Un adolescent de 15 ans victime de harcèlement a été retrouvé pendu le 5 septembre au soir, à son domicile familial, à Poissy. Son établissement commençait tout juste à mettre en place le dispositif gouvernemental.
Maxime Reppert, vice-président du SNALC, syndicat de l’école au supérieur, est questionné dans Le figaro du 07 septembre 2023
Les enfants ont à peine repris le chemin de l’école, que déjà, un nouveau drame lié au harcèlement scolaire est venu émailler la rentrée. Un adolescent de 15 ans s’est donné la mort le mardi 5 septembre au soir, à son domicile familial, à Poissy (Yvelines). Scolarisé jusqu’à l’année dernière au lycée professionnel Adrienne-Bolland, le jeune homme en 3e «prépa métier» était victime de harcèlement scolaire.
Le ministre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal, a d’ores et déjà réagi à cette tragique disparition : «Beaucoup de chantiers ont été engagés mais chaque drame est un drame de trop qui nous rappelle que nous ne sommes toujours pas à la hauteur», a-t-il déclaré le 6 septembre.
Généralisation à tous les lycées
Par le terme «chantier», le locataire de la Rue de Grenelle fait essentiellement référence au programme de l’Éducation nationale pHARe de lutte contre le harcèlement scolaire. Ce programme repose sur plusieurs piliers, parmi lesquels la prévention, la «mesure du climat scolaire», la formation d’une «communauté protectrice de professionnels et de personnels» pour les élèves ou encore l’intervention «efficace» en cas de situation de harcèlement. Pour faire partie du programme, les établissements doivent répondre à un certain nombre de ces conditions.
Si le lycée du jeune garçon n’était pas encore inscrit à ce programme pour ces raisons, il était déjà doté d’un référent harcèlement et de deux élèves ambassadeurs. Ces derniers ont pour mission de repérer et signaler toute situation de harcèlement. «L’établissement n’était pas dans le dispositif mais des éléments du programme avaient déjà été mis en place pour préparer l’année suivante», confirme auprès du Figaro l’Académie de Versailles.
Et pour cause, ce dispositif est devenu obligatoire pour l’ensemble des lycées à compter de septembre 2023. Cette obligation était déjà effective pour les écoles élémentaires et les collèges depuis la rentrée 2022. Si l’Éducation nationale n’a pas tenu à expliquer les raisons de cette mise en place différée du dispositif entre le collège et le lycée, elle pointe tout de même des enjeux plus importants dans les collèges : «Le nœud du problème concerne d’abord ce niveau, car les élèves sont entre la préadolescence et l’adolescence et sont fragiles», explique l’Éducation nationale. Le vice-président du Snalc, Maxime Reppert, le confirme : «Le harcèlement est surtout visible dans le premier degré, à l’école et au collège». «L’objectif était peut-être d’expérimenter avec les plus jeunes et puis d’essayer d’augmenter et généraliser», poursuit-il.
À ce jour, près de 91% des collèges et 64% des écoles sont inscrits au programme pHARe et il est encore trop tôt pour évaluer le nombre de lycées inscrits. «Dans tous les cas, c’est un processus qui s’inscrit dans le temps long», souligne l’Éducation nationale. «Il faut que les établissements constituent des équipes, qu’ils se forment, qu’ils élaborent un protocole et pendant ce temps, il faut aussi qu’ils mettent des actions de prévention, qu’ils sensibilisent les élèves», poursuit-il. «Cela peut donc mettre plusieurs années», prévient-elle.
Troisième drame en moins d’un an
Mais pour quels résultats ?«D’après les retours des académies, le taux de résolution des situations de harcèlement grâce à cette méthode est de près de 85%», précise l’Éducation nationale. Pourtant les syndicats émettent des doutes. «C’est le troisième drame en moins d’un an», pointe Maxime Reppert, vice-président du Snalc. Le signe, selon lui, qu’il reste du chemin à faire. «Les études montrent que ce dispositif règle de nombreux problèmes mais n’en vient pas à bout», affirme-t-il avant de développer : «La méthodologie employée au cœur du dispositif, dite de la préoccupation partagée, peut s’avérer négative». Cette dernière, qui consiste à montrer au harceleur le mal qu’il fait à l’élève harcelé grâce à «une prise de conscience», peut se révéler contreproductive. «D’après plusieurs spécialistes, elle est très déconseillée quand le harcèlement prend de l’ampleur. Elle peut en effet montrer au harceleur le résultat de ses actions et le pousser à continuer».
L’autre angle mort du dispositif concerne le cyberharcèlement. Si le gouvernement organise des ateliers de luttes contre le harcèlement en ligne, il est difficile pour les établissements d’appréhender ce type de violence, qui se passent souvent en dehors du cadre scolaire, une fois les élèves rentrés chez eux. «Cela échappe entièrement à l’institution scolaire, car on ne peut pas contrôler qui est inscrit sur les réseaux sociaux ou qui publie», insiste Maxime Reppert. Pourtant, d’après un rapport de l’association E-enfance paru en 2021, 20% des enfants ont déjà été confrontés au cyberharcèlement.