Jean-Rémi Girard répond à toutes les questions sur la rentrée sanitaire et l’hommage à Samuel Paty sur CNEWS Direct.
À retrouver sur le site de CNEWS. Interview diffusée le 01 novembre 2020 dans #LeCarrefourDeLinfo Thierry Fréret reçoit des invités pour décrypter l’actualité tous les samedis et dimanches
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CNEWS : Bonjour Jean-Rémi Girard, vous êtes le président du Snalc. Professeur de français en première en Île de France. Comment se prépare cette rentrée dans votre établissement et dans votre classe. Que va-t-il se passer ? Qu’allez-vous dire à vos élèves demain ? Pour l’instant, nous ne savons rien se ce que nous allons dire car on ne sait pas exactement comment nous allons préparer cette journée. Nous avons de la chance d’avoir un chef d’établissement qui a pris ses responsabilités et qui a décidé que la rentrée des élèves aurait quand même lieu à 10 heures et non pas à 8 heures. Nous sommes en centre ville, les lycéens ne prennent pas les transports, il n’y aura pas d’attroupements devant le lycée entre 8 et 10 heures. Si jamais des élèves arrivent avant, nous les ferons rentrer. Nous allons donc organiser cela demain matin. Je pourrai répondre à votre question probablement demain matin à 10 heures. Je ne le peux pas actuellement. CNEWS : Restons sur l’hommage à Samuel Paty qui sera rendu dans tous les établissements scolaires. Une minute de silence et une lecture de Jean Jaurès aux instituteurs et aux institutrices, est-ce en cours de français que l’on doit la faire ou dans tous les cours ? La minute de silence sera observée par tous les professeurs. Si on peut rassembler les élèves, une seule personne peut le faire, mais avec le protocole sanitaire et la situation sécuritaire, cette possibilité est impossible. C’est donc probable que cette minute se fasse dans chaque salle de classe dans la majeure partie des collèges, des lycées et même des écoles primaires. CNEWS : Ce matin dans Le Parisien, Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’éducation nationale, souhaite que cette minute de silence soit respectée, elle le sera forcément ? Elle le sera quasiment partout. Nous avions eu quelques soucis, on s’en souvient, lors de la minute de silence suite aux attentats de Charly Hebdo. Nous espérons qu’il y en en aura moins cette fois-ci. C’est un professeur qui a été décapité. Je pense que pour les élèves, il y a aussi cette idée que cela aurait pu arriver à un professeur qui se trouve devant eux. Nous espérons que cela sera nettement mieux respecté. CNEWS : Au départ il était question, me semble-t-il, que cette minute de silence soit observée dans les cours de récréations mais elle aura lieu dans les classes elles-mêmes ce qui amplifiera l’émotion. Je ne sais pas si cela amplifiera l’émotion ou non, je pense que nous serons tous extrêmement stressés, à la fois par l’organisation de cet hommage car cela nous tient à coeur à nous les personnels de l’Éducation nationale mais aussi du point de vue de la rentrée sanitaire qui se fait dans l’impréparation absolue, dans le désordre total. Le protocole ne nous protégera pas plus que le précédent. […] CNEWS : Jean-Rémi Girard, deux questions en une si vous le permettez. Que pensez-vous du port du masque dès 6 ans ? Dans votre classe de première, comment vos élèves se sont-ils adaptés au port du masque pendant toute le durée des cours ? Le Snalc n’a pas d’avis sur le port du masque, si cela est nécessaire sur le plan sanitaire, on s’y plie. Ce sera compliqué pour les professeurs des écoles, nous le savons très bien, notamment dans les plus petites classes mais le but du jeu est que les hôpitaux n’explosent pas et tant mieux. Cela révèle bien que tout ce qu’on a entendu sur les enfants, ils ne contaminent pas, ils sont sans danger a priori, n’est pas complètement vrai puisque désormais ils doivent porter un masque dès l’âge de 6 ans. CNEWS : Concrètement, est-ce que vos élèves, avec le masque, ont gagné ou perdu de la