« Quand le sage montre la lune, l’imbécile regarde le doigt. » Proverbe chinois
Au pays joyeux des charlatans heureux, le réel est décrypté en deux coups de cuillère à mots. Tout sujet y passe et y trépasse… Vous êtes fan de la nuance ? Du double sens et du bon sens ? On s’en balance ! Nul imprimatur pour indécence.
Comme le SNALC, vous alertez, preuves scientifiques à l’appui, sur les dangers du numérique ? « Technophobe ! » Vous jugez que la différenciation n’est pas la panacée ? « Passéiste ! » Comme le SNALC, vous pensez que la péda à gogo participe à l’effondrement du niveau scolaire ? « Décliniste ! » Comme lui, vous dénoncez une bienveillance envers les élèves rimant trop souvent avec laxisme ? « Complotiste ! » Vous prônez le sens de l’effort, vous affirmez qu’un professeur n’a rien à voir avec un « animateur de situations d’apprentissage » ? « Réac ! » Vous soutenez que la transmission des savoirs fonde nos missions ? « Extrémiste ! » Vous êtes intraitable sur l’application du principe de laïcité ? « Facho ! »
Applaudissons le sens de la répartie de ces doctes amalgamers. Bienvenue dans l’univers du prêt-à-penser et des monstres gentils – oui, c’est un pa-ra-dis ![1]
Un seul mot de travers provoque – au bas mot – un tollé rance et déclenche l’ire honnie d’un troupeau d’extrémaux ne mâchant pas ses mots : « Cccomment ooosez-vous ? Moouaa, Madaaame ! Je vous interrrdis de prononcer ce mmmot ! »
Une philosophie du jusqu’au « Bouh ! »-tisme où tous les maux sont permis : intimidations, diffamations, voire menaces font passer illico de la liberté d’expression à la liberté des pressions ! Gageons que vous aurez tôt fait de ravaler vos mots. Tant il est vrai qu’aujourd’hui, la pénitence précède les sens… Pour sûr, Sartre vole pas très haut ![2] Ciboire la coulpe jusqu’hallali vous déplaît, vous pourrez toujours sauver l’honneur par un mot d’esprit : « Excusez-moi de vous demander pardon ! »
Dans le Grand Nord de la parole en hibernation où toute pensée libre jette un froid cyberien, mieux vaut sortir à mots couverts au risque de se trouver nez à nez avec de redoutables Esquives-Mots. Aussi, pour finir cette diatribe sans maudire, et afin de ne surtout choquer personne, le SNALC tire son irrévérence sur la douce prosodie du mot de Cambronne.