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Jean-Rémi GIRARD

 

Edito de la revue Quinzaine universitaire n°1460 du 6 janvier 2022

Dans le monde éducatif (et syndical), on parle depuis longtemps des moyens. Souvent à raison, comme avec l’absence d’investissements sur l’École depuis le début de la crise Covid ou avec les suppressions de postes continues dans le second degré, la médecine scolaire, les services sociaux… mais ce thème a eu tendance à en faire passer d’autres, tout aussi importants, au second plan.

 

Depuis plus récemment, on parle des salaires. Le SNALC avait identifié le problème très en amont, et chiffrait déjà la perte de pouvoir d’achat des enseignants avant même que j’y adhère. Cette question est aujourd’hui — enfin ! — sur le devant de la scène, et même si l’on nous traite encore régulièrement de feignants toujours en vacances et jamais contents, il y a désormais un quasi consensus sur le fait que nous sommes mal payés. Cela vaut évidemment pour l’essentiel des personnels de l’Éducation nationale et du Supérieur, qui, à niveau de concours et d’études égaux ou même inférieurs, gagneraient clairement plus dans la quasi totalité des autres ministères. Sans parler de celles et ceux qu’on rémunère sous le seuil de pauvreté, comme nos collègues AESH.

 

Si la question de la rémunération est au cœur des préoccupations du SNALC, le dossier du mois sur l’évaluation m’invite à aborder aujourd’hui celle du respect. On laissera de côté celui que nous doivent les élèves et les familles, et qui est très écorné, en partie d’ailleurs du fait de nos faibles rémunérations. Une profession qui perd en attractivité perd souvent en lustre.

 

Non, je veux parler du respect que nous doit notre employeur. Car nous exerçons des missions essentielles à la société, dans un contexte difficile, et rendu plus difficile encore par cette interminable crise sanitaire. Nous méritons le respect. Nous ne sommes pas parfaits, certes, mais nous tenons à bout de bras un système scolaire fissuré de toutes parts, aux métiers non attractifs et que nous avons souvent nous-mêmes tendance à déconseiller à nos propres enfants. Tout cela pour quoi ? Pour être traités comme la dernière roue du carrosse, comme la « variable d’ajustement ». Nous devons être les seuls agents en France qualifiés d’« absentéistes » par leur ministre quand nous sommes malades. N’importe qui pourrait visiblement exercer nos missions au pied levé : un parent, un retraité, un étudiant en licence… même un maire a voulu s’improviser professeur des écoles récemment (arrêté in extremis par le rectorat de Nice). Il faut dire qu’après nous avoir seriné durant plusieurs décennies que c’est l’élève qui construisait seul ses savoirs et qu’on avait au moins autant à apprendre de lui que lui de nous, il ne faut pas s’étonner qu’on ait conclu que notre métier ne demandait pas de grandes compétences. Et que désormais, on pouvait distribuer aux élèves et aux parents de véritables questionnaires de satisfaction dans le cadre d’une « évaluation de l’établissement ». Vivement la prochaine étape, où Cyril Hanouna présentera une émission où les « usagers » voteront pour éliminer chaque semaine le prof qui aura mis le moins de smileys sur les copies. 

 

Le manque de respect, c’est évidemment aussi celui de nous avertir après le dernier moment des changements qui ont eu lieu la veille. Combien de fois avons-nous découvert les nouvelles règles sanitaires dans les médias ou sur Twitter avant de les avoir reçues — quand elles nous parviennent — dans notre messagerie professionnelle ? Tout ça pour que le ministre aille mentir ensuite à la radio et à l’Assemblée. Non, mettre à jour le site Internet un dimanche après-midi avec les règles applicables le lundi matin, ce n’est ni informer, ni respecter. C’est se moquer de tous les personnels, sans exception. Transformer les directrices et directeurs en version modernisée d’administratifs à la Kafka qui visent des résultats de tests et des attestations sur l’honneur toute la journée, ce n’est pas les respecter.

 

Le SNALC, lui, vous respecte et vous défend. Et quand je dis « vous », c’est vous, personnel de l’Éducation nationale et du Supérieur, avec vos spécificités, votre vécu propre, qui ne sont pas toujours solubles dans une grande revendication intercatégorielle interprofessionnelle public/privé. Vos combats méritent de la visibilité. Nous leur en donnons chaque jour, et œuvrons partout où nous le pouvons pour que vous soyez respecté, et pour que ceux qui ne vous respectent pas en payent le prix.