Le Lycée 4.0, sacre de la machine comme outil pédagogique, a été mis en place dans l’Académie de Nancy-Metz en 2019.
La Région Grand Est a équipé chaque lycéen d’un ordinateur, qui devient sa propriété à la fin de ses études secondaires. Et avec une grande libéralité, elle lui fournit chaque année, outre l’ordinateur, les licences (valables un an) de ses manuels numériques bien sûr. C’est un investissement colossal.
Soyons justes : durant la crise Covid, cette dotation a été utile, et a permis à ceux des élèves qui disposaient d’une bonne connexion internet, de pouvoir suivre les cours à distance. Mais après quatre ans, et alors que l’inflation amène le prix des manuels à augmenter, la facture est lourde. Sûrement trop. Que faire, donc ? Revenir aux manuels papier ? Quel primitivisme ! Non, plutôt limiter le nombre de manuels de chaque élève. Mais lesquels garder ? Comment choisir ? À qui demander quels sont les manuels les plus utiles ? Aux professeurs ? Certes non. La Région ne s’est pas embarrassée : sans prévenir, elle n’a validé qu’une partie des devis, le début (soit souvent les manuels de 2de et de 1ère). Certains élèves de terminale ont donc commencé l’année scolaire sans manuel, dans leurs enseignements de spécialités en particulier. La Région a donc jugé légitime de choisir comment les professeurs allaient travailler, et ne les en a pas même informés avant la pré-rentrée.
Pourquoi, effectivement, le ferait- elle ? Elle paye. La Région, sacrée grand maître ès pédagogie du fait de la coquette somme qu’elle investit chaque rentrée dans le parc numérique et les licences toujours renouvelés, impose maintenant sa loi. Elle tient les cordons de la bourse, et peut donc tirer les ficelles, faisant des professeurs, voire des instances décisionnaires plus traditionnelles de l’EN, des marionnettes qui jouent la mise en place de ses innovations plus ou moins réfléchies dans un domaine où elle n’a aucune expertise légitime. Dans l’Académie de Nancy- Metz, les licences ont finalement été achetées et la Région a « rallongé » le budget nécessaire. Mais cela nous prouve, encore une fois, que l’école est devenue une affaire économique, et même une affaire d’économies
Article paru dans la revue du SNALC Quinzaine universitaire n°1470 du 4 novembre 2022