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Europe 1 – Conférence de Nicole Belloubet : quelle rentrée ?

«Ce que nous demandons, c'est simplement une école qui fonctionne bien. Une école où les élèves réussissent et où les personnels sont contents d'aller travailler le matin. Qu'observe-t-on aujourd'hui ? Il y a une banalisation de la violence, un manque criant de moyens financiers et humains. Il devient de plus en plus difficile de recruter des professeurs..»
Maxime Reppert
Vice - Président du SNALC

Gouvernement et ministre de l’Éducation nationale démissionnaires, quelle sera la rentrée scolaire 2024 ?

Maxime Reppert, vice-président du SNALC, répond aux questions d’Alexandre Le Mer sur Europe 1 le 28 août 2024

Europe 1 – Alexandre Le Mer

Bonjour Maxime Reppert, vice-président du SNALC, Syndicat national des lycées, collèges, écoles et du supérieur. Il y a une annonce emblématique, en tout cas une annonce attendue. Les téléphones portables, les smartphones vont être interdits au collège, a confirmé Nicole Belloubet.

SNALC – Maxime REPPERT

Elle l’a confirmé, mais comme dans ses annonces, elle utilise quand même le conditionnel, puisqu’elle ne peut pas s’engager. Elle a évoqué une échéance en janvier 2025. Or, il s’avère que très probablement, dans les jours à venir, elle ne sera plus à la tête de ce ministère. Donc, on ne sait pas ce qu’il en sera. 

Nous, au sein de notre syndicat, nous sommes naturellement favorables à l’interdiction du téléphone portable, tout simplement parce que les usages que l’on observe sont, pour beaucoup, assez déviants : harcèlement, cyberharcèlement, prise de photos, violation du droit à l’image, etc. La place qu’occupe actuellement le téléphone portable dans la vie des établissements est trop importante.

Europe 1 – Alexandre Le Mer

… C’est impossible à gérer, c’est devenu hors de contrôle pour les professeurs que vous êtes ?

SNALC – Maxime REPPERT

C’est difficile parce que, d’une part, vous avez, et on le voit dans les médias y compris à travers les témoignages, comme ceux que nous avons pu recueillir sur votre station, des jeunes qui filment et enregistrent, que ce soit lors de faits de violence ou tout simplement lorsqu’ils enregistrent ou filment les enseignants, parfois en plein cours.

Et puis, il arrive aussi que le téléphone portable soit utilisé pour tricher lors des examens. 

De façon plus générale, en parlant de la salle de classe, il faut également se rappeler qu’un établissement est un lieu de vie. Beaucoup de jeunes sont constamment sur leur téléphone portable. Je ne vais pas entrer dans une polémique sur les dangers que peuvent représenter les écrans pour les enfants et les élèves, mais au-delà de cela, il y a la question du harcèlement scolaire et du cyberharcèlement. On se rend bien compte que le téléphone portable est souvent un outil qui alimente, parfois, ces cas de cyberharcèlement.

Europe 1 – Alexandre Le Mer

On va parler du primaire et du collège. La part du contrôle continu au brevet va continuer à baisser, passant de la moitié de la note finale aujourd’hui à 40 %. Diriez-vous que c’est une fausse bonne idée, que le contrôle continu nuit à la solennité de l’examen et à la portée du diplôme ?

SNALC – Maxime REPPERT

Je rappelle quand même qu’il y a beaucoup de conditionnels.

Europe 1 – Alexandre Le Mer

Beaucoup de conditionnel, c’est toujours la question de la ministre démissionnaire qui fait des annonces.

SNALC – Maxime REPPERT

Exactement. Il y a trois choses dans cette rentrée.

Premièrement, il y a ce conditionnel : on annonce des choses qui ne seront peut-être pas réalisées, ou du moins partiellement. C’est le premier point. 

Deuxièmement, on dit que la rentrée est prête. Madame Belloubet a affirmé que la rentrée est prête. Elle l’est peut-être techniquement, mais en réalité, la rentrée va être catastrophique.

Pourquoi ?

Parce que vous avez des mesures qui sont mises en place pour cette rentrée et qui ont été élaborées dans la douleur. Je pense notamment à la question des groupes de niveau, des groupes de besoin.

Europe 1 – Alexandre Le Mer

Oui, on a des groupes de besoin maintenant.

SNALC – Maxime REPPERT

On n’a pas encore les groupes de besoin maintenant. Le nom change, mais surtout, la mise en place est catastrophique. Notre syndicat est vraiment contre cette mise en place. Il y avait moyen de faire bien mieux, et de manière tout à fait différente. Mais le ministère en a décidé autrement.

