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France Info TV – CAPES de mathématiques : pourquoi est-il difficile de recruter ?

« On peut clairement parler d'une année noire, surtout qu’il ne manque pas forcément que 200 postes. Il en manquera peut être plus, puisque, comme vous l'avez dit, on a les chiffres d'admissibilité, c'est à dire qu’après les épreuves écrites, il y a encore les épreuves orales [...] »
Jean-Rémi Girard
Président du SNALC

Décryptage d’une année noire pour le recrutement des nouveaux professeurs. Pour le président du syndicat SNALC, il faut absolument redonner de l’attractivité à nos métiers.

Jean-Rémi Girard, président du SNALC, syndicat de l’école au supérieur,  répond aux questions sur France Info le 12 mai 2022

FRANCE INFO : Les professeurs sont déprimés, fatigués par les changements de réforme. Certains ne croient plus en leur métier. Les syndicats ne cessent de le répéter, en voilà un exemple très concret, les résultats des épreuves écrites du CAPES, le certificat d’aptitude, sont tombés, tous les postes ouverts aux différents concours pour devenir professeur ne seront pas pourvus cette année. Pas de quoi donc rassurer pour la rentrée prochaine, on va en parler avec nos invités qui nous ont rejoint sur ce plateau, d’abord Jean-Rémi Girard, Bonjour.

Jean-Rémi Girard : Bonjour.

FRANCE INFO : Merci d’être avec nous, vous êtes le président du syndicat des personnels de l’éducation nationale, le SNALC précisément et Alain Frugière. 

FRANCE INFO : Merci d’être avec nous, vous êtes le directeur de l’Institut national supérieur du professorat et de l’éducation de Paris, l’Inspé. […] On a vu les chiffres, ils manquent 200 postes en mathématiques, par exemple, peut-on parler d’une année noire ?

Jean-Rémi Girard : On peut clairement parler d’une année noire, surtout qu’il ne manque pas forcément que 200 postes. Il en manquera peut être plus, puisque, comme vous l’avez dit, on a les chiffres d’admissibilité, c’est à dire qu’après les épreuves écrites, il y a encore les épreuves orales ; on ne va peut être pas prendre toutes les personnes qui ont réussi à passer les épreuves écrites. Donc oui, on va avoir des problèmes en mathématiques, on va en avoir aussi en allemand, en lettres classiques et peut être dans d’autres disciplines. On aura aussi des problèmes chez les professeurs des écoles. Dans le premier degré, généralement, c’est à Versailles et à Créteil qu’on a des difficultés. Là c’est très probable qu’on en aura dans pas mal d’autres académies.

FRANCE INFO : C’est une question d’argent, de reconnaissance, qu’est-ce qui fait que aujourd’hui, votre métier suscite moins de vocations ? […]

FRANCE INFO : Alors toutes les disciplines ne sont pas touchées par ce manque de vocations. Il y a moins de problèmes en philo par exemple ou en histoire géo. Est-ce que ça, ça vous rassure ? 

Jean-Rémi Girard : Alors ça ne nous rassure pas parce que on sait que la constitution des différentes disciplines fait qu’il y en a certaines qui sont plus attractives que d’autres ou dans lesquelles il y a parfois aussi assez peu de postes et finalement pas mal de candidats. 

Nous, ce que l’on constate, c’est qu’on a une crise qui est quand même structurelle, les professeurs de mathématiques, ce n’est pas que cette année qu’on a du mal à les recruter ; des professeurs d’Allemand, ce n’est pas que cette année non plus, donc on voit très bien qu’il y a réellement une désaffection du métier d’enseignant qui touchait uniquement depuis 10 ans les professeurs de collège et de lycée et qui commence à toucher depuis plus récemment aussi le premier degré. Les professeurs des écoles, c’est nouveau et effectivement, c’est quand même très problématique parce qu’on est finalement dans un métier où on nous a monté le niveau d’études. Maintenant, il faut passer le concours à bac plus 5, c’est quand même très long en termes d’études où le début de carrière n’est quand même pas d’une grande attractivité, aussi bien dans les conditions de travail que sur la rémunération. 

Non, il ne faut pas s’étonner qu’on ait du mal à trouver des candidats et donc que se passe-t-il dans ces cas-là ? On essaie de plus en plus d’avoir recours à des contractuels, c’est à dire des professeurs qui n’ont pas passé le concours, qui vont être payés encore moins cher d’ailleurs et qui sont un peu taillables et corvéables à merci, dont on peut se débarrasser si une année on n’en a plus besoin. 

FRANCE INFO : Alain Frugières, moins de candidats. Est-ce que cela veut dire que le niveau des futurs enseignants va baisser? […]

FRANCE INFO : Est-ce qu’il faudrait encore baisser la barre d’admissibilité pour avoir plus de candidats. 

Jean-Rémi Girard : Alors là, c’est ce qu’on appelle la souveraineté du jury, c’est à dire que les jurys de concours sont souverains et c’est eux qui fixent, normalement sans pression, ce qui est pertinent de recruter comme niveau. Pour le concours de professeur des écoles par exemple, comme c’est un concours avec un recrutement par académie, ce n’est pas  national, on voit que la barre d’admissibilité et d’admission est beaucoup plus élevée à Rennes ou à Montpellier qu’elle ne l’est à Créteil. Parce qu’à un moment, si on mettait la même barre d’admissibilité à Créteil, on ne recruterait probablement même pas la moitié des professeurs. 

FRANCE INFO : Ça pose des questions de niveau, ça aussi, Alain Frugière, cette barre d’admissibilité,  ces inégalités, j’allais dire d’admissibilité d’une académie à l’autre ?  […]

FRANCE INFO : Donc là il manque 200 enseignants en mathématiques pour pourvoir les postes. Quelles conséquences cela va avoir sur la rentrée scolaire de septembre Jean-Rémi Girard ?

