De « l’intégration » initiale, qui supposait la référence à une norme commune, à « l’école inclusive » centrée, notamment depuis la loi de 2005, sur la prise en compte des singularités des élèves, un glissement majeur a été opéré.
A l’heure où cet impératif d’inclusion plonge nombre de nos collègues et d’élèves dans la souffrance, on ne saurait faire l’économie d’une réflexion sur ses fondements théoriques.
La querelle entre tenants et détracteurs de l’inclusion dans l’Ecole révèle deux visions de philosophie morale opposées. Ses partisans en ont une conception déontologique : comme Kant, ils voient un « impératif catégorique » dans la nécessité de scolariser tous les élèves en milieu ordinaire, quelles qu’en soient les conséquences ; en effet l’exclusion ne saurait être élevée au rang de « maxime universelle ».
Les critiques du modèle inclusif estiment, quant à eux, qu’il faut juger de la moralité de l’inclusion d’après les conséquences qu’elle engendre, de manière globale : en cela ils se placent dans une perspective conséquentialiste.
Les déontologistes, priorisant essentiellement l’empathie et le « vivre ensemble », estiment être seuls tenants de la morale : qui ne souhaiterait voir son enfant handicapé accueilli en milieu ordinaire ? Cette vision est compréhensible, mais elle n’est pas la seule défendable : le professeur qui s’interroge sur le bien-fondé de consacrer une très grande part de son temps à des élèves « à besoins éducatifs particuliers » au sein de sa classe, au détriment de l’ensemble a lui aussi une vision morale, davantage inspirée de l’utilitarisme d’un JS. Mill.
C’est pourquoi, à l’heure où se prépare l’élargissement de l’inclusion scolaire (l’Acte 2) à tous les élèves, il serait simpliste de céder en la matière à une forme de manichéisme moral. Les tenants de l’inclusion tous azimuts devraient examiner attentivement les conséquences, pour les enseignants mais avant tout pour l’ensemble des élèves, d’une idée qui amène progressivement le système scolaire à saturation.