
Des menaces de mort, un cercueil, et des références à des assassinats d’enseignants : l’intimidation subie par une professeure à Argenteuil reflète une violence croissante dans les établissements scolaires.
Maxime Reppert, vice-président national du SNALC, est l’invité de Sud Radio le 19 juin 2025.
SUD RADIO
Nous sommes avec Maxime Reppert, vice-président national du SNALC, un syndicat d’enseignants. Bonsoir, merci d’être avec nous.
SNALC – Maxime Reppert
Bonsoir.
SUD RADIO
Bonsoir à vous. Bienvenue à vous sur Sud Radio. Des menaces de mort très inquiétantes reçues par cette enseignante, un cercueil, et les dates aussi de disparition de Dominique Bernard et de Samuel Paty. Bref, une allusion transparente, à tel point d’ailleurs que les collègues de cette enseignante ont écrit une lettre ouverte, c’est-à-dire dans Le Figaro, “Nous sommes en danger”. Est-ce que vous comprenez leur peur ?
SNALC – Maxime Reppert
Totalement. Et si vous voulez, malheureusement, parce que j’ai pu lire cette lettre, qui est très forte, très poignante, eh bien cette lettre n’est pas simplement le reflet de ce qui se passe à Argenteuil, mais de ce qui se passe plus généralement dans la plupart des établissements scolaires sur le territoire. C’est-à-dire le développement d’une peur, d’une insécurité. On voit les drames, malheureusement, qui deviennent de plus en plus récurrents au niveau de l’Éducation nationale. Et les perspectives, notamment les réponses des politiques, ne vont pas nous apaiser ni nous rassurer, malheureusement.
SUD RADIO
Après les drames de Samuel Paty et Dominique Bernard, ils ont envoyé cette lettre aussi à Élisabeth Borne en disant qu’un cap est franchi. Mais le cap, il est franchi depuis bien longtemps, en fait.
SNALC – Maxime Reppert
Tout à fait. Le cap, il est franchi depuis un moment déjà. On se rend compte que chaque semaine, il se passe quelque chose au niveau de l’Éducation nationale. Ce que le président Macron appelait, il n’y a pas si longtemps, des faits divers… sauf que maintenant, nous ne sommes plus face à des faits divers, mais plutôt à un fait de société, un problème de société. Et le souci, si vous voulez, c’est que les politiques n’arrivent pas à répondre aux inquiétudes, n’arrivent pas à proposer de solutions. La violence, beaucoup se disent qu’elle est à l’image des politiques. Nous avons ce qu’on mérite. C’est dramatique.
SUD RADIO
Je vais vous lire quelques extraits quand même de cette lettre ouverte de ces professeurs, les collègues de cette professeure menacée. Je cite : « Les moqueries, la suffisance et l’indifférence des élèves nous laissent démunis. Confiance brisée, la violence, c’est partout, ça va jusqu’au jet de mortier. Et maintenant, il faut une menace de mort pour nous faire réagir. » […] Est-ce qu’à votre avis, d’ailleurs, cette peur que vous évoquez, elle n’est pas même sous-estimée, dans la mesure où je pense qu’un certain nombre d’enseignants n’osent pas l’avouer ? Est-ce que vous ne croyez pas que la situation, d’une certaine manière, est encore pire que ce qu’on décrit tous les jours ?
SNALC – Maxime Reppert
Tout à fait. Il y a de plus en plus cette certitude partagée par tous que nous faisons un métier à risque et que nous constituons, au niveau de l’Éducation nationale, de plus en plus une cible. On n’est pas rassurés. On a vu qu’il y avait eu des attaques terroristes qui ont coûté la vie à deux de nos collègues. On a vu aussi que des élèves pouvaient en tuer d’autres, ou alors tuer leur enseignante, ou même une surveillante. On l’a vu avec Mélanie, il n’y a pas si longtemps. Donc non, la réalité, elle est terrifiante, elle est implacable, et il faut réagir. Mais ce n’est pas dans les réponses des politiques, malheureusement, que nous trouverons des solutions.
SUD RADIO
Vous trouverez une réponse aussi avec l’ensemble du corps enseignant, avec les parents, avec tout le monde. Parce que moi je veux bien entendre ce que vous dites, c’est la faute des politiques, c’est la faute des politiques, mais enfin les politiques, on voit bien qu’ils sont quand même assez limités dans les actions. Maintenant, l’Éducation nationale a aussi une responsabilité. Moi, je veux le dire : c’est ce qui s’est passé avec l’affaire Paty, où il n’était pas soutenu par sa hiérarchie, parce qu’on planque les choses souvent, comme on le fait dans l’Éducation nationale. On cesse un petit peu de le faire maintenant, tellement la situation est dramatique. On voit ce qui se passe avec les attaques au couteau, on le voit avec tout un tas de comportements qui sont totalement dérivants de la part des élèves. Mais l’Éducation nationale, intra-muros, a de vraies responsabilités dans tout ce qui se passe. Famille, Éducation nationale… après, vous pouvez rajouter les politiques si vous voulez. La police fait ce qu’elle peut elle aussi, dans le cadre de ses missions. Mais je crois qu’il y a une vraie responsabilité collective sur tout ce qui se passe.
SNALC – Maxime Reppert
Il y a une responsabilité au niveau de l’Éducation nationale, mais ce n’est pas une responsabilité qui va toucher des individualités. On parlait tout à l’heure du “pas de vague”. Vous savez, l’école, maintenant, c’est devenu un bien de consommation. Des élèves, des parents consomment l’école. À tel point que, de plus en plus, on a ce sentiment qu’il faut satisfaire, qu’il faut plaire aux élèves, plaire aux parents d’élèves. Il n’y a plus cette notion d’exigence, cette notion de respect, cette notion de devoir que les élèves ont vis-à-vis des adultes et que les parents ont vis-à-vis de la communauté enseignante. C’est-à-dire qu’on passe notre temps, au niveau de l’Éducation nationale, à rappeler aux enseignants leurs devoirs et aux parents leurs droits. Sauf que, je suis désolé, quand vous faites partie d’une communauté éducative – et les parents font partie de cette communauté éducative – vous avez à la fois des droits et des devoirs. Et je voulais juste rajouter quand même une chose qui me semble capitale : bien sûr que l’école a un rôle à jouer, bien sûr qu’elle peut avoir une responsabilité. Mais vous savez, la première cellule d’apprentissage d’un enfant, ce n’est pas l’école, c’est la famille.
Et hier, j’ai appris à Mulhouse qu’un jeune de 7 ans était venu dans son école avec une lame pour en découdre avec un de ses camarades. 7 ans ! Où est la responsabilité de l’école, là-dedans ?
SUD RADIO
Merci beaucoup Maxime Reppert, vice-président national du SNALC, qui est un syndicat d’enseignants. Merci beaucoup. Et puis on a une pensée, bien entendu, pour tous ces personnels de l’enseignement, bien entendu, qui font un travail, et ces enseignants qui font un travail formidable.
