Mot du président
Jean-Rémi GIRARD
Edito de la revue Quinzaine universitaire n°1482-école du 3 novembre 2023
Au nom du SNALC, je veux dire à quel point la mort de notre collègue Dominique Bernard nous touche, et transmettre tout notre soutien à sa famille, à ses collègues, à ses élèves.
Il est difficile de poser des mots sur un acte aussi atroce. Qu’un ancien élève commette un acte terroriste, tue un enseignant, blesse plusieurs autres personnels de l’établissement n’est pas une chose à laquelle on pense le matin lorsqu’on se prépare à aller au travail. Trois ans après l’assassinat de Samuel Paty, le SNALC porte une exigence : que l’on évite les solutions toutes faites, la communication pour le plaisir de communiquer, le concours Lépine de l’innovation sécuritaire sans rapport aucun avec le constat rationnel.
Quel est ce constat, appuyé par l’enquête que vient de mener le ministère ? Que les objectifs minimaux en matière de sécurisation des écoles sont très loin d’être atteints. Le SNALC le disait déjà il y a trois ans ; le ministre actuel semble enfin l’entendre et le comprendre. Il ne s’agit pas de « transformer les écoles en bunker », comme on peut l’entendre chez certains qui n’ont visiblement jamais vécu une intrusion (ce qu’a déjà expérimenté votre serviteur, et c’est tout sauf amusant). Il ne s’agit pas non plus de dire que l’Éducation nationale seule, même avec un bâti scolaire idéal, parviendra à empêcher 100 % des attaques. Mais il s’agit de garantir que, partout, un système d’alarme anti-intrusion soit installé, en état de marche, et relié à la police ou à la gendarmerie. Et il s’agit de garantir que, partout, un individu extérieur puisse être identifié en toute sécurité sans qu’il puisse pénétrer aisément.
L’école primaire, de ce point de vue, est très en retard, souvent pour des questions de bâti, et toujours pour des questions de personnels. La loi Rilhac a inscrit dans le marbre les compétences des directions d’école en matière de sécurité, mais n’a donné aucun moyen matériel ou humain pour le faire. Les écoles n’ont jamais ou presque d’accueil, pas d’agents territoriaux, rien. Les seuls adultes présents (PE, AESH, ATSEM) sont en classe.
Le SNALC en appelle donc à la réalisation d’un travail de fond, où les communes et l’État se mettent d’accord au nom d’un intérêt supérieur ; où l’Éducation nationale, l’Intérieur et la Justice travaillent en cohérence pour faire circuler l’information et pour travailler à la prévention des actes pour ne pas avoir à revivre la gestion de leurs atroces conséquences. Au primaire, cela concernera moins les élèves, mais davantage l’entourage adulte de l’enfant.
Le SNALC le dit clairement : l’Éducation nationale est l’un des piliers de la République. Nous assurons, dans des conditions de plus en plus dégradées, la très haute mission de transmettre le savoir, de lutter contre l’obscurantisme, de développer l’esprit critique de nos futurs citoyens. Mais nous n’avons pas de baguette magique ; nous ne sommes pas capables de lutter contre l’endoctrinement à haute dose, contre le poids idéologique qui peut s’exercer sur certains de nos élèves ou même sur les familles. Qu’on permette aux personnels de l’Éducation nationale d’accomplir les missions dévolues à l’École, qu’on les en félicite, qu’on les en remercie, qu’on reconnaisse leur investissement et leur immense utilité sociale… et qu’on mette tout en œuvre pour les protéger. Et surtout, surtout, que l’on arrête de considérer les professeurs des écoles comme des sous-professeurs, en ne leur octroyant pas le droit, par exemple, de manifester leur peine ou leur colère en même temps que les autres personnels de l’Éducation nationale, un triste lundi matin d’octobre.