concentration pendant les cours de français ? Je crois que cela n’a pas changé grand chose sur le plan de la concentration. Ce que nous avons constaté chez la plupart des collègues est que les élèves respectent bien le port du masque dans la salle de classe, dans la majeure partie des cas. C’est beaucoup moins vrai des qu’ils sont hors de la salle de classe, c’est à dire quand ils sont dans les couloirs. CNEWS : Ils le retirent ? Ils le baissent souvent ou ils le portent mal. Cela arrive très régulièrement, tous les collègues le constatent. Les CPE et les assistants d’éducation font la chasse aux masques dans les couloirs à toutes les récréations et sur la pause méridienne. CNEWS : Et les autres gestes barrières dans votre lycée, le lavage des mains régulier, les distanciations, sont-ils respectés ? Pour le lavage des mains, nous avons pu faire installer des distributeurs de gel hydroalcoolique dans toutes les salles, c’est important car ce n’est pas le cas partout. Nous n’avons pas assez de sanitaires pour plus de 1000 élèves, s’ils doivent tous aller se laver les mains à la récréation, c’est fichu de toute façon. Concernant les distanciations, soyons clairs, il n’y en a pas aujourd’hui ! Nous allons nous retrouver demain dans des établissements, pour certains de 2500 lycéens. Ce ne sont pas des enfants de 6 ans, il contaminent comme des adultes et 150 professeurs s’ajoutent toute la semaine dans le lycée. Je vois votre reportage sur les fleuristes, je n’ai pas d’avis à porter la dessus, je veux juste signaler que l’on continue d’avoir des milliers de lycéens et d’adultes qui sont ensemble dans le même lieu, toute la semaine sans distance et même sans masque à la cantine. Quant aux récréations décalées, cela peut être possible à l’école primaire, mais c’est impossible à partir du collège et dans le lycée. C’est invraisemblable ! CNEWS : Il en est de votre responsabilité si vous voyez autant d’élèves sans masque, il ya quand même une autorité au-dessus d’eux qui doit leur dire “portez le masque” sauf évidemment à la cantine. Dans les couloirs, nous le faisons, ils le remontent, on est bien d’accord mais par exemple à la pause dans les lycées, les éléments sortent du lycée pour fumer, ils ne fument pas avec le masque. Nous avons tous ces soucis là et le nouveau protocole ne va rien changer. Dans le nouveau protocole que vous présentez, il y a le masque pour les plus jeunes mais dans un grand lycée, le non brassage n’existera pas comme les récréations alternées, il n’y a globalement rien qui va changer, à part 2 ou 3 trucs en éducation physique et sportive, ce sera à peu près tout ce qui changera.PARTIE III […] CNEWS : Jean-Rémi Girard, pour l’organisation de cette rentrée scolaire demain, sur cet hommage qui sera rendu à Samuel Paty dans tous les établissements scolaires du pays, c’est difficile à organiser ? C’est très difficile à organiser parce qu’il y a eu énormément d’ordres et de contre ordres à cause de la situation sanitaire. Les élèves devaient être accueillis à partir de 10 heures, afin que les personnels puissent avoir eux-mêmes un moment de recueillement mais aussi un moment de travail pédagogique pour savoir comment nous allions accueillir les élèves. Finalement le ministre a annoncé un accueil à l’horaire habituel. Toutes les organisations mises en place dans les écoles, collèges et lycées ont capoté ! Nous avons parfois réussi localement, avec la garantie que les élèves ne restent pas devant l’établissement du fait du plan vigipirate, a avoir ces moments de réunions entre personnels. Nous allons essayer demain de nous débrouiller, il y aura la minute de silence. Le temps pédagogique sera peut-être demain ou plus tard, nous allons essayer de l’organiser de façon à rendre hommage à notre collègues. On le lui doit. CNEWS : C’est à 11 heures qu’aura lieu cette minute de silence dans les classes avec la lecture de la lettre aux instituteurs et aux institutrices de Jean-Jaurès, mais avant la minute de silence, allez-vous