Nés avec internet, les emails sont devenus tellement omniprésents dans notre quotidien, et a fortiori dans notre travail, qu’on peine à imaginer celui d’un directeur il y a une vingtaine d’année sans ce moyen de communication : informer, s’informer, laisser une trace « écrite », pour les parents, les partenaires, la hiérarchie, les syndicats… La messagerie électronique a révolutionné les pratiques et la diffusion d’informations.
Le directeur reçoit quotidiennement des mails de l’inspection, allant des notes de services aux semaines à thème en passant par les ordres de missions. Ces multiples informations sont souvent doublées par la DSDEN ou le rectorat, voire le ministère lui-même : depuis quelques années, la lettre du ministre est envoyée à l’ensemble des enseignants. Les « messages reçus » s’accumulent, participant à la surcharge de travail. Un email, c’est peu … mais cinquante, soixante par jour… cela demande du temps (de la décharge) et des moyens humains (une aide administrative).
Mais cela ne s’arrête pas à l’école. On indique également par des « tutos » comment mettre son adresse mail professionnelle sur le téléphone portable ou sur un autre ordinateur (celui du domicile par exemple…), en insistant bien sur le fait que chacun est libre de consulter s’il le souhaite. Tout le monde a le droit à la déconnexion…
Même raisonnement pour les applications. Une seule est censée faire gagner du temps pour tout le monde, mais devant la multiplication de ces dernières, le gain n’est plus si évident. Cela a commencé avec BASE-ELEVES devenu ONDE. Puis, cela a continué avec entre-autres, ARENA, MAGISTERE, LSU, ENT, GAIA, COLIBRIS… Chaque département rajoute également ses applications qui lui sont propres : pour les incivilités, pour les absences, les sorties scolaires etc… A chaque fois, le directeur est obligé de se connecter pour consulter, remplir, télécharger, imprimer, scanner, envoyer, renvoyer. Il ne doit surtout pas égarer sa clé OTP ! Sésame ultime qui permet d’ouvrir toutes les portes de ces applications.
Plus récemment sont apparus les logiciels d’élaboration des bulletins. Ils sont certes d’une grande aide pour les enseignants, mais il incombe encore très souvent aux directeurs de mettre à jour la base de données relative à leur utilisation et de donner les autorisations nécessaires. Encore une tâche qui n’apparaît dans aucune mission officielle, dans aucun texte.
Car toute cette informatisation n’est mentionnée nulle part ! Les pratiques ont évolué mais pas les circulaires. Par exemple, il faut tenir à jour le registre matricule « papier » et le conserver 10 ans, bien que ONDE conserve les traces des écoles fréquentées par chaque élève. Le directeur effectue de ce fait très souvent un double travail : un premier informatisé, qu’il va imprimer pour conserver une version « papier » dans ses archives afin de respecter la circulaire.
Et chaque application se rajoute à la précédente, augmentant encore continuellement la dépendance et l’activité informatique : déclarer une manifestation, faire remonter une atteinte à la citoyenneté, recenser le nombre d’enfants ne parlant pas français présents sur l’école… cela prend juste « un peu de temps », dix, quinze minutes par jour … un peu comme chaque email en somme.
Enfin, à cette multitude d’informations, de logiciels, de tâches s’ajoute une dernière épreuve morale : l’auto-formation car pour chaque nouveauté, le directeur est censé en connaître naturellement le fonctionnement. Et, quand il a l’audace de demander de l’aide à son IEN ou son ERUN, il n’est pas rare qu’on lui envoie le mode d’emploi pour consultation… par mail… à lire sur un écran…
L’informatique est un formidable outil. Mais comme chaque outil, son utilisation doit être maîtrisée en qualité, en quantité. Il est urgent que l’Éducation nationale prenne la véritable mesure du poids qu’a pris l’informatique dans le quotidien des directeurs. C’est pourquoi le SNALC réclame une véritable réévaluation des décharges de direction ainsi qu’une aide administrative pérenne. Les directeurs doivent être véritablement formés et, tout comme leur ordinateur, ils doivent avoir des « mises à jour » concernant les évolutions technologiques.