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Modifications du programme de maternelle : des ambitions plurielles

Lettre premier degré


MODIFICATIONS DU PROGRAMME DE MATERNELLE :

DES AMBITIONS PLURIELLES


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LE PREMIER DEGRÉ 45 – juin 2021
Par Véronique Mouhot, SNALC Premier degré
premierdegre@snalc.fr

Après le Panel d’élèves 2021 et la publication de la note du CSP, les inquiétudes des enseignants relatives à l’école maternelle et à une éventuelle réécriture du programme étaient compréhensibles.
Le programme de 2015 étant globalement très apprécié sur le terrain, l’école maternelle ne connaîtra pas un tout nouveau programme 2021 mais des ajouts, des modifications et des précisions au programme existant.
La loi pour une école de la confiance, l’obligation d’instruction à 3 ans et l’accent mis sur les fondamentaux légitiment cette nouvelle mouture qui entrera en vigueur à la rentrée scolaire 2021.
Le SNALC, favorable à l’instruction obligatoire à 3 ans et pour qui les fondamentaux sont une priorité, ne peut que saluer cette conception d’une école maternelle ambitieuse pour tous. Mais les attendus de fin de cycle redéfinis par une ambition trop forte ne doivent pas porter atteinte à la spécificité et à la bienveillance propres à la maternelle.

Inscrire la priorité aux fondamentaux dans des apprentissages plus précoces

La formation continue des professeurs des écoles priorise les fondamentaux avec les plans français et mathématiques, le CAFIPEMF est également recentré sur le français et les maths. Dans la même logique, le programme de maternelle ne connait de réels ajouts et modifications qu’en langage et en mathématiques.
La priorité au langage oral est réaffirmée par la répétition de « Chaque activité est l’occasion d’expression orale, par anticipation, en situation, a posteriori, ou de façon décontextualisée. » pour les 5 domaines d’apprentissage.
Le principal ajout dans le domaine du langage concerne les paragraphes relatifs au vocabulaire et à la syntaxe qui trouvent ici une place de choix, ainsi que la conscience phonologique, à travailler dès la petite section.
« Connaître les correspondances entre les trois manières d’écrire les lettres : cursive, script, capitales d’imprimerie » « commencer à faire le lien avec le son qu’elles codent » restent des compétences difficiles pour quelques élèves qui ne sont pas prêts. Passer de la conscience phonologique à la conscience phonémique est une difficulté à cet âge.
De même, commencer plus précocement à « Reconnaître les lettres de l’alphabet, connaître leur nom » pour parvenir à « savoir que le nom d’une lettre peut être différent du son qu’elle transcrit » ne rendra pas forcément l’apprentissage plus aisé.

En ce qui concerne le domaine des mathématiques, la résolution de problèmes devient impérative dès la petite section. Il faudra dès lors proposer « de manière fréquente et régulière des situations de résolution de problèmes mettant en jeu des nombres ». Un paragraphe entier est ainsi consacré à la résolution de problèmes et les situations d‘apprentissage devront être travaillées « autant que nécessaire » pour que les élèves « puissent s’en emparer ».
En numération, il faudra commencer à écrire, comparer, positionner etc. les nombres jusqu’à 10, alors que l’ancien programme ne mentionnait le nombre 10 que pour la lecture des nombres écrits en chiffres.
Et tout comme pour l’enseignement de l’oral qui ne doit pas se limiter à des ateliers langagiers, « il convient de rendre explicites les usages du nombre tout au long de la journée, dans toutes les occasions ».

Mieux préparer à l’apprentissage de la lecture et de l’écriture ou aux évaluations CP…

Ce programme n’est pas une révolution en soi pour les enseignants expérimentés de la maternelle mais il représente un appui plus explicite pour les enseignants débutants en maternelle.
Des indicateurs par rapport à l’âge (« autour de 4 ans », « vers 5 ans », …), de ce dont les enfants sont capables selon leur âge, font leur apparition et peuvent s’avérer être une aide, des repères sur les aptitudes des enfants pour un professeur néophyte en maternelle.
Un renforcement des fondamentaux, des apprentissages plus précoces pour ceux qui sont prêts tôt ou pour ceux qui ont besoin d’un temps d’apprentissage plus long ou besoin du cycle, des clarifications, de l’ambition, …
Même si les grandes lignes de ce programme correspondent aux attentes du SNALC, nous avons cependant exprimé quelques craintes et certaines dérives. Le SNALC s’est donc abstenu lors du vote au CSE.
Sans être réellement explicite, cette réécriture du programme d’enseignement donne le sentiment de viser à améliorer les résultats des élèves aux évaluations de CP, par des attendus de fin de cycle plus poussés.
D’une part, le SNALC redoute une forme de pression de la part des IEN par rapport aux résultats des évaluations CP et le risque de bachotage en grande section pour atteindre ces objectifs au détriment des autres domaines d’apprentissage.
D’autre part, la difficulté de certaines compétences à atteindre en langage et en mathématiques risque de mettre enseignants en difficulté et élèves en échec avant même l’entrée au CP. Il ne faudrait pas que des attendus trop élevés deviennent une évaluation normative et réduisent à néant l’évaluation positive telle qu’elle est définie dans le programme.
Et enfin, le SNALC redoute que la mission de l’école maternelle « de donner envie aux enfants d’aller à l’école pour apprendre, pour affirmer et épanouir leur personnalité, pour exercer leur curiosité sur le monde qui les entoure, tout en respectant le rythme de développement de chacun. » ne soit entravée par une pression aux résultats.

Pour le SNALC, l’ambition affichée dans cette réécriture du programme nécessite des moyens si elle entend véritablement atteindre ses objectifs d’apprentissage.
Pour commencer, elle suppose une exigence d’encadrement. En effet, il est compliqué d’animer des ateliers langagiers avec de petits parleurs ou des ateliers d’écriture qui nécessitent présence de l’enseignant et concentration quand le reste de la classe a également besoin d’attention. La concentration nécessaire aux apprentissages est bien souvent entravée par l’effectif-classe et par l’absence d’une ATSEM à temps plein en GS.
Ensuite, pour répondre à la hauteur de l’ambition affichée dans le programme, le ministère devra s’atteler à améliorer drastiquement la formation initiale en prenant en compte la spécificité, les particularités et la réalité de l’école maternelle.
L’ambition du programme de 2021 est louable aux yeux du SNALC mais elle ne doit pas mettre élèves et enseignants en échec par des attendus de fin de cycle trop exigeants. Au risque de faire perdre la bienveillance et la souplesse, indispensables à l’école maternelle, en ne laissant plus le temps nécessaire à des élèves qui en ont justement besoin.