Analyses des annonces du ministre de l’Éducation nationale, Gabriel ATTAL suite aux résultats du classement PISA de la France.
Jean-Rémi Girard, président du SNALC, est l’invité, mardi 05 décembre, de la grande confrontation sur Sudradio.
Sudradio – Jean-Jacques Bourdin
Et avec nous, Jean-Rémi Girard, président du SNALC. Bonjour. […] Pourquoi est-ce que les pays d’Asie obtiennent de meilleurs résultats ?
SNALC – Jean-Rémi Girard
Alors, il y a probablement un ensemble de raisons, mis à part le fait que la Chine fait tester, j’allais presque dire, les endroits qu’elle a bien envie de faire tester. Néanmoins, là-dessus, on est d’accord qu’il y a un système asiatique d’apprentissage global qui marche plutôt pas mal. Il y a sans aucun doute des éléments culturels qui jouent là-dedans. La place de l’école n’est probablement pas la même, par exemple en Corée du Sud, qui est très connue pour ses cours après les cours, où c’est quasi obligatoire. Je crois qu’ils ont même fait passer une loi pour ne pas permettre les cours particuliers après 22 heures. Voilà, on n’imaginerait pas trop cela en France. Il y a une vision de l’école qui, effectivement, n’est pas du tout la même que celle qu’on peut avoir en France et dans les pays européens en général.[…]
Sudradio – Jean-Jacques Bourdin
Recours plus facile au redoublement, retour des groupes de niveau, révision des programmes, labellisation des manuels scolaires. Quelles sont les pistes que vous retenez ?
SNALC – Jean-Rémi Girard
La piste des groupes de niveau, en tout cas, est très demandée par les collègues. Au SNALC, nous avons mené une enquête
Sudradio – Jean-Jacques Bourdin
C’est-à-dire les groupes de niveau ?
SNALC – Jean-Rémi Girard
Je vous explique. C’est-à-dire, nous, par exemple au SNALC, avons un projet de collège modulaire où nous essayons de faire avancer les élèves un peu plus à leur rythme, notamment ceux qui ont des lacunes. Ils seraient dans des groupes à effectifs réduits, et auraient plus de temps pour acquérir les éléments du programme.
Sudradio – Jean-Jacques Bourdin
Je sais que d’autres syndicats ne sont pas sur la même ligne.
SNALC – Jean-Rémi Girard
C’est normal, c’est pour ça qu’il y a plusieurs syndicats. On n’est pas tous forcément d’accord.
Sudradio – Jean-Jacques Bourdin
Cela accentue les inégalités, disent certains.
SNALC – Jean-Rémi Girard
Alors, les classes où tout le monde est dans un couloir du début à la fin pourraient – je vais quand même mettre du conditionnel – avoir tendance à ne pas aider en termes d’inégalités. Les groupes ponctuels, pas du tout. Au contraire, c’est plutôt une mesure dans laquelle la science est vraiment positive. De ce point de vue-là, nous avons fait une enquête auprès de nos collègues, à l’école primaire, au collège et au lycée, et tous pensent qu’effectivement, avoir les élèves un peu plus en difficulté dans des groupes à effectifs réduits, ce serait formidable pour les aider à progresser. Aujourd’hui, les élèves sont noyés dans des classes qui sont très souvent à 30, et à 35 au lycée. Avec une hétérogénéité qui est très importante en France, vraiment très importante au sein de la même classe, et à un moment, on perd des élèves. J’ai fait 9 ans de collège : à un moment, il y a des élèves qu’on perd du radar.
Sudradio – Jean-Jacques Bourdin
[…]Pourquoi est-ce qu’on a distribué du numérique ? Mais réfléchissons deux secondes. Les municipalités, pour se faire mousser auprès des parents, pour les enseignants, disons clairement les choses, il y a certains enseignants qui sont plus à l’aise avec le numérique.
