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Jean-Rémi GIRARD

Edito de la revue Quinzaine universitaire n°1497 du 17 janvier 2025

Selon le premier ministre, dans le nouveau gouvernement, « l’éducation est à sa place, la première ». Dans les faits, il ne parlait que de l’ordre protocolaire, et non de la réalité de la politique éducative menée. Cette politique, impressionnante de constance malgré les changements de visages que nous constatons tous les trois mois environ, obtient des résultats tout aussi constants : ils sont, invariablement, nuls.

Le rattrapage salarial des enseignants, objectivement sous-payés par rapport au reste de la catégorie A dans la fonction publique d’État ? Nul. La prise en compte de l’école inclusive sur les conditions de travail et d’enseignement des collègues ? Nulle. Les résultats des réformes pédagogiques menées depuis le premier quinquennat d’Emmanuel Macron ? Très nuls.

Élisabeth Borne arrive dans un ministère en crise. Habituellement, le SNALC laisse le bénéfice du doute à la personne nommée à ce poste, car nous jugeons les actes et non les personnes. Mais des actes, notre nouvelle ministre en a déjà à son actif — ou plutôt à son passif — en tant qu’ancienne première ministre. Elle porte déjà une part de responsabilité dans la situation actuelle.

Avoir cautionné la nullité par le passé n’empêche pas d’en sortir. Nous attendons d’une ministre qu’elle défende ses personnels : d’autres y arrivent, mais rarement à l’Éducation nationale. Nous attendons qu’elle prenne conscience du champ de ruines qu’est aujourd’hui notre Institution, pourtant l’un des piliers de la République. Qu’elle voie le mépris avec lequel on traite les AESH, les AED. Qu’elle constate la quasi-disparition de la santé scolaire. Qu’elle admette que si telle ou telle réforme est rejetée par nos professions, ce n’est pas parce qu’elle aurait été « mal comprise », et qu’il conviendrait de faire davantage de « pédagogie ». Les spécialistes de la pédagogie, c’est nous, justement. Et nous pouvons, du haut de nos compétences professionnelles, signaler que ses prédécesseuses et prédécesseurs, ont été, dans ce domaine, légers. En revanche, sur les compétences « enfumage » et « poussière sous le tapis », le niveau monte. En se positionnant sur le serpent de mer des vacances d’été avant même d’avoir reçu les organisations syndicales représentatives, la nouvelle occupante de la rue de Grenelle est déjà au-dessus de la moyenne.

Le SNALC tiendra à sa disposition ses analyses, ses enquêtes — par exemple sur les groupes en 6e/5e ou sur le traitement des personnels en situation de handicap. Nous jouerons notre rôle d’expert, de porte-voix de nos collègues, d’empêcheur de communiquer et de mentir en rond. Nous attendons que la ministre et le gouvernement auquel elle appartient annoncent le retrait des 4 000 suppressions de postes d’enseignants — ce point semble acté ; c’est un début. Nous attendons l’annonce ferme de la fin du délire que constituent les 3 jours de carence : au vu de la crise actuelle, le nombre de jours de carence adapté à notre ministère, c’est zéro. Nous attendons qu’on maintienne la GIPA, y compris pour les catégories A, ainsi que l’indemnisation à 100 % des arrêts maladies. Nous attendons l’abandon du pacte et le reversement de son enveloppe dans une revalorisation salariale pour tous. Nous attendons que les collègues soient entendus sur les diverses mesures du « choc des savoirs », dont la beauté sur le papier n’a eu d’égale que la laideur des conditions concrètes de mise en œuvre.

L’École et ses personnels n’ont que faire aujourd’hui des bisbilles politiciennes, des postures et des symboles. L’École et ses personnels ont besoin de gens qui maîtrisent les dossiers, qui gagnent des arbitrages, qui voient à long terme et qui sont capables d’admettre leurs erreurs passées et d’œuvrer dans l’intérêt de notre pays. La façon dont nous avons été traités a affaibli la République. Il est encore temps de faire des choses moins nulles, et même, pourquoi pas, de bien faire.