentionner ce point – l’abandon de la correction sur copies dématérialisée aurait été un signe positif. Pour des copies dépassant une page, la numérisation est parfois aléatoire et la lecture sur écran est des plus fastidieuses. Outre la lecture, c’est l’annotation, le travail nécessaire avec ses allers et retours qui est plus long devant un écran que devant un paquet de copies papier. Dans une logique basée sur le gain de temps, ce mode de correction est donc loin d’être optimal. Malheureusement, il apparaît que le ministère reste cramponné à la numérisation comme une moule à son rocher. Et, hormis la crainte de la disparition de copies, il est difficile de comprendre cet attachement.
Outre la question de la dématérialisation, c’est celle de l’organisation de la correction qui préoccupe le SNALC. En effet, la semaine suivant les épreuves écrites, les correcteurs seront aussi examinateurs pour les oraux, épreuves pratiques et ECE. Et durant trois semaines, ils seront toujours des professeurs devant assurer leurs heures de cours. Là, le bât blesse légèrement.
C’est pourquoi le SNALC demande que le ministère banalise un temps de correction afin que la triple contrainte ne vienne à bout des professeurs. Et cela doit se faire nationalement et non selon le bon vouloir des chefs d’établissement. Il serait aberrant que les conditions de correction d’un examen qui demeure national soient fonction du lieu où l’on enseigne… même si c’est dans l’air du temps
COVID-19 : L’ARBRE QUI CACHE LA FORÊT ?
Le SNALC n’a cessé de le dire : nous traversons une crise qui a affecté nos conditions d’enseignement et l’apprentissage de nos élèves. Elle a aussi eu pour conséquence de nous empêcher de voir la réforme du baccalauréat appliquée pleinement à cause des perturbations engendrées.
Pourtant, l’on peut se demander si ces perturbations n’ont pas simplement agi comme autant de révélateurs des failles du système mis en place par notre ministre.
Ainsi, les épreuves de spécialités placées en mars sont-elles de toute façon délétères. La question de la course contre la montre pour parvenir à boucler les parties nécessaires des programmes en vue de l’examen a toujours été soulevée par le SNALC. Elle ne saurait évacuer celle du temps de correction qui chevauche allègrement le temps d’enseignement. La semaine qui suit les écrits, il faut cumuler les épreuves orales tout en continuant à enseigner le jour et à corriger la nuit.
Lorsqu’il a fallu des adaptations sur les deux dernières années, un autre élément a été bloquant : le grand oral. Alors qu’il est censé être préparé sur deux années, la crise a montré que la période entre mars et juin lui est consacrée quasi exclusivement. L’explication en est simple : avant, il faut aussi s’occuper de boucler le programme.
Par ailleurs, malgré les « adaptations » connues l’an dernier en français et en philosophie, il y a toujours des copies à corriger, en plus des oraux pour les professeurs de lettres. La correction des épreuves terminales écrites percute donc de plein fouet la constitution des jurys du grand oral.
La crise liée à la pandémie aurait bon dos si les difficultés liées au baccalauréat depuis deux ans lui étaient intégralement imputées. Le SNALC considère, pour sa part, que la structure de l’examen est intrinsèquement une cause de désorganisation.
Le contrôle continu s’est révélé un cheval de Troie de l’institution pour tenter de prendre le contrôle des évaluations conduites durant l’année. Les spécialités rendent mars invivable. Le grand oral pèse sur la fin de l’année et fait beaucoup de bruit pour pas grand-chose.
Voilà pourquoi le SNALC le martèle : il est temps de revenir à la raison et à des épreuves terminales, nationales et anonymes.