Le décret n° 2022-1695 du 27 décembre 2022 ouvre la possibilité aux agents de la fonction publique d’exercer « l’activité accessoire lucrative (1) de conduite d’un véhicule de transport de personnes affecté aux services de transport scolaire ». Les fonctionnaires, et en particulier les enseignants qui ne cessent de réclamer une revalorisation de leur pouvoir d’achat via le dégel du point d’indice, l’alignement de leur salaire sur celui des autres fonctionnaires de catégorie A ainsi qu’un rattrapage salarial inconditionnel, devraient accueillir avec gratitude une mesure si concrète qui, contrairement aux promesses vagues et lointaines dont certains ministres de l’Éducation nationale étaient coutumiers, entre en vigueur de manière immédiate.
Depuis la rentrée de janvier 2023, les enseignants peuvent donc se rendre sur leur lieu de travail au volant de bus scolaires, ce qui entraînera des économies significatives, tant en frais de carburant qu’en heures de sommeil. Ils seront rémunérés pour cette activité et pourraient même, pour les plus zélés d’entre eux, profiter des trajets pour mettre en place des activités pédagogiques innovantes avec les élèves, activités qui pourraient faire l’objet d’une rémunération supplémentaire en HSE. Quel surcroît d’épanouissement, de considération et de confort matériel en perspective ! Sans parler du départ anticipé à la retraite que permettra une activité complémentaire…
Cette initiative a l’avantage de suppléer à la crise du recrute ment des chauffeurs de bus, un métier moins attractif que celui d’enseignant du fait de bas salaires et de conditions de travail difficiles, notamment la double vacation quotidienne (matin et soir), dont les horaires coïncident justement avec les temps scolaires.
Mais il est à craindre que cet avantage ne soit décrié comme un nouveau « privilège » octroyé aux enseignants, qui seront favorisés à plusieurs titres pour se positionner sur ces emplois, d’autant plus qu’au moins 80% d’entre eux sont titulaires du Permis D, selon les chiffres du ministère (2). Un congé sans solde pourrait même leur être accordé pour passer la formation FIMO Voyageurs.
Plus sérieusement, le SNALC dénonce cette concurrence déloyale faite au Gorafi, et demande au gouvernement de bien vouloir épargner les fonctionnaires pendant la période des fêtes, la publication de telles « informations » n’ayant sa place qu’au 1er avril.
(1) Ce mot étant peu usité dans l’enseignement, nous nous permettons d’en donner une définition : LUCRATIF, -IVE, adj. : Qui procure un bien, des profits (pécuniaires ou matériels), des bénéfices ; qui procure des avantages financiers.
(2) Chiffres avancés par Pap Ndiaye à l’Assemblée Nationale, avec une marge d’erreur du même ordre que celle du pourcentage de bacheliers qu’il a annoncé chez les AESH (20% au lieu de 80%).
Article paru dans la revue du SNALC Quinzaine universitaire n°1473 du 27 janvier 2023