SNALC – Jean-Rémi Girard
Alors, souvent, on est oubliés des plans de distribution. Aujourd’hui, il y a eu des plans de l’État, ça a existé. Aujourd’hui, on est beaucoup plus dans le domaine des collectivités locales, c’est-à-dire les mairies clairement, mais aussi les départements, et énormément les régions qui font de grands plans. Il y a un énorme effet d’affichage. Ça fait aussi travailler les entreprises du numérique éducatif, on ne va pas se le cacher. Il y a aussi un intérêt financier qui traîne derrière, les élèves sont un public captif, ils ne peuvent pas s’échapper de l’école – enfin certains essayent – mais globalement ils ne peuvent pas. Ensuite, le numérique, c’est utile quand c’est entre les mains d’enseignants bien recrutés, bien formés, c’est-à-dire que oui, le numérique a des utilités en géographie, en langue vivante. Le numérique a aidé pour s’enregistrer, pour faire de l’oral, pour éviter de se trimballer d’importantes cartes qu’il fallait changer tout le temps…
Sudradio – Jean-Jacques Bourdin
Mais il y a des enseignants qui se reposent sur le numérique.
SNALC – Jean-Rémi Girard
C’est très peu vrai, en fait, dans le système éducatif français, parce qu’on n’est pas très bien équipé, déjà dans les établissements scolaires. Je sais très bien que si je veux utiliser le numérique, une fois sur deux ça ne va pas marcher, donc il faut toujours que j’aie un plan B.
Sudradio – Jean-Jacques Bourdin
S’il n’y a pas de profs, il y a le numérique.
SNALC – Jean-Rémi Girard
En revanche, oui, à l’Éducation nationale, on est arrivé à un point où, comme on n’arrive pas à recruter des enseignants, et comme parfois il y a des absences d’enseignants qu’on ne peut pas remplacer, on a un texte réel du ministère de l’Éducation nationale qui dit qu’un assistant d’éducation, un surveillant, peut venir encadrer une heure où en fait il diffuse un cours du CNED, et les élèves sont là en train d’écouter, de regarder le cours du CNED. Alors, un assistant d’éducation ne peut pas les aider sur le cours de physique chimie ou d’espagnol, mais voilà, le ministère fait ça.
SNALC – Jean-Rémi Girard
[En parlant de] pratique pédagogique, si j’ai envie de diffuser une vidéo, c’est quand même plus pratique d’avoir du numérique dans ma salle.
Sudradio – Jean-Jacques Bourdin
[…]On a beaucoup parlé du redoublement, qu’en pensez-vous, Jean-Rémi Girard, faut-il remettre le redoublement au goût du jour, si je puis dire ?
SNALC – Jean-Rémi Girard
Alors aujourd’hui, le redoublement, en gros, n’existe plus. Il est exceptionnel, sauf dans des cas très marginaux : c’est-à-dire un élève qui s’est trompé dans ses choix de spécialité en première, un élève qui n’a pas eu le bac la première année et qui va redoubler pour l’obtenir, ou des parents qui le demandent. Il faut que ça revienne avec des familles, pour aujourd’hui.
Sudradio – Jean-Jacques Bourdin
[…]C’est-à-dire, si un parent demande le redoublement, c’est possible ?
SNALC – Jean-Rémi Girard
C’est possible. Enfin, c’est très rare qu’un parent demande le redoublement aussi. Du coup, ce qui s’est passé, c’est qu’on a fait baisser très fortement notre taux de redoublement, qui est effectivement assez important en France, sauf qu’on n’a rien mis en lieu et place du redoublement pour aider les élèves en difficulté. Ce qui fait qu’aujourd’hui, l’école est un grand tapis roulant où les élèves passent de classe en classe, peu importe s’ils ont 2 ou 18 ans, ils savent qu’ils vont passer dans la classe supérieure, et les seuls moments où ça va devenir critique, ce sont les paliers d’orientation: qu’est-ce qu’il va se passer après la troisième, qu’est-ce qu’il va se passer après la seconde, qu’est-ce qu’il va se passer après la terminale ?
[…] Nous, ce qu’on dit au SNALC, c’est que c’est souvent plus utile quand c’est fait plus tôt. C’est-à-dire que faire redoubler un élève de quatrième, l’utilité est souvent très marginale. En revanche, un élève de CP qui n’a pas maîtrisé les mécanismes de la lecture, il a peut-être besoin de les approfondir.
Sudradio – Jean-Jacques Bourdin
[…]Merci, messieurs. Merci d’être venus nous voir vraiment, vraiment passionnant. […] Merci à vous, Jean-Rémi Girard, d’être venu nous voir.