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BFMTV – Des profs racontent les pépites du grand oral

"Mais il faudrait vraiment valoriser la seconde partie de l'épreuve. Car c'est cet échange qui permet de vérifier que l'exposé est bien le fruit du travail de l'élève et qu'il ne récite pas par cœur un exposé fait par ChatGPT."

Le grand oral, l’une des épreuves créées par la réforme du bac, débute ce lundi 24 juin. Candidats brillants, grosses bêtises et soupçons de triche: des enseignants racontent leurs pépites.

Sylvie CHIARIGLIONE, membre du Bureau national, raconte ses pépites sur BFMTV le 24 juin 2024

 

 

Le grand oral, l’une des épreuves créées par la réforme du bac, débute ce lundi 24 juin. Candidats brillants, grosses bêtises et soupçons de triche: des enseignants racontent leurs pépites.

“Je me souviens d’une candidate qui avait présenté un sujet sur les plantes, dont le basilic, pour soigner l’hypertension. C’était limite.” Émilie, enseignante d’arts plastiques, a été jury de Grand oral et raconte à BFMTV.com l’exposé surprenant de cette élève de terminale il y a deux ans.

Cette professeure se souvient ainsi d’un sujet à la rigueur scientifique discutable, flirtant avec les médecines alternatives. “On voyait bien qu’elle était juge et partie”, pointe Émilie. “On a essayé de lui poser des questions, de l’interroger pour qu’elle développe son propos, mais c’était lunaire.”

Dans le cadre de cette épreuve créée par la réforme du bac et qui débute ce lundi 24 juin pour les quelque 540.000 élèves de terminale, l’un des deux examinateurs est nécessairement enseignant de l’une des deux spécialités de l’élève, l’autre de tout autre discipline -baptisé examinateur candide. Dans le cas d’Émilie, son binôme était professeur de sciences et vie de la Terre.

Sur le principe, les candidats et candidates du grand oral doivent préparer deux “questions”, ou deux sujets, adossées à leurs deux spécialités. Plusieurs cas de figure sont possibles: soit un sujet par enseignement de spécialité, soit un ou les deux sujets croisants les deux différentes disciplines. Et le jour de l’épreuve, le jury choisit de faire passer l’élève sur l’une de ses deux questions préparées en amont.

“Inattendu, brillant”

Grégory, professeur de physique-chimie, se souvient quant à lui d’un candidat éblouissant l’année dernière. Un lycéen passionné de Formule 1 qui souhaitait d’ailleurs devenir ingénieur dans une écurie de sport automobile. “Sur la mécanique des fluides, un point du programme de physique-chimie, on s’attend plutôt à un sujet sur les avions”, explique-t-il à BFMTV.com.

“Il avait proposé une question sur la structure de la voiture de Formule 1. C’était inattendu, très technique, vraiment brillant.”

Bluffé, le jury lui attribue la note de 20/20. “Les candidats qui sont investis par leurs sujets, ou pour lesquels il y a un lien avec leur histoire personnelle, on adore ça”, ajoute ce professeur. Comme pour cette autre candidate, qui envisageait quant à elle d’embrasser la carrière de neurologue et qui a proposé une question autour de l’influence des médicaments sur le pH (une mesure de l’acidité) de l’estomac.

“Pointu, scientifiquement correct. Elle a tout démontré avec les formules de pH. C’était quasiment une conversation. On était soufflé.”

“L’angle de tir avec ses propres statistiques”

Muriel Salvatori, professeure de mathématiques et secrétaire générale du Sgen-CFDT dans l’académie de Grenoble, a elle aussi remarqué que les sujets qui ont une résonnance particulière pour l’élève sont souvent couronnés de succès. Elle évoque l’exposé de cette lycéenne réserviste qui s’entraînait au maniement des armes. “Elle a proposé un sujet sur la trajectoire des balles mais avec ses propres statistiques de tir”, se souvient-elle pour BFMTV.com.

“Sur le fond, ce sont des mathématiques qui n’ont rien d’original. Mais appliquées à une situation personnelle, ça change tout.”

Ou cette élève passionnée de poker qui a proposé une question sur les statistiques appliquées à ce jeu de cartes avec des situations réelles et cette joueuse de handball dont le sujet portait sur l’angle de tir idéal appliqué à ses propres statistiques de jeu.

“Mais il faut qu’il y ait du fond”, met en garde Muriel Salvatori. Contrairement à ce candidat passionné de football et sa question autour du penalty. “Il s’est contenté de donner un seul pourcentage dans son grand oral, citant une étude.”

“Il n’y avait quasiment pas de mathématiques.”

Cette année, le déroulé du grand oral change. Si le ou la candidate dispose toujours de vingt minutes pour préparer son exposé, durant la première partie l’épreuve il ou elle n’a plus cinq mais dix minutes pour présenter sa question. Dans la seconde partie, l’échange entre le jury et l’élève est toujours prévu pour durer dix minutes. Des questions pour amener le candidat “à préciser et approfondir sa pensée”, indique la page du ministère de l’Éducation nationale consacrée au grand oral.