enseigner d’autres cours que ceux habituels de français comme le respect des valeurs républicaines par exemple. Nous allons voir demain matin comment nous allons nous organiser, je n’ai pas cours de 10 à 11 heures, je vais proposer mon aide si un professeur souhaite un deuxième professeur dans la salle pour avoir un peu de soutien. En tant que professeur de lettres, j’ai certaines compétences qui peuvent aider, je suis évidemment volontaire. Je vous avoue qu’on ne sait pas comment s’y prendre, le ministère nous a envoyé les documents qu’il propose mais qui ne sont pas obligatoires. Nous les avons reçus hier, vous comprenez que l’organisation du lundi matin est difficile surtout pour intégrer des textes, vidéos et même une caricature qui n’est pas de Charly Hebdo. C’est trop court, nous avons besoin d’un peu plus de temps pour faire quelque chose qui tienne vraiment la route, quitte à ce que ce soit les professeurs les plus spécialisés qui passent dans chaque classe pendant la semaine plutôt que forcer un professeur de physique-chimie à aller parler de liberté d’expression, ce qui est très loin de son quotidien. […] CNEWS : Jean-Rémi Girard, dans le lycée public d’Asnières où vous enseignez le français, est-ce que les règles sanitaires vont être renforcées, être plus strictes à partir de demain ? Non, pendant au moins la première semaine sauf si nous arrivons collectivement à mettre en place un système de demi-classes pour que les élèves aient cours un jour sur deux afin de permettre la distanciation physique et de limiter le brassage. Mais si l’on reste avec tous les effectifs, comme le ministre Jean-Michel Blanquer le demande et même l’impose même avec de petites marges de manoeuvre, nous ne pourrons rien mettre en oeuvre des règles, qui ont été montrées dans votre reportage. Nous ne pourrons pas empêcher le brassage, nous ne nettoierons pas davantage les locaux ; rien ne changera pour la cantine : il n’est pas possible de faire manger les élèves à 10h30 ou à 15h30. Aucun changement donc n’est possible cette première semaine. CNEWS : Comment va s’organiser concrètement ce partage en demi-classe ? Nous devrions le savoir depuis le mois de juillet où le ministère de l’Éducation nationale, en concertation avec le SNALC et d’autres organisations syndicales mais aussi les principales fédérations de parents d’élèves, a mis en place un plan de continuité pédagogique. Dans le cas d’une circulation active du virus, les effectifs sont alors réduits dans les classes, c’est écrit noir sur blanc par le ministère de l’Éducation nationale. Il y a en ce moment une circulation active du virus, personne ne pourra me contre-dire, et pourtant on ne met pas en place ce qui était prévu. Le ministère avait 4 mois pour s’y préparer, pour consulter les collectivités locales, pour voir comment accueillir les élèves qui ne peuvent être accueillis à l’école mais aussi comment les équiper en matériel informatique pour qu’ils puissent travailler. Rien n’a été fait. Nous avons fait un rentrée de septembre normale, comme si tout allait bien se passer mais aujourd’hui, ce sont les personnels de l’Éducation nationale qui sont dans la mouise. Nous allons nous retrouver avec 2500 lycéens présents toute la semaine dans certains lycées et plus de 100 adultes présents aussi toute la semaine. Nous allons croiser les doigts en disant : « le virus ne circulera pas, il n’a pas son cahier de liaison, il ne va pas rentrer dans le lycée ». CNEWS : Cela signifie que vous serez donc dans l’incapacité de faire ce que vous demande le ministère de l’Éducation nationale ? Mais il ne nous demande rien en fait ! CNEWS : Il vous a demandé de mieux vous organiser si le virus continuait à circuler, c’est ce qu’il se passe ! Oui, il nous dit que cela doit être dans la mesure du possible, au maximum, si c’est possible vous faites ça et si ce n’est pas possible vous ne le faites pas. Ce protocole est une tranche d’Emmental, c’est bourré de trous et nous allons y tomber ! |