Mot du président
Jean-Rémi GIRARD
Edito de la revue Quinzaine universitaire n°1494 du 4 novembre 2024
Les suppressions de postes prévues au budget ? C’est « salutaire » de suivre la démographie, selon le ministre de la fonction publique. Les conditions de travail en Seine-Saint-Denis ? C’est « une expertise supplémentaire que l’on donne à nos enseignants », d’après la ministre de l’Éducation nationale. Fabuleux, non ?
Il faut dire que la post-vérité tourne à plein régime en ce moment au ministère. On « dialogue » alors que tout est déjà décidé avant le dialogue ; on vous dit que vous avez des idées intéressantes juste avant d’affirmer tout le contraire de ce sur quoi vous venez d’argumenter ; on fait des promesses la veille qui sont rompues dès le lendemain.
Dernier exemple en date de désinvolture, celle de notre ministère : la façon de traiter l’alerte sociale lancée par le SNALC et les autres organisations représentatives — une unanimité jamais vue depuis l’existence de ce dispositif. Non seulement un cadre du cabinet informe les médias en amont de ce qui va être dit en réunion, mais de surcroît la version « médias » ne correspond pas du tout aux échanges qui s’y sont tenus ! C’est ainsi qu’au sortir de la rue de Grenelle, nous avons pu découvrir des articles affirmant que ministère et syndicats avaient échangé sur des sujets… sur lesquels nous n’avions pas échangé.
C’est ainsi que le projet de relevé de conclusions envoyé par l’administration aux syndicats parle d’« accélérer les promotions au deuxième grade des personnels enseignants dans le cadre d’une projection pluriannuelle qui permettrait à plus de 100 000 professeurs de bénéficier d’ici 2027 d’un gain indiciaire de 150 à 350 euros net par mois. ». En réalité, ce point n’a jamais été mentionné. Et pour cause : le SNALC aurait démonté ces chiffres en 10 secondes, qui sont parmi les plus belles distorsions de la vérité jamais produites à l’Éducation nationale — alors même qu’on a connu cinq ans de Jean-Michel Blanquer, et que pour nous surprendre en la matière, il faut donc se lever tôt.
Par cette forfaiture, les citoyens ont pu croire que l’on allait augmenter 100 000 enseignants d’environ 250 euros par mois d’ici 2027, ce qui est complètement faux. Le vrai, c’est qu’on va peut-être légèrement améliorer le taux de passage à la hors-classe, rien d’autre. Même chose pour les AESH et les AED : la revalorisation des bas salaires, c’est en fait la hausse du SMIC, que l’État est bien obligé d’appliquer.
C’est pourquoi le SNALC a déposé le préavis de grève annoncé pour la période du 4 novembre au 31 mars. C’est pourquoi nous avons répondu à toutes les invitations des rapporteurs sur le projet de loi de finances à l’Assemblée nationale comme au Sénat. Car il n’y a qu’une seule vérité : c’est celle de la crise d’attractivité de nos professions, c’est celle de notre perte régulière de pouvoir d’achat, c’est celle de la taille de nos classes et de la violence qui y règne, c’est celle de l’écart qui existe entre nous et le reste de la fonction publique d’État en termes de rémunération. Nos gouvernants peuvent toujours continuer leur com’ sur un rythme ternaire qui évoque davantage De Funès que Cicéron : le SNALC continuera de les mettre en face de leurs mensonges. Lorsque le patient est malade comme l’est aujourd’hui l’Éducation nationale, il convient d’être honnête dans son diagnostic, d’investir tout ce qu’il faut dans le traitement, et non de lui faire croire que tout va bien en lui faisant les poches