Jean-Rémi Girard, président du SNALC dénonce la réforme du baccalauréat présenté lundi par Jean-Michel Blanquer aux organisations syndicales.
À retrouver sur le site de France Info. Interview du 29 juin 2021
Citation:
|
“Une très, très mauvaise idée” qui va “tuer définitivement le bac”. Voilà les mots employés par Jean-Rémi Girard ce mardi matin sur franceinfo. Sans toucher à la répartition entre épreuves terminales (60%) et contrôle continu (40%), l’ajustement porté par le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, devrait avoir comme conséquence la disparition des évaluations communes, mises en place en 2018. “On va finir par créer des bacs locaux” sans “horizon unique pour tout le monde”, déplore-t-il. De plus, chargés des notations, les enseignants vont subir des “pressions” des élèves, des familles et de la hiérarchie, selon lui.
franceinfo : C’est une bonne ou mauvaise idée cette réforme du baccalauréat ? Non, c’est une très, très mauvaise idée. Si on veut tuer définitivement le bac qui ne se portait pas forcément très bien, là, c’est vraiment un coup très, très violent. Le bac, c’est un examen national. Le concept d’un examen national, c’est d’essayer de mettre tous les élèves sur la même ligne pour voir ce qui se passe, pour voir ce qu’ils connaissent, pour voir ce qu’ils maîtrisent, quels que soient leur origine sociale ou leur lieu d’étude géographique, etc. Plus on renforce le bulletin, moins on fait ça, c’est-à-dire que de plus en plus, on fait porter la responsabilité de l’évaluation du bac sur les enseignants dans leurs classes. Mais les enseignants dans leurs classes ne sont pas anonymes. Un correcteur de bac, c’est anonyme. Moi, dans ma classe, quand j’enseigne à mes élèves, ils savent que c’est moi qui leur mets la note au contrôle. Qu’est-ce que cela change ? Cela change qu’on subit des pressions d’élèves, des pressions de familles et aussi des pressions de notre hiérarchie. Je vais vous donner un exemple très simple. Si, dans la même discipline, il y a un collègue qui a 13 de moyenne et un collègue qui a 8 de moyenne, je peux vous assurer que ce n’est pas le collègue qui a 13 de moyenne à qui on va chercher des poux dans la tête. C’est celui qui, éventuellement, note un peu plus sévèrement ou qui a juste une classe plus en difficulté, à qui on va dire : “vous vous rendez compte ? Vous évaluez pour le bac. Les élèves ne vont pas avoir le bac à cause de vous, donc vous allez être gentil, vous allez me remonter ces notes”. franceinfo : Comment ces pressions s’expriment ? En réunion parents-professeurs, par des messages sur les environnements numériques de travail. On a connu cette année des élèves qui, une fois qu’ils avaient une bonne note, bizarrement, étaient absents des évaluations suivantes pour ne pas refaire baisser leur moyenne. Ce genre de choses va se renforcer. On va voir débarquer les inspecteurs l’an prochain dans nos lycées pour nous expliquer comment évaluer, comment il faut évaluer en équipe, comment fonctionne l’évaluation. Bref, cela va être de plus en plus de pression mise sur les enseignants de lycée. On connait cela. Les enseignants du lycée professionnel vivent cela depuis des années et des années, avec leurs contrôles en cours de formation. On est en train de généraliser cela au lycée général et technologique. franceinfo : Quelles autres conséquences aura cette réforme sur le baccalauréat ? Cela va être une sorte de tentative de standardisation nationale, de l’évaluation de tous les profs, de tous les lycées. Et cela ne va pas marcher parce que ce n’est pas possible. Ce n’est pas possible de standardiser l’évaluation dans tous les lycées de France. Si moi qui suis dans un lycée de banlieue, je me mets à noter exactement comme on note au lycée Henri IV, à un moment, je vais avoir du mal à enseigner à mes élèves parce que s’ils ont tous 6 de moyenne toute l’année, sauf à trois ou quatre exceptions près, vous comprenez bien que la pédagogie va avoir du mal. La notation en classe doit prendre en compte aussi le fait qu’on n’a pas tous le même public, qu’on essaye de faire en sorte de les motiver, etc. Et on va finir par créer des bacs locaux, c’est-à-dire que l’on n’aura plus cet horizon unique pour tout le monde. On n’aura plus du tout la même qualité d’enseignement sur l’ensemble du territoire. |