Europe 1 – Alexandre Le Mer

On rappelle, Maxime Reppert, pour nos auditeurs, que l’idée est de diviser les classes en groupes de niveau plus petits pour un suivi plus étroit des élèves. Cependant, cela pose directement un problème d’encadrement en raison du manque de professeurs.

SNALC – Maxime REPPERT

Un problème de manque de moyens : manque de moyens financiers, manque de moyens humains. 

Europe 1 – Alexandre Le Mer

Mais sur la mise en place de ces mesures hypothétiques, on peut même presque dire lunaires, puisque, effectivement, vous l’avez souligné, nous sommes face à la situation inédite d’une ministre démissionnaire qui vient présenter des annonces pour la rentrée, alors même que l’on ignore si elle sera maintenue au poste de ministre de l’Éducation nationale. De plus, elle prend ouvertement ses distances avec son Premier ministre, Gabriel Attal, ainsi qu’avec ses annonces. Vous avez évoqué, en effet, les groupes de besoin et les groupes de niveau.

Elle affirme que cela se mettra en place avec pragmatisme et souplesse. Traduction : on verra ce qu’on verra, rien n’est moins sûr. Et puis, il y a deux sujets sur lesquels Nicole Belloubet était attendue, mais elle n’a rien dit : l’expérimentation de l’uniforme à l’école lancée par Gabriel Attal, là, rien du tout ; et les cours d’empathie dont on a beaucoup parlé pour essayer de prévenir les conflits et le harcèlement scolaire, là non plus, rien du tout.

SNALC – Maxime REPPERT

De toute façon, nous constatons sur le terrain que toute la politique menée, comme on l’a vu l’an dernier, sauf deux ou trois exceptions, n’est que de la communication. C’est de la com’.

Europe 1 – Alexandre Le Mer

Lors de sa conférence hier, Nicole Belloubet a déclaré qu’elle souhaitait apaiser le système. Mais en vous écoutant ce matin sur Europe 1, on est encore loin de cet apaisement du point de vue du corps enseignant. Ce n’est pas le sentiment dominant en cette rentrée.

SNALC – Maxime REPPERT

Nous ne demandons pas de l’apaisement. Ce que nous demandons, c’est simplement une école qui fonctionne bien. Une école où les élèves réussissent et où les personnels sont contents d’aller travailler le matin. Qu’observe-t-on aujourd’hui ?

Il y a une banalisation de la violence, un manque criant de moyens financiers et humains. Il devient de plus en plus difficile de recruter des professeurs. Vous imaginez un peu? 

On a cette image du professeur fainéant, avec quatre mois de vacances par an, qui travaille peu ou pas du tout, etc. Mais si on regarde la réalité actuelle, c’est que le métier n’attire plus, et ce, depuis des années. On se rend bien compte qu’exercer le métier d’enseignant, c’est bien plus que tous les clichés et stéréotypes que l’on peut avoir sur cette profession. Certains collègues, recrutés via le « job dating », se sont lancés dans l’enseignement pensant que c’était à leur portée parce qu’ils avaient deux ou trois enfants, ou pour d’autres raisons. Mais au bout de quelques jours, ils ont démissionné de l’Éducation nationale.

On se rend donc compte que le métier d’enseignant n’est pas simplement un métier d’encadrement, c’est un véritable métier de professionnel.

Et ce que nous demandons, c’est simplement d’être considérés comme des professionnels. Notre syndicat a formulé de nombreuses expertises sur différentes questions : l’autorité, la laïcité, la sécurité. Mais nous avons le sentiment de ne pas du tout être entendus.

Europe 1 – Alexandre Le Mer

Vous n’êtes pas entendu, et vous nous l’avez bien fait comprendre ce matin sur Europe 1.

On perçoit votre agacement et votre inquiétude pour cette rentrée qui arrive dans quelques jours, lundi prochain.

Merci, Maxime Reppert, vice-président du SNALC, syndicat national des lycées, collèges, écoles et du supérieur, d’avoir été avec nous ce matin sur Europe 1.

«...ce que nous demandons, c'est simplement d'être considérés comme des professionnels. Notre syndicat a formulé de nombreuses expertises sur différentes questions : l'autorité, la laïcité, la sécurité. Mais nous avons le sentiment de ne pas du tout être entendus...»
Maxime Reppert
Vice - Président du SNALC