S’il est un corps attaqué ces dernières années, c’est bien celui des agrégés. La haine du savoir et la démagogie ont gangréné les esprits y compris dans notre charmant ministère.
Le professeur agrégé n’est plus le phare qu’il était, loin s’en faut. Il n’est plus un modèle à suivre. Le professeur certifié n’est, au passage, pas mieux traité.
Chefs, inspecteurs, formateurs, huiles et ronds de cuir du ministère et des rectorats, nombreux sont ceux qui considèrent que l’agrégé est bien gênant : il coûte cher, fait moins d’heures, ose avoir un avis sur sa matière et y exceller. L’assurance que lui confère son savoir fait de lui un professeur moins à même de se soumettre aux délires pédagogistes que tente d’imposer parfois sa hiérarchie. Il est perçu comme arrogant et moins docile.
Ses collègues ne sont parfois pas en reste, le ministère leur ayant désigné l’agrégé comme cible de leur frustration, histoire de les détourner de problèmes plus embarrassants : salaires insuffisants, baisse du niveau, attitude des élèves et des parents, nombre d’élèves par classe… Le ministère refuse obstinément les nombreuses propositions concrètes du SNALC sur ce qui détruit l’École. Il arrive que l’on entende ainsi des collègues exiger que les agrégés fassent 18h, ou réclamer le même salaire. C’est oublier que le concours de l’agrégation, l’un des plus difficiles qui soit, est l’une des rares formes de promotion offertes aux professeurs. On obtient rarement l’agrégation dans une pochette surprise…
Tout est fait pour faire oublier que l’essence même de notre métier est de transmettre des savoirs aux générations futures, ce qui implique de maîtriser ces connaissances de façon solide avec un haut niveau de qualification, mot tabou s’il en est.
Le SNALC a toujours insisté auprès du ministère pour rappeler qu’il fallait un niveau d’expertise pour enseigner, quel que soit l’âge des élèves. Las, l’école est désormais traitée comme un centre aéré, et les professeurs, comme des animateurs privilégiant l’aspect ludique, ainsi qu’on l’enseigne en formation de l’aveu d’un chef d’établissement.
Dans de trop nombreux établissements sous contrat, les chefs rechignent à recruter “un 15h”, qui outre la quotité horaire, pourrait manquer de docilité. Un maître auxiliaire, soumis à un contrat précaire, fera toujours mieux l’affaire, d’autant plus avec une quotité de 23 h, voire contraint d’accepter parfois une heure gratuite. En outre, on le remerciera au moindre « écart » ou en cas « d’incompatibilité ». Le rectorat, qui apprécie les économies, y verra une souplesse dans l’emploi des plus précaires, validant cette énième entorse aux règles de mutation et y encourageant même l’encadrement.
Le SNALC est bien seul à oser dénoncer ce traitement infligé aux agrégés.
Quant aux maigres revalorisations obtenues par les débuts de carrière des autres corps de l’EN, les agrégés ont vu leur pouvoir d’achat baisser encore plus que les certifiés, PLP et PE des 7 premiers échelons. Dans d’autres organisations, la question du statut des agrégés dérange et ils sont volontiers considérés comme « des privilégiés », « pas à plaindre ». Le misérabilisme est toujours un bon outil pour niveler par le bas, et favorise parfois de curieuses alliances entre certains syndicats et notre pouvoir politique toujours avide d’économies et de coups de rabot, surtout sur le salaire des fonctionnaires !
Les conditions de titularisation des agrégés, à l’externe comme à l’interne, sont déplorables. Par exemple, quel est l’intérêt à faire subir une nouvelle année de stage aux collègues déjà titulaires d’un CAPES ? L’inepte grille des compétences professionnelles infligées aux collègues, ne rend absolument pas compte de la qualité de la transmission des connaissances.
Au SNALC, nous privilégions l’excellence, nous apprécions l’intelligence et le débat intellectuel honnête. Nous sommes là pour vous défendre mais aussi pour réfléchir et proposer.
Une école qui maltraite les détenteurs du savoir, maltraite le savoir. Une école qui maltraite ses professeurs quels qu’ils soient, maltraite ses élèves. C’est une école sans avenir.