Pour rappel, cette prime, instituée par l’article 23 (créant un article 7ter à la loi 84-16 du 11 janvier 1984) de la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019 est accordée aux contractuels dont les contrats, le cas échéant renouvelés, sont d’une durée inférieure ou égale à un an.
Conformément au décret 2020-1296 du 23 octobre 2020, cette prime de précarité s’applique aux contrats conclus à partir du 1er janvier 2021.
Lors de l’examen de la loi du 6 août 2019, le coût annuel de cette mesure était estimé à au moins 500 millions d’euros pour l’ensemble de la fonction publique. Or, selon les données fournies par l’administration pour la période allant de janvier à septembre 2021, et toutes fonctions publiques confondues, le coût réel a été de 6,98 millions d’euros. Comment expliquer un tel écart ?
Outre une estimation exagérée du besoin, trois hypothèses peuvent expliquer ce différentiel.
Si on est de nature confiante, on peut imaginer que l’administration, soucieuse du bien-être de ses agents contractuels et dans une volonté de faire reculer la précarité, a changé de comportement en octroyant des contrats d’une durée supérieure à un an pour limiter la précarité dans la fonction publique.
Si on est un plus réservé quant à la bienveillance des employeurs pour leurs agents, on peut également imaginer que cette différence de coût s’expliquerait par un « contournement de l’esprit de la loi », pratique fort bien maîtrisée par l’administration en de nombreux domaines.
Il suffirait par exemple, pour les contractuels enseignants, de leur assurer le renouvellement de leur contrat, sans un seul jour d’interruption entre 2 CDD successifs, afin d’atteindre, renouvellement(s) compris, une durée supérieure à un an. La lettre de la loi serait respectée, mais son esprit et sa finalité totalement contournés.
Enfin, hypothèse la plus sordide, la mesure n’entrant en application qu’au 1er janvier 2021, des contractuels ont pu ne pas être renouvelés au-delà de cette date par l’administration, afin que cette dernière n’ait jamais à leur verser la prime de précarité.
Si cette éventualité réduit le vivier de contractuels, et donc remet en cause la continuité du service public d’éducation, elle s’avère particulièrement intéressante en termes d’économies budgétaires.
Quoi qu’il en soit, et sans vouloir faire de procès d’intention à l’administration, trop de contractuels, à l’heure présente, ne perçoivent pas cette prime. Pour résoudre ce problème, une solution simple existe. Aligner la prime de précarité dans la fonction publique sur celle du secteur privé, c’est à dire octroyer la prime de précarité à l’issue de chaque CDD, y compris les CDD renouvelés, si celui-ci ne se poursuit pas par un CDI.
Philippe Frey, vice-président national, contractuels@snalc.fr