En 1985, je passais mon bac et parallèlement, je préparais mon concours d’entrée à l’UFR-STAPS. J’avais 18 ans et j’étais déterminé à devenir professeur d’EPS.
Selon les calculs et les conseils de mon père, lui-même enseignant, mon plan d’avenir tenait la route. Si je ne perdais pas d’années durant mon parcours je pouvais espérer obtenir mon CAPEPS à 22 ans et ma titularisation à 23 ans après mon année terminale de stage. Selon les conditions d’obtention de la retraite alors en vigueur (37 annuités 1/2 de cotisation et un départ à 60 ans) j’entrais parfaitement dans ces critères et pouvais compter sur une retraite dès mes 60 ans et à taux plein.
En écoutant mon père, je savais qu’aller jusqu’à 60 ans dans l’enseignement, et a fortiori dans ma matière, ne serait pas chose facile. Mais ces perspectives me semblaient tenables. Elles ont conditionné mon engagement et à 23 ans je prenais mon premier poste.
Quand, en 2008, avec la réforme Woerth, l’âge minimal de départ a été repoussé à 62 ans, puis, lorsqu’en 2014, avec la loi Touraine, la durée de cotisation a été portée à 42 annuités 1/2 pour ma génération (43 pour celles nées après 1973) j’ai connu ma première grande désillusion.
Aujourd’hui, avec le projet Macron, je vis la seconde. Les 43 annuités dorénavant me concernent mais surtout l’âge minimal de départ est encore repoussé de 2 ans. Je devrai donc « tenir » minimalement jusqu’à 64 ans pour percevoir une pension et jusqu’à 66 ans pour une retraite à taux plein.
Ces 6 années supplémentaires sont blessantes. Je ressens une trahison dans mes choix de jeunesse et mon projet de retraite. Je suis aussi très inquiet.
Après 60 ans, devant des collégiens, diminué par le temps, par une usure croissante et des conditions de travail qui ne cessent de se dégrader, les années comptent double voire triple. Dans quel état physique et psychique vais-je finir ma carrière ? Quelle santé me restera-t-il à 66 ans pour ma fin de vie après 43 années de fonction au service du public et de la nation ?
Si c’était à refaire, j’y réfléchirais à deux fois et mon père ne m’en blâmerait pas.
Article paru dans la revue du SNALC, la Quinzaine universitaire n°1476 du 14 avril 2023