L’arrivée massive d’acteurs du privé est une autre face de la marchandisation de l’école française. L’Éducation nationale est un marché à conquérir, à coups de stratégies habilement marketées.
Le déploiement tous azimuts du numérique éducatif est un bon exemple. La volonté de nos dirigeants de numériser l’Éducation nationale de la maternelle au supérieur– sans aucune réflexion au préalable sur le pourquoi et le comment – est une aubaine pour les entreprises du secteur. C’est un enjeu colossal dont elles se sont parfaitement bien saisies afin de se partager ce marché juteux. Avec des justifications pédagogiques souvent abracadabrantesques et d’éléments de langage « modernes », elles inondent le système scolaire pendant que notre administration applaudit des deux mains.
Mais en ouvrant les portes – et les vannes- à ces entreprises, la France leur cède des niveaux fondamentaux de réflexion, de contenus pédagogiques et de processus d’acquisition de connaissances. C’est ainsi que Microsoft a noué un partenariat pour équiper les écoles en tablettes numériques avec des programmes pédagogiques incorporés. Dernièrement, le développement de l’IA, dont les « bienfaits pédagogiques » sont inlassablement vantés par des médias technofrénétiques et des « spécialistes » extatiques, augmentera cette emprise.
Que dire de l’influence des cabinets de conseils dans la sphère publique ? Lorsque le Ministère confie directement à des entreprises des segments stratégiques de ses compétences à des entreprises privées ? On se souvient des contrats passés sous Jean-Michel Blanquer à McKinsey, une entreprise américaine. L’objectif était par exemple d’organiser un séminaire de réflexion sur les grandes tendances d’évolution dans l’enseignement (!) ou encore de rédiger un rapport sur l’évolution du métier d’enseignant (!!). Quelle hérésie !
L’emprise grandit aussi par la croissance exponentielle de certains marchés privés au sein des écoles, tels le coaching et le développement personnel. La lutte contre les maux contemporains de nos élèves (gestion du stress, confiance en soi, phobies, …) – dont l’origine n’a souvent rien à voir avec l’école – ainsi que la demande sociétale d’une approche éducative fondée sur davantage de prise en compte des besoins de l’enfant sont devenues le prétexte pour faire intervenir une multitude d’intervenants extérieurs. Coachs, créateurs de contenus, auteurs, tous rémunérés bien sûr mais plus ou moins compétents, pullulent, au détriment du travail des professeurs.
Pour le SNALC, il est incompréhensible et même dangereux que des aspects aussi sensibles de notre système scolaire s’ouvre en grand aux acteurs privés. La pénétration des entreprises pose des questions de souveraineté qui dépassent le cadre purement scolaire et il est déplorable que le SNALC soit le seul à régulièrement faire part de ces préoccupations.