Maxime Reppert, vice-président du SNALC, est l’invité, samedi 14 octobre, du 19/20 info. Il fait part de sa “douleur” et sa “colère” après l’assassinat d’un confrère, la veille, dans un lycée d’Arras.
J. Benedetto – franceinfo
En direct avec Maxime Reppert, bonsoir. Merci d’être avec nous dans le 19-20 Info de France Info. Vous êtes le vice-président national du syndicat SNALC. Au lendemain de la mort de votre collègue, quel sentiment vous anime ce soir ?
Maxime Reppert – SNALC
Au lendemain de ce drame, l’émotion est toujours aussi vive. La douleur est présente car plus on apprend de détails, plus cela fait mal.
J. Benedetto – franceinfo
De quels détails vous parlez ?
Maxime Reppert – SNALC
Le fait qu’il se soit interposé. Le fait que l’agresseur, que l’assassin de notre collègue ait certains mobiles. L’émotion est très vive, il y a de la douleur, il y a de l’indignation car on pense à lui, mais on pense aussi à ce qui s’est passé pour Samuel Paty il y a 3 ans. Beaucoup de colère parce qu’on ne peut pas accepter l’inacceptable. Je suis également enseignant et au nom de mon syndicat, le SNALC, l’évidence est là. Ça ne devrait pas arriver, ça ne doit pas arriver.
J. Benedetto – franceinfo
J’imagine que vous avez eu des échanges avec des collègues enseignants ces dernières heures, qu’est-ce que vous vous dites ? Quel est l’état d’esprit dans la profession ?
Maxime Reppert – SNALC
Les collègues sont inquiets. J’ai eu des collègues en larmes, des collègues qui se sentaient fébriles, et également inquiets quant à la manière dont les élèves perçoivent ces événements. C’est donc avec une certaine appréhension que les collègues attendent la journée de lundi et se demandent ce que l’on pourra faire par la suite pour améliorer ce climat de sécurité, car aujourd’hui on peut parler d’une forme d’insécurité.
J. Benedetto – franceinfo
Est-ce que ça veut dire que vous vous sentez en danger quand vous allez travailler ?
Maxime Reppert – SNALC
Honnêtement, je pense qu’un certain nombre d’entre nous ne se sentent pas tranquilles, car il y a eu ça, il y a eu Samuel Paty il y a 3 ans, et on avait la même inquiétude au lendemain des attentats du Bataclan, la même inquiétude au lendemain de l’assassinat de notre collègue Agnès, qui a été tuée par un de ses élèves. Donc, à un moment donné, on se dit que ça suffit, stop ! Les paroles et le recueillement, c’est important, mais il faut bien plus. Il y a énormément à faire en matière de sécurité. L’école ne doit pas être un lieu où on agresse, ne doit pas être un lieu où on tue. Il faut une réflexion et une action majeure dans ce domaine.
J. Benedetto – franceinfo
Sur le plan de la sécurité, est-ce que vous estimez qu’il faut davantage sécuriser les établissements scolaires ? On évoque des portiques, comme dans les aéroports, et la présence de policiers à l’entrée. Je précise quand même qu’une des enseignantes que nous avions reçues sur France Info nous disait tout à l’heure qu’elle ne souhaite pas que les écoles se transforment en bunkers. Qu’en pensez-vous ?
Maxime Reppert – SNALC
La question des portiques revient régulièrement dans le débat dès qu’il y a un drame de cette importance. On évoque cette question depuis 10, 15, voire 20 ans, en envisageant la possibilité de mettre des portiques qui pourraient probablement résoudre certains problèmes, mais pas tous. Il faut noter que la sécurité dans les établissements scolaires est un sujet très complexe, car d’une part, il y a une politique gouvernementale, mais d’autre part, les établissements scolaires sont gérés par les collectivités territoriales.
Il n’y a probablement pas, à l’heure où je vous parle, de solution miracle qui puisse régler la situation en un claquement de doigts. Il y a des questions de faisabilité des mesures, de moyens financiers, et de ressources humaines en jeu. Les portiques peuvent représenter une piste, mais il en existe d’autres, comme par exemple la possibilité de fouiller les sacs, pour ne donner qu’un exemple. En fait, l’idée pour nous au niveau du SNALC, c’est de travailler sur un vaste chantier qui concerne la mise en œuvre d’une politique de sécurité efficace, ambitieuse et réalisable.
J. Benedetto – franceinfo
Le ministre de l’Éducation nationale l’a annoncé tout à l’heure, la reprise des cours lundi est fixée à 10h partout en France pour permettre aux enseignants d’échanger avec les élèves avant 10h, donc de discuter de ce drame à Arras. Qu’est-ce que vous, personnellement, allez dire à vos élèves sur ce drame à Arras, et comment allez-vous concrètement aborder ce sujet ?
Maxime Reppert – SNALC
Nous sommes déjà satisfaits, au niveau de notre syndicat, que cette demande d’un temps d’échange avec les collègues ait pu être entendue par notre ministre. C’était une demande que nous avions faite, tout comme l’ont fait d’autres syndicats. En fait, pour répondre à votre question, cela va dépendre simplement de la réaction des élèves. Cette réaction peut être très différente, même au sein d’une même classe. Vous avez des élèves qui seront fortement marqués à la fois par ce qui s’est passé, mais aussi, et plus encore, par la diffusion d’images sur les réseaux sociaux. Je tiens à rappeler que des images circulent montrant le drame dans certains détails. Il sera essentiel de se tenir prêt pour répondre à leurs interrogations, de les rassurer, et pour cela, il était indispensable que nous puissions avoir un temps d’échange entre collègues, pour nous recueillir mais aussi pour réfléchir ensemble. Lundi ne sera pas une journée comme les autres.
J. Benedetto – franceinfo
Presque 3 ans jour pour jour après l’assassinat de Samuel Paty, on se souvient de cette affaire des caricatures de Mahomet. Est-ce qu’il y a encore des sujets sensibles qui créent des tensions avec les élèves ? On pense, comme je viens de le dire, aux caricatures de Mahomet, mais aussi évidemment au conflit israélo-palestinien et à la Shoah. Est-ce qu’il y a encore des sujets qui suscitent des tensions avec les élèves et qui sont des moments de tension lorsque l’enseignant doit transmettre ?
Maxime Reppert – SNALC
Il y a toujours des sujets qui peuvent être sensibles, et cela dépend aussi des disciplines. Par exemple, en histoire-géographie, dès qu’on fait référence à l’actualité, dès qu’on fait référence à certains thèmes dans le cadre de l’enseignement moral et civique, je pense par exemple à l’enseignement des libertés, liberté d’expression, à la laïcité, je pense aussi aux collègues d’EPS pour certaines pratiques, je pense également à mes collègues du SVT au niveau de l’éducation à la sexualité… autant d’exemples qui peuvent être très sensibles, et pour lesquels chaque enseignant doit faire attention à ce qu’il dit.
J. Benedetto – franceinfo
Merci beaucoup pour votre témoignage ce soir dans le 19-20.