GROUPES AU COLLÈGE : RÉSULTATS DE L’ENQUÊTE DU SNALC
Français et mathématiques : les dindons de la farce
Depuis que les discussions autour de la mise en place des groupes au collège ont démarré, le SNALC a mis en garde le ministère de l’Éducation nationale contre les effets que pouvait avoir un tel dispositif sur les conditions de travail des professeurs de français et de mathématiques au collège. Alors que la première période de l’année scolaire est passée, il est temps de tirer un premier bilan.
Le SNALC effectuera une nouvelle étude vers la fin de l’année afin d’affiner son analyse, notamment du point de vue pédagogique, mais ce premier point nous permettra de montrer au ministère les premiers effets de sa réforme. Ce sont plus de deux mille professeurs de français et de mathématiques qui ont participé à l’enquête du SNALC, lui conférant une fiabilité et une représentativité satisfaisantes d’autant que la distribution entre les deux disciplines est équilibrée. Ainsi, quels enseignements pouvons-nous tirer après cette première période d’application.
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Sommaire
UNE MISE EN PLACE TRÈS VARIABLE
Au fil des négociations, l’arrêté présidant à la mise en place des groupes a beaucoup évolué pour finalement atteindre une forme assez floue qui conservait, comme contraintes fortes, de mettre en place des groupes et de les faire évoluer en cours d’année selon les besoins des élèves. Le type de groupes, les modalités étaient renvoyées au niveau de l’établissement. Le SNALC avait d’ailleurs proposé une application de l’arrêté permettant de ne pas désorganiser les collèges et protégeant les conditions de travail des professeurs.
Au final, ces groupes qui peuvent être plus ou moins hétérogènes, plus ou moins de niveaux ou de besoins, et plus ou moins allégés, sont déclinés de manière très différente.
Le premier choix à faire revenait à appliquer la réforme en cassant le groupe classe, ou en trouvant une stratégie pour le maintenir. Cela pouvait se faire en construisant des classes de niveaux ou en appliquant la proposition du SNALC consistant à considérer que la classe est, en soi, un groupe. Très majoritairement, les collèges ont choisi d’appliquer la réforme. Mais 15 % ont tout de même décidé de maintenir la classe.
L’application est plus variable lorsqu’il s’agit de faire évoluer les groupes durant l’année. En effet, près de quatre collègues sur dix nous ont fait remonter que les groupes ne changeraient pas.
Ce choix a sans doute été guidé par le souci de supprimer l’«effet barrettes» dont le SNALC avait dénoncé d’emblée les conséquences néfastes pour les conditions de travail des professeurs.
EMPLOIS DU TEMPS ET LES SERVICES : UNE DÉGRADATION MANIFESTE
La première conséquence prévue par le SNALC concernait les emplois du temps, forcément touchés par l’alignement des classes pour avoir une progression commune et / ou faire évoluer les groupes en cours d’année. Il est donc normal que 58 % des professeurs nous signalent une dégradation de leur emploi du temps, qui se traduit nécessairement par un surcroît de fatigue et de tensions.
Un élément est encore plus générateur de mal-être : le service. De nouveau, les effets de la réforme apparaissent clairement. 61 % de nos collègues signalent une dégradation dans ce domaine. Et le verbatim de notre enquête confirme les mises en garde du SNALC. Il a fallu répartir les classes entre les différents collègues en vue d’aligner les groupes. Et cela s’est globalement fait de deux manières. Soit les professeurs ont dû prendre une classe en plus et alourdir leur service, soit des blocs de moyens provisoires ont été créés, multipliant les services partagés.
Et l’ajout d’heures de cours ou de temps de trajet ne sont pas les seuls effets sur le temps de travail des professeurs. En effet, la charge de travail elle-même est accrue. 65 % des professeurs nous remontent ce fait qui n’a rien de surprenant avec l’ajout de réunions pour faire et défaire les groupes ou la nécessité / obligation de bâtir des évaluations communes.
Comme le SNALC l’annonçait, il est désormais très compliqué pour un professeur de français ou pour un professeur de mathématiques d’être professeur principal.
Quatre professeurs sur dix ont abandonné cette mission et près de deux sur dix l’exercent, mais dans des conditions dégradées. En réalité, comme nous le signalent un grand nombre de collègues dans le verbatim de notre enquête, c’est la participation aux conseils de classe qui devient complexe lorsque l’on n’a que des bribes de classe. Les professeurs de lycée, comme les professeurs de langues ou d’options ne le savent que trop bien.
UN INTÉRÊT PÉDAGOGIQUE ?
Une réforme ayant de tels effets sur les conditions de travail des professeurs peut devenir moins inacceptable si elle a un quelconque intérêt pédagogique et permet d’améliorer les acquis des élèves. Bien évidemment, l’année scolaire est encore jeune et le SNALC dressera un bilan lorsqu’elle touchera à sa fin.
Pour l’heure, la majorité des professeurs de français et de mathématiques estiment que ce fonctionnement est une dégradation. Ils sont en effet 56 % à être insatisfaits. Les reproches que le SNALC a retrouvés assez souvent dans l’expression des collègues varient selon le mode de mise en place. En revanche, la minorité de collègues qui sont satisfaits du dispositif le sont, d’après le verbatim de notre enquête, essentiellement parce qu’ils peuvent travailler avec des effectifs réduits – ce qui ne surprend pas le SNALC. Les professeurs peuvent alors mieux prendre en compte les difficultés et les besoins des élèves.
Toutefois, cette réforme ne garantit pas une vraie réduction des effectifs pour tous les collègues et les contraintes de fonctionnement prennent nettement le dessus.
En effet, 55% des collègues de français et de mathématiques estiment ne pas avoir les moyens suffisants pour mettre en place les groupes.
LES PROFESSEURS DEMANDENT L’ABANDON DE LA RÉFORME
Au final, en mettant en perspective les évolutions de leurs conditions de travail et les bénéfices escomptés, nos collègues, à 80 %, en arrivent à une conclusion évidente : les groupes ne doivent pas continuer sous cette forme ni s’étendre en quatrième et en troisième.
Le SNALC portera leur parole devant le ministère et réclame l’abandon complet de cette réforme. Par ailleurs, le SNALC annonce d’ores et déjà le tour de passe-passe consistant à proposer un dédoublement de la classe sur l’horaire déjà existant ne peut que s’avérer contreproductif. Pour qu’une telle mesure soit réellement utile, elle doit venir en plus des heures de cours. Pas en moins.
Article à paraître dans la revue Quinzaine universitaire n°1495 du 29 novembre 2024