6/20 pour des chaudières “radioactives”

Jusqu’à l’année dernière, les cinq dernières minutes de l’épreuve étaient consacrées à la présentation du parcours professionnel envisagé par l’élève et ses souhaits d’orientation dans le supérieur. Ce qui a été supprimé. “C’est une très bonne chose d’avoir retiré cette partie”, assure à BFMTV.com Sylvie Chiariglione, professeure d’anglais et membre du bureau national du Syndicat national des lycées, collèges, écoles et du supérieur (Snalc).

“Mais il faudrait vraiment valoriser la seconde partie de l’épreuve. Car c’est cet échange qui permet de vérifier que l’exposé est bien le fruit du travail de l’élève et qu’il ne récite pas par cœur un exposé fait par ChatGPT.”

Grégory, le professeur de physique-chimie interrogé plus haut, a pour sa part rapidement démasqué un candidat dans cette situation. Il se rappelle très nettement de ce jeune homme et de son sujet sur le fonctionnement des chaudières domestiques.

“À un moment, il nous dit que les chaudières peuvent avoir des effets néfastes pour l’homme. On a évidemment tiqué et on lui a demandé de préciser son propos. Il a répondu, avec assurance: ‘Oui, car elles sont radioactives’.”

Stupeur du jury qui interroge à nouveau le candidat sur ce qu’il vient d’affirmer. “Vous êtes en train de nous dire qu’il y a des barres d’uranium dans les chaudières domestiques?” se remémore Grégory avec précision. “Il nous a répondu ‘oui’ assez naturellement, ça ne l’a pas choqué.” Pas de doute pour ce professeur, le candidat a confondu chaudières domestiques et chaudières de centrales nucléaires. Une énormité qui ne trompe pas, selon lui.

“On a rapidement compris qu’il avait pompé son exposé sur internet. Ce qui ne lui a pas rendu service, on a dû lui mettre 6 ou 7/20.”

De l’or sur Mars

Pour d’autres candidats, les bévues -même grossières- ne sont pas toujours rédhibitoires. Cela a été le cas d’un des élèves que Laurent, professeur de sciences économiques et sociales (SES), a fait passer. “Il présentait un sujet sur la géopolitique et l’exploration spatiale. Son exposé était correctement construit, avec du fond. Mais à un moment, il nous a annoncé que Mars serait le nouvel eldorado et qu’on pourrait y trouver de l’or.”

“C’était un peu délirant mais l’ensemble de son exposé était correct et bien construit”, reconnaît cet enseignant pour BFMTV.com.

Autre cas de figure mais qui cette fois peut porter préjudice aux candidats: ceux qui comptent sur leur aisance à l’oral pour faire le job. Grégory, le professeur de physique-chimie, se rappelle notamment d’un élève “qui avait la tchatche”. “Son sujet était assez classique et en lien avec son projet professionnel de devenir ingénieur du son. Mais le contenu n’y était pas. C’était du niveau de seconde.”

“Il était dans la séduction, c’était gonflant.”

Sans compter que cet élève de terminale a eu “le culot de nous dire qu’il lui fallait 12 au grand oral pour avoir le bac”. “On n’a pas tellement apprécié.”

“Jouissif pour tout le monde”

A contrario, un élève qui ne serait pas à l’aise à l’oral, s’il a suffisamment travaillé, ne sera pas pénalisé, assurent les différents enseignants interrogés. “Nous sommes bienveillants”, précise la professeure d’anglais Sylvie Chiariglione. “Ce qui ne veut pas dire qu’on donne 18 à tout le monde, mais on met à l’aise l’élève.”

Ce que confirme Rémy Baudry, professeur de SES et co-secrétaire Sud éducation de la Somme. Il évoque le cas de ce lycéen qui a proposé au grand oral du bac 2023 une analyse économique et sociologique de l’archéologie.

“Il n’avait pas particulièrement de qualités orales, on voyait bien qu’il n’était pas à l’aise. On imaginait tout à fait l’élève qui n’ose pas prendre la parole en classe. Mais c’était son rêve depuis toujours de devenir archéologue.”

Une évidence pour cet enseignant: les sujets les plus prometteurs sont ceux choisis par les élèves parce qu’ils leur tiennent à cœur.

“Plus il avançait dans son exposé, plus il gagnait en facilité”, se réjouit cet enseignant pour BFMTV.com. “On sentait sa passion pour l’archéologie. C’était jouissif pour tout le monde.”

 

 

"Nous sommes bienveillants", précise la professeure d'anglais Sylvie Chiariglione. "Ce qui ne veut pas dire qu'on donne 18 à tout le monde, mais on met à l'aise l'élève."