Un décret de 1994 donne naissance aux professeurs associés. Tombés dans les oubliettes, suite à un impact très marginal du texte fondateur, ils renaissent en 2007 avec un nouveau décret. Malgré une refonte de leurs conditions d’emploi et de rémunération, leur nombre reste extrêmement faible. La réforme actuelle de la voie professionnelle va les remettre au goût du jour*. Serait-ce alors la fin de leur état embryonnaire ?
Qu’est-ce qu’un professeur associé ?
Les professeurs associés assurent des activités d’enseignement en formation initiale (et ce depuis l’article 50 de la loi 2005-380 du 23 avril 2005, le champ disciplinaire d’intervention des professeurs associés n’est plus limité aux seules disciplines d’enseignement technologique et professionnel).
Ainsi, depuis le 24 avril 2005, le premier alinéa de l’article L932-2 du code de l’éducation dispose : « Dans les établissements publics locaux d’enseignement, il peut être fait appel à des professeurs associés. »
Les personnes recrutées comme professeurs associés doivent justifier d’une expérience professionnelle en rapport avec la discipline enseignée d’une durée de cinq ans au moins.
Les professeurs associés sont recrutés par le recteur d’académie, sur proposition des chefs d’établissement concernés, par contrat d’une durée maximale de trois ans renouvelable dans la limite de six ans.
Si ces professeurs associés exercent une autre activité professionnelle, ils sont recrutés pour un service à temps incomplet correspondant au maximum à 50 % de la durée d’un service à temps plein, fixé à 648 heures (soit l’équivalent du service annuel d’un professeur certifié). Par contre, le temps plein est priorisé pour les demandeurs d’emploi.
Conformément à l’arrêté du 8 mars 2007, l’indice majoré servant à la détermination de leur rémunération est compris entre 376 et 963.
Enfin, les dispositions règlementaires des titres Ier à VIII et X à XII du décret 86-83 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l’Etat s’appliquent aux professeurs associés.
Quels avantages ?
Professionnels aguerris exerçant encore ou ayant exercés pour les demandeurs d’emploi, ils apporteraient leur concours et leur potentiel, dont les dernières innovations en vogue dans les entreprises, notamment aux élèves des lycées professionnels, y compris en tutorisant ces derniers lors des périodes de formation en milieu professionnel.
Ceci dit, de très nombreux PLP des disciplines professionnelles ont eu une première carrière en entreprise. Mais, en dehors de l’autoformation, la mise à jour de leurs compétences a un coût et l’Education nationale trouverait avec ces professeurs associées un moyen de s’en affranchir…
Par ailleurs, l’Education nationale offrirait aux demandeurs d’emploi de plus de 3 mois, et à la recherche d’une reconversion, un emploi à temps complet, conformément à l’article 4 du décret 2007-322 du 8 mars 2007 : « Les demandeurs d’emploi mentionnés au deuxième alinéa de l’article L. 932-2 du code de l’éducation ont, à compétence et à profil comparables, priorité pour exercer les fonctions de professeur associé à temps plein. ». Avec la dernière réforme des retraites, l’institution s’avèrerait donc être une issue aux difficultés de maintien dans l’emploi des séniors dans les entreprises.
Ils pourraient également être une solution pour remédier à la pénurie d’enseignants dans certaines spécialités et disciplines qu’elles relèvent de l’enseignement professionnel, technologique ou général.
Mais devenir professeur s’apprend. Alors sans formation préalable au métier, n’est-ce pas qu’un traquenard pour la plupart des personnes qui seront recrutées comme professeurs associés, générant in fine énormément de désillusion et de frustration ?
Salarié ou ex-salarié du privé, ils pourraient inculquer l’esprit d’entreprise aux professeurs titulaires ou autres contractuels, détruisant un peu plus la notion de service public d’éducation.
Le recrutement des professeurs associés sur proposition des chefs d’établissement accroît le pouvoir et l’autonomie de ces derniers qui deviennent des sélectionneurs de personnels de l’Education nationale. Mais sur quels compétences et critères exercent-ils ce rôle de RH ?
Quels risques ?
Concernant les professeurs associés, en l’absence de grille de rémunération prenant en compte les diplômes ou l’expérience professionnelle, la fixation de l’indice résulte de la négociation individuelle entre employeur et agent. Il en sera de même pour l’avancement. Mais cela va dans le sens de la fin du dialogue social et des négociations collectives…
Les indices minimum et maximum (respectivement 376 et 963) sont supérieurs à ceux des contractuels enseignants, CPE et psy-EN de première catégorie (respectivement 367 et 821). L’indice majoré terminal des professeurs associés est même supérieur au dernier indice des professeurs certifiés et PLP hors-classe et supérieur au dernier indice des professeurs agrégés de classe normale.
Endiguer la crise d’attractivité du métier de professeur et le problème de l’allongement de l’âge de départ à la retraite des salariés du privé par recours aux professeurs associés se paie donc cher, très cher… Tout comme la revalorisation à plusieurs vitesses, comment justifier cette générosité et ces inégalités de rémunération auprès des collègues ?
Pour conclure, les professeurs associés participent à la rupture du collectif des professeurs titulaires et autres contractuels en renforçant l’individualisme pour servir une politique éducative et assoir l’autorité ou l’obstination d’un pouvoir à appliquer les méthodes managériales du privé à l’Education nationale. Mais pour quel résultat ? Notre école va de plus en plus mal et la souffrance des personnels atteint son paroxysme. La solution n’est certainement pas dans le développement de ces professeurs associés, c’est-à-dire dans le « diviser pour mieux régner » !
* « “Promouvoir” le recrutement de professeurs associés
Autre piste étudiée par le ministère, mais encore à un “stade embryonnaire” : le recrutement sous statut de professeurs associés. Ce dispositif, promu par Emmanuel Macron dans le cadre de la réforme de la voie professionnelle, est encore “peu utilisé, sauf dans l’académie de Nancy Metz”, remarque la rue de Grenelle, qui souhaite le promouvoir.
Pour cela, il faut encore “identifier les disciplines professionnelles en tension et faire des liens de parenté avec certains métiers”. Si cela se fera “à titre principal pour la voie professionnelle”, le ministère ne s’interdit pas d’y avoir recours pour des disciplines de la voie générale. Mais “cela nécessite une formation adaptée, il ne suffit pas d’être un bon professionnel pour enseigner”. »
Source : AEF – 6 juillet 2023