Dans la fonction publique comme dans toute entreprise privée, c’est à l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé physique et mentale des travailleurs (1). En cas de maladie ou de handicap qui ne permettrait pas à un agent d’exercer ses fonctions dans les conditions habituelles, le médecin du travail peut émettre des préconisations médicales visant à adapter son emploi par des moyens matériels, humains ou organisationnels particuliers. L’employeur a-t-il pour obligation de les suivre à la lettre ?
L’article 26 du décret n°82-453 du 28 mai 1982 prévoit que « le médecin du travail est seul habilité à proposer des aménagements de poste de travail ou de conditions d’exercice des fonctions justifiés par l’âge, la résistance physique ou l’état de santé des agents ». Le Code de l’éducation (articles R911-12 à 30) précise quant à lui les possibilités d’aménagement de postes spécifiques aux enseignants.
Lorsque le médecin du travail fait une proposition d’aménagement, il la transmet à l’agent et au chef de service. Cependant, « lorsque ces propositions ne sont pas agréées par l’administration, celle-ci doit motiver par écrit son refus et la formation spécialisée en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail ou, à défaut, le comité social d’administration doit en être tenu informé » (art. 26 D 82-453). Ces dispositions réglementaires sont la transposition de l’article L 4624-6 du Code du travail selon lequel « l’employeur est tenu de prendre en considération les propositions du médecin du travail et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s’opposent à leur mise en application ». Le chef de service n’est donc pas sommé d’appliquer les préconisations mais il doit signaler et justifier son refus sous peine d’illégalité.
Pour quels motifs ces refus peuvent-ils s’exercer ? Il n’existe pas de critères précis déterminés par des textes. En revanche, la jurisprudence née de nombreux contentieux sur le sujet est très éclairante et vient combler ce manque réglementaire :
Par une première décision, le Conseil d’État a établi que l’administration était tenue en matière d’adaptation du poste de travail à une obligation de moyens et non de résultats (C.E n°350043, 2012). Il suffit au chef de service d’apporter la preuve que tout a été mis en oeuvre, mais que les conditions rencontrées ne permettaient pas de respecter les préconisations pour que sa responsabilité ne soit pas engagée.
Par une seconde décision, le Conseil d’État a retenu que les nécessités de service pouvaient faire obstacle aux préconisations médicales (C.E. n° 357904, 2015). Dans la fonction publique, la continuité et la mission de service public priment particulièrement. Là encore, l’administration doit s’efforcer, sous réserve des nécessités de service, d’adapter le poste de travail à l’état de santé de l’intéressé. Elle ne peut le refuser au seul motif qu’elle a la possibilité de le faire.
Les marges de manœuvre et les possibilités de refus de l’administration sont donc larges et nombreuses. Attention cependant : elle ne peut en abuser. En cas de recours contentieux, la jurisprudence montre avec constance que le juge est très attentif à la sincérité du refus de l’employeur, à l’effectivité des moyens déployés et à la véracité des nécessités de service invoquées.
Depuis le décret 2022-433, une médiation préalable est devenue obligatoire et doit être initiée avant toute saisine du TA, hors cas d’urgence pouvant relever d’un référé suspension. C’est une condition indispensable à la recevabilité du recours qui
ne peut donc s’effectuer que si une médiation a été engagée et a bien évidemment échoué.
Enfin, notamment si l’agent bénéficie d’une RQTH, un refus d’aménagement de poste peut constituer une discrimination si l’employeur ne démontre pas que l’aménagement entraîne pour lui des charges disproportionnées, même sans intention de discriminer. Dans ce cas, le défenseur des droits peut également être saisi, préalablement ou conjointement à la médiation et à une action en justice.
(1) Les règles applicables en matière d’hygiène et de sécurité dans la fonction publique sont celles définies par les livres I à V de la quatrième partie du code du travail l (Article L811-1 du CGFP).
Article paru dans le dossier du mois de la revue du SNALC Quinzaine universitaire n°1476 du 14 avril 2023.