Jean-Rémi Girard : Alors on parle beaucoup des mathématiques parce qu’en plus il y a une polémique sur les mathématiques, sur le fait que on l’a supprimé énormément d’heures de mathématiques avec la réforme du lycée, mais ça ne concernera pas que les mathématiques. 

FRANCE INFO : Je crois que Jean-Michel Blanquer avait promis aussi d’introduire une 1h30 de de maths dans le tronc commun des élèves de première. 

Jean-Rémi Girard : C’est ça 1h30 qui pour l’instant n’est pas financée, on ne sait pas qui va la faire. Enfin la rentrée est déjà prête mais d’un seul coup on a 1h30 à ajouter, on ne sait pas comment elle fonctionne, c’est du délire. Il faut quand même se rendre compte, c’est du délire.

FRANCE INFO : Ça va avoir des séquences pour la rentrée de septembre, lesquelles ? 

Jean-Rémi Girard : Bien sûr, ça va avoir des conséquences pour la rentrée de septembre. Il y a une possibilité quand même très forte que l’on n’ait pas des professeurs de mathématiques au premier septembre, devant tous les élèves et pas qu’en mathématiques. Quand on voit qu’il y a 84 admissibles en allemand pour plus de 200 postes au concours, c’est à dire qu’il y aura peut être que 70 même peut être moins d’admis en allemand. On imagine bien qu’on n’a pas mis des postes au concours juste pour faire joli avec des gens qui ne se retrouveraient pas devant des élèves à la rentrée, donc il y a quand même un risque très fort que des élèves se retrouvent soit sans enseignant, soit que dans la dernière ligne droite d’août on appelle des contractuels pour essayer de mettre quelqu’un devant les élèves à la rentrée, quelqu’un qui n’aura pas le concours et n’aura pas eu de formation. 

FRANCE INFO : Vous êtes d’accord avec Jean Rémy Girard ? Alain Frugières, c’est du délire ? […] 

FRANCE INFO : L’académie de Metz, Nancy, est en train d’expérimenter des cours en visio lorsqu’un enseignant est absent, c’est une bonne idée Jean-Rémi Girard ?

Jean-Rémi Girard : Non !

FRANCE INFO : Ne faut-il pas un cours à distance plutôt que pas de cours du tout ?

Jean-Rémi Girard : Non, on peut aussi à un moment, dégrader la qualité de l’enseignement et dire oui mais c’est toujours mieux que rien ! Non, ce qu’il faut, c’est un enseignant formé devant des élèves. Là, les cours en visio, je crois qu’on a toutes et tous testé pendant le confinement. On a vu quand même les limites très nettes et très importantes de l’exercice avec beaucoup de décrochages. C’est une très mauvaise idée. On comprend qu’on a du mal à faire des remplacements de courte durée, déjà aussi parce qu’on manque de remplaçants quand on n’arrive pas à recruter tous les professeurs, à un moment, on n’a pas de vivier de remplacement non plus dans lequel piocher quand quelqu’un est absent, c’est ça aussi la la conséquence de la désaffection du métier. Aller se dire, on va mettre quelqu’un derrière un écran, derrière un ordinateur et les élèves vont être surveillés par un assistant d’éducation. Déjà je ne sais pas où on le trouve l’assistant d’éducation, ils sont occupés à faire d’autres tâches normalement. Non, ça ce n’est pas de l’enseignement, ça c’est du bricolage !

FRANCE INFO : Alain frugères ? […]

FRANCE INFO : Emmanuel Macron a promis 2 gestes : le dégel du point d’indice dès cet été, une hausse des salaires des enseignants de 10% l’an prochain, ça va dans le bon sens ou c’est insuffisant pour attirer davantage de candidats ?

Jean-Rémi Girard : Le dégel du point d’indice, ça concerne tous les fonctionnaires, donc pas spécifiquement les enseignants, mais, ce que l’on a constaté, c’est que, à notre niveau de fonctionnariat, c’est à dire la catégorie A la plus haute et en plus avec un bac plus 5 ans, ce qui est plus élevé que beaucoup d’autres catégories A on a entre 900 et 1000€ de moins par mois que dans la moyenne des autres ministères. Le point d’indice ne va pas changer cette situation.

FRANCE INFO : Il y a aussi cette hausse de 10 % des salaires.

Jean-Rémi Girard : Alors cette hausse en fait, elle a été en partie nuancée par l’entourage d’Emmanuel Macron après son annonce, puisqu’ils ont dit très clairement aux syndicats et aux journalistes de l’éducation, que ce ne serait probablement pas tous les enseignants, ce serait peut être pas tout à fait 10%, ce serait probablement plus ceux qui sont en début de carrière. En fait, aujourd’hui, les enseignants les moins bien payés dans les comparaisons internationales en France sont les enseignants en milieu de carrière, ce sont ceux sur lesquels on ne fait strictement rien. Donc il ne faut pas s’étonner qu’à un moment, ce métier n’attire pas, ce n’est pas parce qu’on va mettre une petite prime les 2-3 premières années de carrière que d’un seul coup, le métier est revalorisé ! 

FRANCE INFO : Alain frugères ? […]

FRANCE INFO : Merci à tous les deux.

 

 

« Alors cette hausse en fait, elle a été en partie nuancée par l'entourage d'Emmanuel Macron après son annonce, puisqu’ils ont dit très clairement aux syndicats et aux journalistes de l’éducation, que ce ne serait probablement pas tous les enseignants, ce serait peut être pas tout à fait 10%, ce serait probablement plus ceux qui sont en début de carrière. »
Jean-Rémi Girard
Président du SNALC