Mot du président
Jean-Rémi GIRARD
Edito de la revue Quinzaine universitaire n°1479 du 7 juillet 2023
Le ministre l’avait dit au SNALC en septembre dernier : « le collège est l’homme malade du système ». C’est pourquoi, visiblement, on a décidé de l’achever, de peur qu’il souffre trop.
Mais contrairement aux réformes « traditionnelles », comme celle, fumeuse, de 2016, l’actuelle réforme du collège n’est pas cadrée dans des textes clairs qui expliqueraient quelle lubie a pris, cette fois-ci, notre administration. Nous sommes au contraire confrontés à une succession d’annonces politiques, provenant souvent d’un passage de stand-up d’Emmanuel Macron (bientôt dans un établissement près de chez vous !), annonces déclinées au fil de l’eau par une administration qui tente de traduire la complexité de la pensée présidentielle en arrêtés et notes de service, et qui aboutit à de sérieuses absurdités.
Il ne s’agit pas d’être naïf. Il y a bien sûr un projet d’ensemble, qui est généralement lié aux cordons de la bourse, à la loi de l’offre et de la demande et, bien entendu, à la com’ politique. Mais il n’y a clairement aucune logique pédagogique ; juste des arguments qu’on utilise quand c’est pratique, et qu’on délaisse quand ça ne l’est pas. Les élèves arrivent en difficulté en français et en mathématiques en 6e ? Mettons une pauvre heure de soutien à l’organisation « cycle 3 » complètement tordue en lieu et place de la technologie. Mais dans le même temps, imposons des heures de découverte des métiers dès la 5e (visiblement, les lacunes dans les fondamentaux se sont miraculeusement résorbées en un an), avec le concours des chambres de commerce et d’industrie. La réalité, c’est qu’on manque encore plus de professeurs de technologie que de professeurs d’autres disciplines, qu’il fallait bien trouver des missions Pacte à faire faire aux professeurs des écoles, et que ça fait bien dans les journaux de dire que l’École va aider nos futurs citoyens à traverser la rue pour trouver un emploi dans un café du Vieux-Port. D’ailleurs, on fait une réforme de la voie professionnelle sur le même mode « pacte et blabla » : on ne pourra pas dire qu’il n’y a pas de cohérence.
In fine, cette réforme du collège côté élèves, c’est quoi ? Une heure en 6e qui change, vaguement quelques trucs et bidules orientés orientation en 5e, 4e et 3e (qu’on faisait déjà), et probablement bientôt un DNB légèrement différent de l’actuel — ou nettement pire, ça dépendra du scénario retenu. Mais côté personnels, c’est un acte d’une immense violence envers l’ensemble des professeurs de technologie, de la réunionite supplémentaire pour nous faire organiser une heure de soutien qui aurait été mieux organisée par le professeur de la classe, une concurrence exacerbée (et une mauvaise ambiance) entre collègues à base de briques de Pacte, des professeurs principaux encore davantage pressurés, un vague vernis « monde du travail » et éducatif au sens très très large, qui éloigne encore un peu plus l’École de ses missions centrales de transmission des savoirs et de développement de l’esprit critique. Toutes choses qui renforceront encore la crise d’attractivité que nous connaissons.
À l’arrivée, les élèves ne seront pas mieux préparés à leur entrée au lycée général, technologique ou professionnel, et un futur ministre, dans 5 ou 10 ans, pourra gloser que le collège est l’homme malade du système, et tout recommencera.
C’est pour cela que le rôle du SNALC est plus que jamais essentiel. Nous travaillons d’arrache-pied pour contrer la communication gouvernementale, pour porter votre parole grâce à des enquêtes auxquelles vous êtes très nombreux à répondre. Sur ce collège flou flou flou comme sur les trois voies du lycée ou le supérieur, le SNALC dénonce les délires et les discours manipulateurs. C’est ainsi que nous avons œuvré, encore très récemment, à la prise de conscience générale des graves dysfonctionnements causés par la réforme Blanquer sur l’année de terminale. Le ministère sera-t-il capable de reconnaître ses erreurs ? C’est rarement ainsi que finit l’épisode, mais nous n’excluons pas un coup de théâtre.