Tout citoyen a une expérience de l’école. Chacun a donc son opinion sur ce qu’est ou doit être un « professeur ».
Ce mot n’est qu’un signifiant. Il a bien sûr une définition. D’ailleurs, certains préfèrent parler d’ « enseignant» plutôt que d’employer le terme « professeur », comme s’il s’agissait d’un gros mot ou d’un archaïsme. Pourtant, quel que soit le lexème employé, l’important n’est pas vraiment le signifiant, mais plutôt le signifié, c’est-à-dire l’image mentale qui se fait jour lorsque l’esprit pense le concept.
Force est de constater que ce signifié a connu une évolution constante et que dans l’esprit d’un grand nombre de nos concitoyens, le signifiant renvoie à une image qui a de quoi déranger le SNALC.
En effet, pour beaucoup de parents, voire pour quelques syndicats, le professeur est devenu une sorte de gentil organisateur – pardon, un animateur bienveillant – qui, lorsqu’il évalue, ne doit pas avoir des prérequis ou des exigences en tête. Il est au contraire censé penser au vécu de son élève – pardon de son apprenant – avec son parcours particulier, ses aspirations, ses douleurs et ses peurs. Surtout, le professeur doit comprendre qu’il est au service du public, de ceux qui entendent consommer le « service public ».
Pour les décideurs, politiques, ministres et hauts fonctionnaires ou cabinets de conseil, le professeur est ou doit devenir un exécutant. Il a des missions à accomplir qui doivent s’alourdir toujours plus, pour mieux servir l’État et son public. Surtout, il coûte cher. Il ne devrait donc pas prétendre prendre trop de vacances. Le contribuable doit en avoir pour son argent !
Le SNALC ne saurait accepter ni le consumérisme des uns, ni la volonté d’asservissement ou la servitude volontaire des autres. En effet, pour le SNALC, le signifiant « professeur » renvoie à un signifié très clair. Notre métier est une profession intellectuelle, exercée par des spécialistes disciplinaires, des professionnels de la pédagogie sachant gérer leur temps, les contenus et leurs élèves. L’oublier met en danger les apprenants et pourrait un jour amener dans la rue une foule de référents extralinguistiques bien tangibles et très en colère.
Article paru dans la revue du SNALC Quinzaine universitaire n°1464 du 15 avril 2022