Mot du président
Jean-Rémi GIRARD
Edito de la revue Quinzaine universitaire n°1483-école du 8 décembre 2023
Alors que la dernière enquête PISA confirme la crise de notre système éducatif et que le ministre vient de faire de nombreuses annonces suite à sa mission « exigence des savoirs », est-on enfin en train de mettre la transmission des savoirs au premier plan ? Notre ministère s’était surtout complu ces dernières années dans le tout compétences, et nettement moins dans le domaine de l’exigence. Pensons à l’abandon quasi définitif du redoublement sans qu’aucune alternative ait été mise en place, par exemple. Non pas que le redoublement soit la panacée, mais le passage automatique de classe en classe sur le grand tapis roulant du système, et ce, quel que soit le niveau de l’élève, l’est encore moins. De ce point de vue, rendre le pouvoir de décision aux professionnels que nous sommes est un signal positif, bien au-delà du débat sur l’utilité ou non du redoublement.
Il faut dire que les solutions coûtent cher : davantage d’enseignants, moins d’élèves par classe, des heures en petits effectifs… toutes choses dont l’école primaire est en grande partie exclue. Si les mesures en GS-CP-CE1 prises en éducation prioritaire étaient intéressantes, rappelons que la majorité des écoles ne sont pas en éducation prioritaire. L’amélioration du niveau scolaire ne se fera pas à moyens constants, et encore moins en supprimant 1700 postes de professeurs des écoles à la rentrée 2024. On ne fera pas une école de qualité en ayant comme principal objectif les économies budgétaires. Prenez l’école inclusive : le dernier projet en date part du principe que le bon taux d’encadrement est d’un personnel AESH pour 4 à 5 élèves en situation de handicap en moyenne. On ne nous fera pas croire que la priorité est l’accompagnement de l’élève et la compensation de son handicap : la priorité, ici, est d’accueillir pour pas cher. Et le seul agent d’accueil, c’est le professeur des écoles, qui fera un bouc émissaire parfait si ça se passe mal, parce qu’il n’aura pas assez « différencié ».
Notre employeur, qui peut être si exigeant quand il s’agit de nous évaluer et de nous contrôler, a longtemps donné dans le laxisme et dans la poussière-sous-le-tapis pour tout le reste. D’un côté, les évaluations d’école, dont le SNALC demande l’abandon ; de l’autre, le « débrouillez-vous » pour gérer les parents de plus en plus revendicatifs, les missions supplémentaires de la direction sans temps supplémentaire ni aide humaine. Dernier avatar en date du contrôle parental version Éducation nationale : le manuel unique en français et en mathématiques en CP et CE1. Si le SNALC trouve normal que l’employeur finance enfin certains outils pédagogiques, il rappelle l’importance de la liberté pédagogique des professeurs des écoles. Nous serons donc à vos côtés pour, d’une part vérifier la qualité de ce que l’on écrit dans ces nouveaux objets, et d’autre part rappeler la loi qui vous garantit cette liberté pédagogique, qui fait de vous des concepteurs et non des exécutants.
C’est pour ces raisons, et pour bien d’autres, que le SNALC est un syndicat exigeant, et un syndicat qui défend l’exigence. Car notre ministère est le premier employeur de France. Car l’accomplissement de nos missions permet à la République d’exister et de perdurer. Car nous sommes des professionnels, et que nous devons être traités comme tels. Plus le SNALC pourra compter sur vous, et plus le tapis sera soulevé et la poussière montrée dans tous les grands médias sur lesquels, plus que jamais, nous portons votre parole. Et plus vos idées, qui sont majoritaires, comme le montre notre grande enquête, auront la chance d’être entendues et pourquoi pas… enfin mises en œuvre.